Traité des Poisons de Maïmonide | ספר הסמים וההישמרות מפני הסממנים הקטלניים
Section I. Chapitre 6
Traduction I.-M. Rabbinowicz (1865)
Chap. VI. Régime alimentaire en général et en particulier de ceux qui ont été mordus. Quelques particularités qui se rattachent à ce sujet.
Tout individu qui a été mordu ou piqué : ou bien qui a avalé un poison quelconque, doit se nourrir de soupe faite avec de l’huile ou du beurre, faire sa boisson de lait récent, manger beaucoup de figues, de noix, noisettes, pistaches, ail, oignons, rue cultivée. On fera usage de ces aliments seuls ou mêlés ensemble. Quand on fait usage d’un seul, celui qui se présente, on en prolonge l’usage avec du pain, mais il faut rejeter entièrement la viande quand ce serait celle des oiseaux, parce que le sang produit par les viandes est disposé à se corrompre par l’effet des exhalaisons du poison, qui est resté dans le sang des individus qui ont été mordus. Quand celui auquel du poison a été donné éprouve une corruption générale du sang et il en résulte des symptômes très-graves, il faut dans ce genre de maladie, mettre beaucoup de sel dans les aliments, parce qu’il brûle le poison et en affaiblit l’action. Il ne faut pas non plus dédaigner l’usage du miel surtout avec le beurre. C’est une chose bien connue dans le peuple, qu’un individu qui a été mordu ne doit manger que du pain sans levain. Pour moi je déclare que je ne connais aucun motif, ni aucune raison sur quoi cet usage puisse s’appuyer, ni dans le raisonnement ni dans la tradition. Donnez pour boisson du vin, la quantité que le patient pourra en supporter, mêlez-le aux aliments particulièrement dans le cas de la piqûre de scorpion. Car le vin enivrant suffit à lui seul pour ce cas. De même, si on donne à satiété à celui qui est piqué par un scorpion, des noix, des figues, de l’oignon, de la rue cultivée, et du vin généreux, sa douleur se calmera promptement, sans qu’il soit besoin de recourir à aucun autre traitement. C’est aussi de cette manière qu’on traite les individus mordus qui éprouvent un très-grand froid ou même une chaleur tolérable. Mais, quand on voit celui qui a été atteint d’une piqûre venimeuse ou qui a mangé une substance empoisonnée, éprouver de la fièvre et demander de l’eau en grande quantité, il faut se hâter de lui donner du lait aigre avec un peu de crème, lui faire manger des pommes ou des grenades acides avec du vin de grenades pour boisson. Si on remarque une très-forte chaleur, il faut recourir aux légumes froids tels que la laitue, la chicorée, le concombre ; l’usage de l’oxymel comme boisson n’est pas à dédaigner, de même que le mélange des eaux extraites de ces substances mêlées d’un peu de vin. Il ne faut pas non plus rejeter l’ail, la noix, la figue, mais de tous ces fruits en petite quantité en raison du degré de chaleur qu’éprouve le malade. Quant à celui qui a été mordu par un chien enragé tous les aliments mentionnés sont bons, excepté le sel qu’on ne doit mettre qu’en petite quantité dans ses aliments, particulièrement si on lui fait boire du bouillon de poulet. Parmi les oiseaux qui peuvent lui procurer la meilleure alimentation, c’est le pigeon, la perdrix, le faisan, le francolin, mais qu’il ne touche point au pigeonneau, car c’est une mauvaise nourriture ; qu’on fasse manger du chou, qui convient surtout dans le cas de la morsure par le chien enragé. Qu’on force la dose de l’oignon, de l’ail, crus ou cuits. Que le malade mange aussi du poisson salé, non pas continuellement, mais de deux jours l’un. Les bouillons d’écrevisses de rivière ; leur chair est la meilleure nourriture, comme le meilleur médicament. Ils sont encore très-bons pour toute espèce de piqûre, par suite d’une propriété qui leur est spéciale. Il en est de même du gland, cru ou cuit qui est aussi un bon aliment, particulièrement pour les individus qui ont été piqués, propriété spéciale qui est confirmée par une expérience prolongée. La cervelle de poule cuite est profitable quand il y a morsure ou bien empoisonnement ; elle ajoute à l’intelligence de celui qui est en bonne santé, de la même manière que le bouillon de pigeon domestique car ces bouillons aiguisent l’esprit par une propriété particulière. L’écorce de limon, quand on en mange, est efficace contre tous les poisons ; il en est de même des feuilles quand on les prend en décoction.
Tous les médecins s’accordent sur ce point, c’est que les fumigations faites avec la corne de cerf expulsent toute espèce de mouche et d’insectes et en particulier les serpents. On dit qu’on obtient le même résultat par des fumigations faites avec les ongles de la chèvre, ou bien avec de la moutarde noire, ou bien du soufre, ou de la nigelle de Damas, ou du pavot (Papaver somniferum, Linn.) ou des cheveux d’homme. Toute fumigation faite avec l’une de ces substances, chasse par son odeur tous les insectes. Quand on a ramassé des scorpions en tas et qu’on les brûle dans l’intérieur d’une maison, l’odeur fait fuir tous les autres scorpions qui peuvent s’y trouver. Mais l’homme doit être fort attentif sur toutes ces choses, là où se trouvent les insectes nuisibles, car la saine raison exige de grands soins, une grande circonspection pour ne jamais oublier ce qui peut préserver le corps de tout accident fâcheux, quoiqu’il n’y ait en réalité de vraie protection que dans la bonté de l’Éternel.
Traité des poisons de Maïmonide (XIIe siècle). Avec une table alphabétique de noms pharmaceutiques arabes et hébreux d’après le Traite des synonymies de M. Clément-Mullet. Traduit par le DrI. M. Rabbinowicz. Paris, Adrien Delayahe (éd.), 1865. [Version numérisée : archive.org]