Yoré Déa | יורה דעה

Des prêts à intérêt | הלכות רבית

Traduction R. Abel Neviasky (1911)


Sommaire

Siman 159. Est-il permis de prêter de l’argent à intérêt à des païens et à des juifs apostats ?

(Ce paragraphe contient 3 articles)

Article 1er. — D’après la loi biblique, il est permis de prêter de l’argent à intérêt à un païen (a)1 ; mais la loi traditionnelle interdit de prendre aucun intérêt, à moins que l’Israélite ne soit obligé de faire cette opération (b)2 ou qu’il ne s’agisse d’un Israélite versé dans la Loi (b’)3. De nos jours, ces prêts sont permis dans n’importe quel cas (c)4.

Art. 2. — Il est permis de prêter de l’argent à intérêt à un Israélite converti au paganisme5, mais il est interdit de lui emprunter (e)6. Glose : D’aucuns défendent de prêter de l’argent à intérêt à cet Israélite (f)7 et il vaut mieux se rapporter, quand on le peut, à ce dernier avis.

Art. 3. — Pour les prêts à intérêt, les Kouthîm sont traités comme les Israélites convertis au paganisme (g)8 ; quant aux Karaîm, on ne doit pas leur prêter à intérêt, et il va sans dire qu’il est également interdit de leur emprunter (h)9. Glose : V. §§ 157 et 124 Lois sur les convertis forcés. Quand un petit enfant israélite a été pris chez des païens, et élevé par eux, sans aucune connaissance de la loi mosaïque, il est traité comme les Karaîm, il en est de même pour le fils d’une Israélite convertie par un païen ; il est interdit de leur prêter ou de leur emprunter de l’argent à intérêt.

Siman 160. De la formelle défense de prêter à intérêt et combien il faut s’éloigner de cette pratique.

(Ce paragraphe contient 23 articles.)

Article 1er. — On doit s’éloigner du prêt à intérêt et beaucoup de préceptes négatifs découlent de là. Ces préceptes négatifs sont applicables aux prêteur, emprunteur, garant et témoins10. Glose : Il n’y a pas de différence, qu’on prête à un riche ou à un pauvre. Toutefois, si l’intérêt de l’argent est minime, l’emprunteur est quitte de tous ces préceptes négatifs, mais il tombe sous la loi de « לפני עור לא תתן מכשל »11. « Ne mets pas de pierre sur le chemin d’un aveugle » (Lévit. XIX, 14).

Art. 2. — La personne qui prête son argent à intérêt est considérée comme immorale ; ses biens et son argent iront en diminuant et ne lui profiteront pas12 ; de plus, elle est regardée comme si elle avait nié Dieu et la délivrance des Israélites par Moïse13.

Art. 3. — Quand un Israélite, possédant de l’argent en propre, se dit détenteur de l’argent d’un païen, et prête à intérêt aux autres Israélites, pour ce personnage imaginaire, alors les Israélites ne pouvant intervenir directement, puisqu’ils ne peuvent être sûrs du fait, s’en rapportent à la vengeance céleste.

Art. 4. — Quand l’emprunteur, en rendant l’argent, donne à son créancier une somme supérieure à celle qui lui a été prêtée, sans que ce soit à titre d’intérêt, et sans en rien dire au prêteur, il est interdit à celui-ci d’accepter. Glose : Quand un particulier donne de l’argent à un autre, non pour avoir des intérêts, mais pour faire un commerce, il est permis à ce particulier d’accepter un bénéfice de son partenaire14.

Art. 5. — Lorsqu’un débiteur, en payant son créancier, lui donne une somme supérieure à celle qui lui a été prêtée, à titre de cadeau, il est interdit d’accepter ; mais si le prêteur accepte le surplus en disant qu’il le rendra dans quelque temps, il devra s’excuser, en remettant cette somme, de ce qu’il ne l’a pas donnée aussitôt, pour ne pas violer le précepte négatif interdisant le larcin. Glose : Il est interdit d’accepter un cadeau pour une somme prêtée, lors même qu’on rendrait ce cadeau.

Art. 6. — Il est interdit d’accepter des intérêts, avant ou après avoir prêté une somme. Ainsi lorsqu’une personne donne un cadeau à une autre, et lui emprunte de l’argent ensuite, on dit que c’est un intérêt donné avant le prêt ; quand, en restituant l’argent, l’emprunteur, pour compensation, donne un cadeau à son créancier, on dit que c’est un intérêt fourni après le prêt. Les deux modes sont défendus, et lorsqu’ils sont pratiqués, on regarde cela comme un intérêt indirect (c)15.

Art. 7. — Le créancier ne doit jamais se permettre de profiter de son débiteur pour la moindre des choses à l’insu de celui-ci, même s’il le faisait déjà avant que l’autre ne lui ait emprunté. Mais si le prêteur a un service à demander à son obligé, il peut le faire, si le débiteur eût rendu ce service avant de rien devoir, et s’il s’agit d’une chose absolument personnelle (d)16.

Art. 8. — Il est interdit de prêter à intérêt de l’argent à ses enfants ou à un membre de sa famille, même si ceux-ci donnaient habituellement des cadeaux au prêteur ; du moment où l’on devient créancier, on ne doit plus rien accepter.

Art. 9. — Il est toujours défendu de faire un ouvrage avec la condition que le bénéficiaire en fera un autre plus difficile en échange. De même, on ne doit pas rendre un service à la condition qu’un pareil service sera rendu, mais dans un temps plus difficile. Ainsi il est interdit à un cultivateur de trier les herbes de son voisin à la condition que celui-ci l’aidera à bouturer ses plantes, bien que ce dernier travail ne soit pas plus pénible que le premier, parce que la bouture se fait dans un temps où la saison presse (e)17. Glose : D’aucuns disent qu’il est interdit de prêter de l’argent sans intérêts avec la condition que le débiteur, sa dette acquittée, prêtera à son tour une somme pareille à son créancier (bien que cela soit permis pour le travail), parce que, dans le cas de l’argent, cette clause semble comporter une récompense équivalant à un intérêt de la somme prêtée. D’autres le permettent, à la condition que l’ex-créancier ne retiendra pas plus longtemps l’argent de l’ex-débiteur que celui-ci n’a gardé le sien. V. § 177.

Art.10. — Le débiteur ne doit pas donner de leçons à son créancier, ni au fils de celui-ci, s’il ne le faisait déjà auparavant18.

Art.11.—Lorsque l’emprunteur n’avait pas pour habitude de saluer le premier son créancier, il ne doit pas le faire après avoir contracté sa dette (f)19.

Art.12. — Le créancier ne doit pas prier son débiteur de lui annoncer quand telle ou telle personne arrivera de tel ou tel endroit (g)20. Glose : Il est interdit au prêteur de tirer de sa position le moindre avantage, même en paroles, vis-à-vis de son emprunteur, ainsi qu’il sera expliqué à la fin de ce paragraphe. Quand un homme prête pour un certain temps une somme d’argent à une dame qu’il veut épouser, il est interdit qu’il lui dise de garder pendant plus de temps la somme prêtée (g’)21.

Art.13. — Un homme peut donner à un autre un zouz (h)22 pour que celui-ci prête dix dinars à un troisième, à condition que le premier ne réclame pas son zouz à l’emprunteur ; mais il est interdit que l’emprunteur dise au prêteur : telle personne vous donnera un zouz pour que vous me prêtiez dix dinars. D’aucuns disent qu’il est aussi interdit à l’emprunteur de demander à une personne qu’elle donne un zouz pour qu’on lui prête dix dinars.

Art.14. — Il est interdit de prêter 100 zouz à la condition que le débiteur donne un zouz à une autre personne, même s’il s’agit d’aumône ou d’un païen quelconque inconnu au prêteur, parce que c’est une sorte d’intérêt déguisé. Glose : On regarde comme semblables le cas où le prêteur verse l’argent à la condition indiquée dans l’article 13, et le cas où c’est le débiteur lui-même qui veut s’engager à le faire.

Art.15. — D’aucuns disent qu’il est interdit à une personne de dire à une autre qu’elle lui prêtera 100 dinars à la condition que celle-ci aille en demander quatre à une troisième (i)23.

Art.16. — Il est permis de donner un zouz à une personne pour qu’elle aille prier une autre de vous prêter de l’argent ; on peut même se servir du fils du futur créancier comme intermédiaire, à condition qu’il soit majeur, et non sous la dépendance de ses parents. Glose : D’aucuns disent que le prêteur ne doit pas accepter le zouz de l’intermédiaire, parce que ce serait alors une sorte d’intérêt. D’autres déclarent qu’il est permis à un Israélite de se servir d’un coreligionnaire comme intermédiaire, pour se faire prêter une somme, dont l’intérêt serait versé à l’intermédiaire qui le transmettrait au prêteur ; l’intermédiaire ne tombe pas sous le coup du précepte négatif visant l’intérêt, puisqu’il n’est ni prêteur ni emprunteur ; de plus, on pourrait dire que l’intermédiaire qui représente le débiteur, qui apporte les intérêts et qui remet au débiteur la somme empruntée, peut être regardé comme l’emprunteur à cause du principe שלוחו של אדם כמותו« le messager d’une personne est considéré comme cette personne elle-même ». Mais non, on applique la règle : אין שליח לדבר עבירה « lorsqu’un homme accomplit une action défendue parce qu’on l’y a incité, c’est lui qui est fautif, et non l’inspirateur de l’action, car il devait refuser d’agir » ; pourtant, il ne faut pas se servir d’ignorants qui ne pourraient comprendre cette nuance. Il y a beaucoup de gens qui, se montrant plus sévères, défendent ces relations d’affaires. Lorsqu’on se trouve dans une mauvaise passe, on peut se rapporter à la première opinion. Il est interdit que l’emprunteur aille chercher lui-même l’argent chez le prêteur, après que l’intermédiaire a apporté les intérêts. Il est interdit que l’intermédiaire fasse avec l’emprunteur un billet au nom du créancier, même quand celui-ci ne le sait pas, parce qu’alors l’intermédiaire serait considéré comme le créancier (j)24.

Art.17. — Lorsqu’un savant Israélite a emprunté des aliments à un autre savant et les lui a rendus avec augmentation, pouvant aller jusqu’au cinquième, cette augmentation est permise, parce qu’elle est considérée comme un cadeau et non comme un intérêt. Glose : D’aucuns disent que s’il a été convenu d’avance entre les deux savants que l’emprunteur rendrait un peu plus, cela est permis, lorsqu’il ne s’agit que de futilités ; pourtant ils ne doivent pas se faire une habitude de ces conditions, pour ne pas donner le mauvais exemple aux ignorants.

Art.18. — Lorsqu’il s’agit d’argent appartenant à des orphelins, ou destiné à la bienfaisance, à l’établissement d’écoles religieuses, ou à la construction de synagogues, il est permis, malgré l’interdiction des lois traditionnelles, de le prêter contre un intérêt indirect (k)25. Glose : À propos de cet argent, il est d’usage de se montrer indulgent sur la question d’accepter un intérêt, bien que d’autres, se montrant plus sévères, ne permettent qu’aux juges de fixer l’intérêt à prendre (pour l’argent appartenant aux orphelins). Dans les endroits où l’on nomme un tuteur pour les orphelins, celui-ci ne doit pas prêter leur argent à intérêt, car cet usage est critiquable ; mais lorsqu’il l’a fait, voir au Code pénal, § 34, s’il est déconsidéré. Si les lois traditionnelles permettent de prendre un intérêt pour un orphelin, c’est pour un orphelin mineur, incapable de se suffire à lui-même. Si un emprunteur, en payant la somme qu’il doit à un orphelin, dit lui avoir versé un intérêt et veut retrancher cet intérêt de la somme qu’il apporte, et si l’orphelin prétend n’avoir rien reçu, on croira l’orphelin sur parole sans qu’il ait prêté serment (l)26.

Art.19. — Lorsqu’un tuteur a prêté à intérêt l’avoir d’orphelins, si l’emprunteur réalise un bénéfice égal à l’intérêt stipulé, il doit verser ce bénéfice (m)27.

Art. 20. — Lorsqu’un tuteur a prêté à intérêt l’avoir d’orphelins commis à sa garde, pour élever ces orphelins, ceux-ci ne sont pas forcés, devenus majeurs, de rendre les intérêts reçus par leur tuteur. Glose : Le tuteur n’est pas non plus forcé de restituer les intérêts dont on a parlé plus haut (n)28. La même règle s’applique à l’argent destiné à la bienfaisance ou à toute autre bonne œuvre, qu’on aurait prêté ; mais le prêteur, pour pouvoir prendre des intérêts, est obligé d’avoir des témoins attestant que l’argent qu’il prête appartient à des œuvres philanthropiques. Voir § 169 s’il est permis au tuteur d’emprunter de l’argent à un païen pour les orphelins.

Art. 21.— Emprunter 100 peroutahs (n’) 29avec la condition d’en rendre 120 (par exemple : si le cours d’une daneka (n’’)30 est de 100 peroutahs au moment de l’emprunt et devra être de 120 au moment de l’échéance), est une opération interdite par la loi biblique. Lorsque le créancier prête en disant, à son débiteur de lui rendre la même somme sans s’occuper du cours, alors si la valeur de la daneka, par exemple, est montée de 100 peroutahs à 120, la loi traditionnelle commande au débiteur de ne rendre que 100 peroutahs.

Art. 22. — Il est permis d’emprunter à intérêt lorsque, se trouvant excessivement gêné, on ne peut faire autrement31. Glose : V. §§ 169 et 173. Il est interdit à une communauté d’emprunter à intérêt pour ses besoins, même si l’intérêt n’est pas direct, et il lui est d’autant plus défendu de s’engager à payer des intérêts directs. Il est interdit de prendre exemple sur certaines communautés qui prêtent et empruntent à intérêt, pour avoir l’argent dont elles peuvent avoir besoin, car il n’y a aucune loi à l’appui de ces agissements ; à moins que les notables ne déclarent que la communauté ne peut subsister sans cela, ou encore qu’elle a besoin de fonds pour des bonnes œuvres, et en cas de nécessité impérieuse, ainsi qu’il sera expliqué dans le § 172.

Art. 23. — II est interdit à un artisan de prêter de l’argent à un particulier, sous la condition que ce particulier lui réservera tout le travail qu’il aura à faire exécuter. Glose : Un profit quelconque étant considéré comme de l’argent, il n’est pas étonnant que la promesse de commande de travail en retour du prêt soit regardée comme un intérêt promis d’avance ; de plus, si l’emprunteur n’avait pas l’habitude de faire travailler son créancier, il ne doit pas le faire non plus lorsqu’il lui doit de l’argent. Lorsque deux hommes, avant d’être créancier et débiteur, avaient la coutume de se rendre mutuellement des services, ils peuvent continuer à le faire après que l’un d’eux est devenu débiteur de l’autre.

Siman 161. De l’intérêt indirect et de l’intérêt direct

(Ce paragraphe contient 11 articles.)

Article 1er. — Il est interdit de rien emprunter sous la condition qu’on rendra davantage ; même si cette augmentation n’atteint pas une peroutah, il y a interdiction d’accepter cet intérêt ; mais si le débiteur a payé, les juges n’ont pas à intervenir pour taire rendre cette bagatelle32. Glose : En général, tout ce qu’on paye pour le temps que l’on a gardé une somme est un intérêt ; mais il faut distinguer le prêt commercial, dont l’intérêt est dit indirect, interdiction traditionnelle, du prêt fait de particulier à particulier, dont le taux est l’intérêt proprement dit, interdiction biblique.

Art. 2. — Lorsque le prêteur a accepté un intérêt indirect, on ne peut pas le lui faire rendre par voie judiciaire ; mais s’il veut être plus consciencieux, il doit le rendre à son débiteur. Glose : Quand un débiteur a donné un cadeau à son créancier, avant ou après l’emprunt, ce créancier, tout en étant consciencieux, n’est pas tenu de le rendre.

Art. 3. — Quand un emprunteur, ayant payé un intérêt indirect, tâche de s’emparer, par emprunt, de la valeur de cet intérêt, on peut le lui faire rendre par la voie judiciaire33.

Art. 4. — Quand on dit que la justice n’a pas le droit de faire rendre par le prêteur l’intérêt indirect qu’il a déjà reçu, il ne s’agit que du cas où le créancier, avec l’autorisation de son débiteur, a usé de l’intérêt reçu, et ne le possède plus ; mais lorsque le débiteur prie le créancier de ne pas gaspiller l’intérêt indirect, que le créancier a obtenu grâce à un jugement païen ou grâce à un juge israélite ignorant la loi des intérêts, l’emprunteur peut, par voie judiciaire, se faire rendre l’intérêt qu’il avait versé.

Art. 5. — L’intérêt proprement dit et défendu par la loi biblique, est celui qui a été convenu entre le prêteur et l’emprunteur au moment de l’emprunt. La justice doit forcer le créancier par tous les moyens possibles à rendre cet intérêt, mais elle ne peut s’attaquer à ses biens (a)34. De même, lorsque le créancier prête au débiteur, à la condition de ne pas payer de loyer ou de ne pas payer le loyer en entier, la justice fait rendre par le prêteur le montant de ce loyer.

Art. 6. — Lorsqu’un créancier, ayant accepté un intérêt, meurt, ses enfants ne sont pas tenus de rendre cet intérêt (b)35, à moins que celui-ci ne soit objet bien caractérisé, par exemple une vache ou un vêtement lorsque le créancier repentant aurait voulu rendre ces biens, et que sa mort a empêché la restitution (c)36.

Art. 7. — Lorsqu’un créancier se repent d’avoir prêté à intérêt, et veut rendre ce qu’il a pris, alors : si c’est un objet bien caractérisé, on peut l’accepter ; mais si le créancier faisait un commerce du prêt à intérêt, on ne doit rien reprendre de lui, afin qu’il ait toujours du remords ; celui qui accepte de lui la restitution de cet intérêt fait preuve de bassesse (d)37.

Art. 8. — Quand un créancier réclame un dinar d’intérêt à son débiteur et que celui-ci lui donne à la place cinq mesures de froment, dont quatre mesures valent un dinar, alors si le prêteur veut rendre l’intérêt, il doit redonner cinq mesures de froment, ou bien un dinar et quart, valeur des cinq mesures de froment.

Art. 9. — Quand un créancier réclame un dinar d’intérêt à son débiteur, et que celui-ci donne à la place un vêtement ou un objet quelconque, alors si le prêteur veut rendre l’intérêt, il doit redonner le vêtement ou l’objet, et non pas de l’argent. Glose : Parce que ce sont des objets bien caractérisés38.

Art.10. — Lorsque pour un dinar d’intérêt le prêteur loue à son débiteur un objet dont la valeur réelle n’est que d’un demi dinar, le créancier doit rendre quand même un dinar39.

Art.11. — Quand il est remis un billet, où sont inscrites la valeur nominale et celle de l’intérêt, direct ou indirect, alors la justice ne fait rendre par le débiteur que le montant du billet, sans s’occuper de l’intérêt, quel qu’il soit. Mais si le billet ne mentionnait pas la valeur de la somme prêtée, et celle de l’intérêt, les juges ne réclament rien au débiteur et le billet n’a aucune valeur (e)40. (V. Code pénal,§ 52.) Glose : La justice connaît la valeur de la somme prêtée, soit parce que le billet mentionne : « tant pour la valeur de l’argent prêté et tant pour l’intérêt », soit parce que le billet ne mentionne que la somme due et qu’il y a des témoins pour indiquer l’intérêt ; et c’est d’après ces indications qu’on ne fait rendre par le débiteur que l’argent reçu par lui41.

Siman 162. De la défense de prêter une séah de blé sous condition qu’une même mesure de blé sera rendue par le débiteur à son créancier.

(Ce paragraphe contient 5 articles.)

Article 1er. — Il est interdit de prêter une séah (a)42 de blé sous condition que l’emprunteur rendra la même mesure ; l’interdiction existe même si aucune condition n’a été faite entre les intéressés et s’ils n’ont pas fixé le jour où le prêt sera rendu. Car la valeur du blé étant susceptible de changer et de devenir plus grande, le créancier aurait pour ainsi dire un intérêt lorsqu’on lui paierait sa dette43. Ce prêt n’est autorisé qu’à la condition que le débiteur rendra au prêteur une somme équivalant au prix du blé au moment où il l’a emprunté, si la valeur du blé a augmenté ; si, au contraire, cette valeur a diminué, l’emprunteur devra rendre une mesure de blé, et non pas une valeur en espèces (a’)44. Il est permis de prêter de l’argent dont le cours n’est pas susceptible de changer. Glose : Un auteur dit qu’il est également permis de prêter une pièce d’or, sous condition qu’une même valeur sera rendue par le débiteur, parce que la valeur de l’or de nos jours n’est pas plus susceptible de changer que celle de l’argent. On peut aussi prêter un pain sous condition qu’il soit rendu, sans s’occuper du pain en augmentation ou en diminution, la valeur totale du pain étant une bagatelle.

Art. 2. — Un homme possédant une certaine espèce de céréales, et ne trouvant pas la clé de sa grange, peut emprunter à un autre une mesure de ces mêmes céréales, puisqu’il a le pouvoir de lui rendre les céréales semblables. Quand une personne ne possède pas une espèce de froment particulière et qu’elle veut en avoir, elle peut en emprunter une petite quantité à une autre, puis, devenue ainsi possesseur de cette espèce, elle peut en emprunter tant qu’elle veut à la seconde personne (b)45. Glose : Quand l’emprunteur possède une espèce de céréales qu’il détient dans un lieu quelconque, on le considère comme s’il l’avait chez lui ; mais si on lui doit cette espèce de grain, on ne le regarde pas comme étant possesseur de cette espèce tant qu’on ne la lui a pas rendue. La même idée est relatée dans le Talmud, traité Baba Metsia. La même loi est appliquée dans le cas où l’emprunteur possède ses grains dans un lieu où le prêteur ne peut aller. Lorsque l’emprunteur possède un peu de grains de la même sorte, il peut le déclarer, sans témoins, au prêteur, afin que celui-ci lui en prête. Il n’est question ici que du cas où il n’y a eu, entre le prêteur et l’emprunteur, aucun engagement au sujet du paiement des grains. Mais lorsque le créancier veut convenir avec son débiteur que celui-ci lui rendra son prêt en nature, si la valeur de la marchandise augmente, et en espèce selon la valeur actuelle, si la valeur de la marchandise diminue, cela est défendu, parce qu’il y a là une spéculation tendant à faire bénéficier le créancier (c)46.

Art. 3. — Lorsque sur le marché le prix d’un certain blé est constant, non susceptible de changer, et est connu des deux intéressés, l’un peut en prêter une mesure à Vautre sous condition que celui-ci la lui rendra. Glose : Voir § 175, ce qu’on appelle prix constant. Ce que nous avons dit (qu’on pouvait prêter le blé lorsque sa valeur n’est pas susceptible de changer) c’est à la condition que l’emprunteur sera en mesure de payer le prêteur quand celui-ci voudra ; mais s’il a été conclu que le débiteur remboursera au moment de la hausse du blé, cela est interdit.

Art. 4. — Il est permis à un propriétaire de prêter à son jardinier, sous condition d’être rendue, une séah de semence, soit avant que celui-ci ait travaillé chez lui, soit après. Il ne s’agit ici que des localités où le jardinier fournit lui-même les semences ; mais si c’est le propriétaire qui les fournit, il lui est interdit de prêter les semences, dès que le jardinier a commencé son travail47. Glose : Il est entendu qu’il s’agit des jardiniers qui reçoivent le tiers ou la moitié des produits provenant des semailles (d)48.

Art. 5. —Quand, en prêtant deux séahs de froment, le créancier fait un billet sans y inscrire le prix que le froment avait au marché, ni que son débiteur possédait des grains semblables, alors : si celui-ci jure que le prix des céréales n’était pas constant, et qu’il ne possède pas de grains de la même espèce, il doit payer au prêteur le montant en espèces des deux séahs, en ne tenant compte que de la valeur qu’elles avaient au moment de l’emprunt49. Glose : Le prêteur n’a pas le droit de défendre sa cause en disant qu’il a mis chez une autre personne une partie de son blé, comme appartenant à l’emprunteur, sans que celui-ci le sache. Quand une personne a emprunté du blé à une autre dans une certaine ville, et qu’elle le lui réclame dans une autre ville, où le grain coûte plus cher, le débiteur ne doit rendre qu’une valeur équivalente au prix qu’avait le blé dans le lieu où il a été prêté. Glose : Il est permis d’emprunter une séah de froment sous condition de rendre une séah de froment, si l’emprunteur possède un peu de froment chez lui ; mais il est interdit d’emprunter une séah de froment sous condition de rendre une séah de semoule, même si les deux denrées ont le même prix(e)50.

Siman 163. Du blé donné au prix actuel comme paiement d’une dette.

(Ce paragraphe contient 3 articles.)

Article 1er. — Lorsqu’un créancier réclame son dû à un débiteur pour acheter du blé, et que celui-ci dit au prêteur de s’informer du prix des céréales, car il veut bien être son débiteur pour une quantité équivalente de grains, alors, si l’emprunteur possède la quantité de blé nécessaire pour payer sa dette, il lui est permis de s’acquitter ainsi même si le prix n’a pas été fixé ; mais s’il n’a pas assez de grains, cela est interdit. Glose : Lorsque le débiteur, voulant payer en céréales, dit posséder la quantité nécessaire, il est cru sans l’aide de témoins. V. § 162.

Art. 2. — Quand un prêteur réclame, pour acheter du vin, une dette provenant d’un prêt de céréales, l’emprunteur peut le prier de s’informer du prix du vin, en vue de se libérer en payant avec ce liquide ; alors, si le débiteur possède assez de vin pour rembourser son créancier, cela lui est permis, mais si l’emprunteur n’en a pas assez, il ne peut user de ce mode de paiement.

Art. 3. — Un commerçant vient demander un prêt d’une mine (a)51 et le prêteur, n’ayant pas cette somme, donne à la place pour une mine de blé, selon la valeur des céréales au moment de l’emprunt ; puis il rachète à son débiteur les mêmes grains pour quatre-vingt-dix dinars seulement ; (Glose : Les grains valant aussi une mine au moment du rachat)52 ; alors l’emprunteur doit au moment de l’échéance, payer en nature, c’est-à-dire avec du blé, mais il ne doit pas donner une mine, ce qui semblerait une sorte d’intérêt pour le créancier (a’)53 ; toutefois si le prêteur, n’écoutant pas cette interdiction, veut se faire rembourser en espèces, il peut se faire payer par voie judiciaire, car il n’y a en cela, en vérité, ni intérêt direct, ni intérêt indirect (b)54. Glose : D’aucuns disent que c’est un intérêt indirect (c)55. Il ne s’agit ici que du cas où il n’y a eu aucune convention entre les intéressés ; mais si le prêteur est convenu avec son débiteur que celui-ci lui vendra son blé moins cher, et lui paiera ensuite sa dette en espèces, alors cela est formellement interdit, même si le débiteur veut ensuite payer en céréales, car il y aurait un intérêt direct.

Siman 164. Celui qui a un champ comme gage de paiement ne peut le louer sous contrat de métayage.

(Ce paragraphe contient 4 articles.)

Article 1er. — Celui qui obtient un champ comme nantissement pour la sûreté d’une dette ne peut le louer à son véritable propriétaire56. Un autre permet de le faire, quand le contrat de nantissement s’est effectué selon la coutume d’Assyrie (a)57. Glose : Il n’est question ici que du cas où le créancier n’a mis aucune condition pour le louage du champ, et où il a pris possession du terrain avant de le louer ; sinon il est interdit de le louer.

Art. 2. — Quand un champ a été mis en gage d’après la coutume assyrienne et qu’une personne a loué ce terrain auprès du créancier, cette personne peut le sous-louer à son tour au propriétaire du champ.

Art. 3. — Le vendeur d’un champ peut convenir avec l’acheteur que celui-ci le lui louera sous contrat de métayage. Glose : C’est-à-dire que le locataire du champ s’engage à le cultiver, et à en donner une partie des produits au propriétaire, que le champ produise ou non58.

Art. 4. — Si une personne prête de l’argent sur un champ et dit à son débiteur : si vous ne me rendez l’argent dans trois ans, le champ m’appartient, et qu’elle ne dise pas que ces trois années courent du moment où le contrat est fait (b)59, elle ne peut profiter des produits du champ. Si le créancier s’est nourri des produits du champ pendant les trois années, cela est regardé comme un intérêt, et le débiteur peut se faire rendre la valeur de ces produits par voie judiciaire. Glose : D’aucuns disent que les productions du champ durant le laps de temps fixé sont regardées comme un intérêt indirect (c)60, ainsi qu’il est expliqué dans le § 172. Toutefois le créancier est forcé de rendre ce qu’il aurait pris au-delà des trois années.

Siman 165. Du créancier qui prête de l’argent sous condition que cette somme lui sera remboursée avec la monnaie en cours lors de l’échéance.

(Ce paragraphe contient 1 article.)

Article 1er. — Quand un créancier prête de l’argent, sous la condition qu’il sera remboursé avec la monnaie ayant cours à l’échéance, si le poids du métal précieux a été augmenté dans l’alliage, et que par là le prix des denrées ait baissé, le débiteur devra en tenir compte et payer seulement avec ces nouvelles pièces une somme de valeur égale à la somme prêtée61. Si, d’un autre côté, le poids du métal précieux est augmenté dans l’alliage sans rabais sur les denrées, le débiteur ne devra pas en tenir compte. Il ne s’agit ici que du cas où le poids du métal précieux a été augmenté d’un quart ; quand il l’est davantage, le débiteur doit en tenir compte, même si le prix des denrées n’a pas baissé62. Il en est de même dans le cas où le poids du métal précieux est diminué63. Glose : Voir Code pénal,§ 74. dans quel cas l’emprunteur peut rendre à son créancier des pièces que celui-ci lui avait prêtées et qui n’ont plus cours. Quand le prix des marchandises a diminué par suite de l’émission d’une nouvelle monnaie ayant le même poids, un débiteur, engagé comme il est dit précédemment, peut payer exactement la somme due avec les nouvelles pièces. Lorsqu’on ignore si le poids du métal fin a changé, on peut s’en rapporter aux monnayeurs, même païens, à condition qu’ils ne connaissent pas le motif de l’enquête. Quand un édit royal ou gouvernemental prescrit que tout le monde paye avec la nouvelle monnaie, on doit obéir à cet édit sans se préoccuper d’autre chose, d’après ce principe que « la loi du gouvernement est la loi ».

Siman 166. Le créancier ne doit pas réclamer les services des domestiques de son débiteur, ni habiter dans sa cour.

(Ce paragraphe contient 3 articles.)

Article 1er. — Le créancier ne doit pas faire travailler le domestique de son débiteur, même quand ce serviteur n’a rien à faire (a)64. Il lui est interdit de demeurer gratuitement chez son obligé ou de lui louer un appartement à bas prix, même lorsque l’emprunteur ne loue pas à d’autres, et, par conséquent, ne retire aucun profit de sa maison (b)65. Si une personne quelconque, demeurant gratuitement dans la maison d’un propriétaire qui ne loue pas, devient le créancier de son hôte, elle peut continuer à rester dans cette maison comme auparavant, sans payer de loyer, et n’est passible d’aucun reproche, même si le propriétaire veut louer mais sans trouver de locataire. Maïmonide déclare que la présence du créancier chez son débiteur constitue un intérêt indirect, même quand le propriétaire ne loue pas, et que le créancier doit solder son loyer s’il veut être en règle avec sa conscience. Glose : D’après tous les auteurs, les maisons à louer, habitées par un créancier, constituent un intérêt indirect. (V. Code pénal.)

Art. 2. — Un propriétaire fait un emprunt et permet à son créancier de venir demeurer dans sa maison ; alors, si celle-ci est à louer, le fait que le créancier l’habite constitue un intérêt direct ; si elle ne se loue pas, ce fait est considéré comme un intérêt indirect66. Glose : Il ne s’agit là que du cas où le propriétaire a fait la proposition à son créancier sans condition ; mais s’il lui dit : prêtez-moi de l’argent et, pour récompense, vous demeurerez dans ma maison, alors, — même si la propriété ne se loue pas, il y a intérêt direct. Quand le créancier veut recouvrer son argent, et que le débiteur, n’étant pas à même de le payer, le prie de venir demeurer dans sa maison, cela est regardé comme intérêt indirect par quelques-uns et comme intérêt direct par quelques autres. L’auteur déclare intérêt direct le fait d’offrir de demeurer dans la maison, comme dédommagement de la prolongation de la créance (c)67. Glose : Tous les profits attribués au créancier par le débiteur, sans avoir été mis comme condition, prêtent à la discussion, et sont considérés comme intérêt direct ou indirect, suivant les auteurs.

Art. 3. — En cas d’intérêt indirect, si, le prêt n’étant pas encore soldé, le débiteur demande qu’on lui retranche cet intérêt de sa dette, le prêteur peut ne pas le faire selon certains auteurs ; d’aucuns exigent la suppression de l’intérêt indirect. Glose : La dernière opinion est la plus sérieuse. Quand un professeur instruit un enfant et devient le créancier des parents, il est interdit de convenir que les parents pourvoiront aux besoins du maître (même s’ils l’eussent fait avant que celui-ci devienne leur créancier), pour le récompenser de ses soins (d)68 ; cette défense tient à ce que cela reviendrait au cas où le créancier demeure dans la maison d’un débiteur qui ne la loue jamais. Quand un créancier a fait un don en argent à son débiteur, et que celui-ci veut le rembourser, il est permis au donateur d’accepter. Il est permis à une personne, qui n’a pas besoin d’emprunter, de dire à une autre, à laquelle elle veut du bien, de lui bâtir une maison et d’y demeurer jusqu’à ce que la première personne lui rembourse les frais de construction. Cela ne s’appelle pas un emprunt, mais un service rendu.

Siman 167. Du prêt fait à la condition que le créancier participera aux bénéfices du débiteur.

(Ce paragraphe contient 1 article.)

Article 1er. —Il est permis de prêter, par exemple une mine, sous la condition que le créancier aura deux tiers de bénéfice dans le commerce. Comme dédommagement de son travail le débiteur recevra une certaine somme. De plus, il est entendu que les autres revenus, rapportés par la somme prêtée, reviendront au débiteur, et qu’en cas de perte c’est le créancier seul qui supportera les risques courus par le capital engagé. Glose : Inversement, en cas de gain, le débiteur prend d’abord pour lui le bénéfice réalisé, et travaille ensuite avec la somme prêtée, au profit du créancier.

Siman 168-169. De l’intérêt provenant des négociations d’argent avec un païen.

(Ce paragraphe contient 27 articles.)

Article 1er. — Un Israélite ayant emprunté à intérêt de l’argent chez un païen, et se voyant réclamer sa dette, il lui est interdit de donner la somme due à un autre Israélite, qui paiera les intérêts au païen et deviendra son débiteur à la place du premier, même si le second Israélite écrit un billet où il déclare devoir la somme au païen, et s’il offre un gage. Glose : Si l’Israélite accepte un tel marché, il peut se voir dans l’obligation de payer au païen l’intérêt dû par le second débiteur. La même loi s’applique à un Israélite débiteur d’un païen et qui ne paie pas d’intérêt69. Il est également interdit d’opérer de la façon suivante : un débiteur israélite et son coreligionnaire se trouvant chez le créancier païen, celui-ci dit au débiteur de donner le montant de sa dette au second Israélite, qui versera au païen la même somme avec son intérêt et que le premier débiteur sera libéré70.

Art. 2. — Il est permis que le païen recouvre une créance chez un Israélite et prête ensuite la même somme à un autre Israélite, celui-ci faisant tenir les intérêts au créancier par l’intermédiaire du premier débiteur71.

Art. 3. —Lorsque deux Israélites étant en présence d’un païen, celui-ci dit à l’un d’eux, qui est son débiteur, de déposer le montant de sa dette par terre, et prie son compagnon de ramasser cet argent, il est permis au second Israélite de le faire, et de verser un intérêt a son créancier (a)72. Glose : D’aucuns disent qu’il est permis au débiteur israélite, sur la demande du créancier païen, de donner le montant de sa dette à un autre Israélite qui deviendra après le débiteur du païen. Quand un Israélite n’a aucune relation de dettes avec un autre Israélite qui est débiteur d’un païen, et que ce païen le prie d’aller recouvrer pour lui chez le premier Israélite, ce second Israélite est considéré comme un simple intermédiaire ; il peut remettre l’argent à son coreligionnaire, et en recevoir l’intérêt pour le donner au païen73.

Art. 4. — Il est permis à un Israélite d’emprunter de l’argent à un païen, sous la condition de verser l’intérêt à un coreligionnaire (b)74.

Art. 5. — Il est interdit à un Israélite d’accepter l’intérêt d’une somme qu’il a prêtée à un païen, si cette somme a été de nouveau prêtée à intérêt par le débiteur à un autre Israélite (c)75. Glose : Il n’est question ici que du cas où le païen a prêté au second Israélite, grâce aux négociations de son créancier, et d’après l’avis d’un auteur : que le travail fait par le païen équivaut à celui de l’Israélite sur l’ordre duquel il agit. Si l’on considère l’avis d’après lequel les agissements du païen ne sont pas confondus avec ceux de l’Israélite, l’interdiction aura lieu si l’Israélite force son débiteur à lui verser un intérêt, tout en sachant que ce débiteur exigera un intérêt du second Israélite pour le satisfaire lui, parce qu’alors les intérêts sont réputés intérêt direct. Le créancier israélite peut accepter l’intérêt du païen d’après l’un et l’autre de ces deux avis, si le païen a un gage de son débiteur, car il ne forcera pas alors ce débiteur à payer une rente, étant assuré pour son argent, comme il sera expliqué plus loin (d)76.

Art. 6. — Si, après avoir prêté contre intérêt une somme à un païen, le créancier israélite réclame la dette, et qu’un autre Israélite vienne chez le débiteur lui demander l’argent, en s’engageant à lui fournir l’intérêt qu’il doit à son créancier, le premier Israélite peut accepter cet intérêt. De même, il est permis au créancier d’accepter l’intérêt, si le second Israélite demande au païen l’argent en lui disant qu’il le versera avec la rente à son coreligionnaire, parce que cet argent est considéré comme donné par le païen. Quand le païen remet le montant de sa dette au second Israélite en présence du créancier, il est interdit à celui-ci d’accepter un intérêt, parce qu’il semble que l’opération ait été permise grâce au créancier israélite. Glose : D’aucuns se montrent plus faciles, même si la remise a eu lieu en présence du créancier israélite. Mais au fond on devrait adopter le premier avis. Toutefois dans les localités où il est d’usage de se montrer facile, on peut adopter le second.

Art. 7. — Lorsqu’un Israélite dit à un païen : « va emprunter, en ton nom, chez un Israélite, de l’argent à intérêt pour me le remettre », il va contre la loi ; quant au prêteur, il est innocent puisqu’il ne connaissait pas la ruse77. Glose : D’aucuns se montrent très modérés et disent que le païen ne peut être considéré comme se substituant absolument au premier Israélite. (V. plus haut.) Cependant il n’est permis de se montrer modéré que dans les lieux où l’on a l’habitude d’opérer ainsi.

Art. 8. — Lorsqu’un Israélite prie un païen d’emprunter pour lui de l’argent à intérêt chez un autre païen, et que celui-ci emprunte cet argent à un Israélite, l’opération est permise78.

Art. 9. — Quand un païen emprunte à un Israélite de l’argent avec dépôt d’un gage et à intérêt, alors : si, au moment de rendre le gage, il arrive un Israélite déclarant que l’objet lui appartient, le créancier n’a pas besoin de le croire (e)79. De plus, le susdit Israélite ne peut faire venir des témoins attestant que l’argent donné par le païen provient d’un créancier Israélite, car on peut admettre l’hypothèse que le païen a gardé pour lui l’argent de ce prêt, et a rendu une somme lui appartenant personnellement. Mais lorsque le créancier sait par lui-même que le gage est à un Israélite, il lui est interdit de donner de l’argent contre cet objet, même s’il ne fait que supposer le cas (f)80. Glose : Il ne s’agit ici que du cas où l’on considère l’opération faite par le païen comme équivalant à celle qu’aurait accomplie Israélite, sur l’ordre duquel il agit. Quand on sépare l’opération de l’Israélite et celle de son mandataire, la chose précédemment défendue est permise. Et c’est pourquoi on a écrit, au nom de Rabbi Tham, qu’on peut donner, de propos délibéré, de l’argent sur gage à un païen tout en reconnaissant que ce gage provient d’un Israélite, parce que le païen est l’intermédiaire. Il a d’ailleurs été dit plus haut qu’il est permis de se montrer modéré, là où l’on a l’habitude d’opérer ainsi ; et quand un païen apporte un gage et qu’un Israélite vient réclamer ce gage, l’opération reste permise. Cependant le créancier a le droit de refuser la restitution de l’objet à son propriétaire israélite, en déclarant qu’il n’avait affaire qu’au païen, et il peut ne rendre le gage qu’à son débiteur ; c’est pourquoi l’Israélite peut prêter contre l’objet la valeur exacte de cet objet, afin de n’avoir aucune affaire avec le véritable emprunteur si celui-ci voulait intervenir81.

Art.10. — Quand un païen, ayant un gage de provenance israélite, va à son tour le confier à un autre Israélite, auquel il emprunte à intérêt, alors: quand le premier Israélite vient réclamer l’objet, il est interdit au créancier d’accepter l’intérêt, si l’argent prêté a juste la valeur de l’objet ; mais si la valeur de l’objet est inférieure à l’argent que le créancier a prêté au païen, il est permis au prêteur d’accepter l’intérêt (h)82. Quand l’Israélite qui a donné un gage au païen ignorait que celui-ci le porterait à un autre Israélite pour avoir de l’argent, il est permis au créancier de recevoir de l’Israélite propriétaire de l’objet mis en gage, l’intérêt de la somme prêtée au païen et la somme elle-même83. Glose : Un Israélite étant débiteur d’un païen, pour une somme prêtée à intérêt, si le païen passe la créance à un autre Israélite, celui-ci peut accepter l’intérêt s’il lui est apporté par le païen, mais il lui est interdit de le recevoir de la main du premier Israélite.

Art.11. — Un Israélite ayant prêté à un païen un gage pour permettre à celui-ci d’emprunter de l’argent à intérêt, si ce païen s’adresse à un Israélite, ce dernier peut prêter la somme demandée et recouvrer ensuite capital et intérêt, même au cas où cet argent lui serait présenté par son coreligionnaire qui a prêté le gage. Glose : On ne doit pas offrir au païen un gage par l’intermédiaire d’un tiers. Quand un païen, ayant pour lui la force, ne veut pas restituer à son propriétaire légitime le gage qu’il avait reçu de lui, il est du devoir du prêteur israélite, à qui ce gage avait été confié, de rendre l’objet à son coreligionnaire, parce que le païen n’est qu’un voleur (i).84 Mais quand le païen n’a pas la force de nuire, et que l’Israélite peut le contraindre à lui restituer son bien, alors l’Israélite qui a reçu le gage du païen n’est pas tenu de rendre l’objet à son possesseur comme il a été vu plus haut ; il peut le remettre au païen, ou encore à son coreligionnaire, si celui-ci veut lui rembourser la dette du païen. S’il s’agit d’un païen ayant pour lui la force et qui vient chez un Israélite donner un gage appartenant à un autre Israélite, alors si ce païen demande une certaine somme d’argent et refuse de payer aucun intérêt, le propriétaire du gage est aussi libre de n’en point payer, lorsqu’il vient réclamer l’objet qui lui appartient. Un païen a apporté à un Israélite un gage et emprunté, pour sa valeur, une certaine somme à intérêt, puis a vendu l’objet à un autre Israélite : alors le nouveau propriétaire de l’objet en allant retirer cet objet et payer la dette du païen, doit en même temps rembourser l’intérêt de la somme prêtée (j)85.

Art.12. — Un païen ayant emprunté, avec remise d’un gage, de l’argent à intérêt chez un Israélite, dit à celui-ci de vendre l’objet à un Israélite quelconque, Ruben, qui lui paiera alors sa dette, le marché est conclu ; mais Ruben, après la livraison de l’objet, garde l’argent pendant un certain temps, et le créancier réclame au païen l’intérêt de la somme gardée par Ruben ; si le païen refuse, et ne veut payer l’intérêt de l’argent que jusqu’au moment de la vente, et s’il va demander le reste à l’acheteur de l’objet, il est permis au créancier d’accepter, car cette démarche du païen ne le regarde pas (k)86.

Art.13. — Un païen vient apporter un objet à un Israélite, et le prie d’aller chez un de ses coreligionnaires emprunter de l’argent pour lui, avec cet objet comme gage. Il est alors permis au prêteur d’accepter de l’intermédiaire israélite le paiement de la somme et de l’intérêt, à condition que lui, créancier, ait pris sous sa responsabilité la valeur de l’objet et de la somme qu’il prête. Glose : Si le païen a donné le gage à son intermédiaire israélite avant de recevoir du prêteur le montant de la somme qu’il veut emprunter, le prêteur peut accepter de l’intermédiaire le remboursement de la somme et de l’intérêt, même si l’intermédiaire a la responsabilité de l’objet ; il suffit alors que le créancier prenne la responsabilité de la somme qu’il prête (l)87. De même, au moment où l’intermédiaire vient reprendre le gage chez le créancier, si celui-ci lui dit que la responsabilité pèse sur lui prêteur, ainsi que celle de la somme prêtée dès que le païen s’en est dessaisi, il est inutile de faire des conditions avec l’intermédiaire, celle, par exemple, qu’il sera obligé d’envoyer des témoins pour affirmer la véracité de ce qu’il prétend, s’il venait à perdre l’argent ou l’objet. Si le prêteur a accompli la formalité prescrite, au moment de l’emprunt et si l’intermédiaire, au moment de reprendre le gage, lui déclare que l’objet lui appartient, à l’intermédiaire, et que l’argent emprunté était pour lui-même (m)88, le prêteur peut refuser d’y ajouter foi. Cependant, si le doute s’empare de lui, il peut ne pas accepter de l’intermédiaire le paiement de la dette, et déclarer qu’il n’acceptera l’argent que des mains du païen, et qu’il lui remettra aussi le gage. Il en est de même si l’intermédiaire veut prêter serment ou amener des témoins ; car s’il a trompé, en disant qu’il empruntait pour un païen, on ne peut plus avoir confiance en lui (n)89. Glose : À plus forte raison, ne croit-on pas au serment de l’emprunteur païen. Si on arrive à savoir qu’en effet l’argent était emprunté pour l’Israélite lui-même, il est interdit au créancier de prendre aucun intérêt, mais ceux qui empruntent ainsi sont regardés comme de malhonnêtes gens. Il ne s’agit ici que des prêts contre gage. Si l’intermédiaire emprunte de l’argent sans gage, et déclare que c’était pour son propre compte, on le croit (o)90, mais s’il y a soupçon qu’il n’ait pas dit la vérité, il est disqualifié pour son mensonge.

Art.14. — Quand un intermédiaire israélite conclut avec un païen pour un intérêt de tant pour 100 et qu’au prêteur, également israélite, il donne un taux moindre, on admet l’intérêt que veut donner le païen, et le reste revient à l’intermédiaire comme commission. Si le taux arrêté avec le prêteur est supérieur au taux arrêté avec l’emprunteur, l’intermédiaire ne doit pas payer le surplus au créancier. Glose : D’aucuns disent que l’intermédiaire doit payer la différence, si, dans le marché, il n’a pas prononcé le nom du païen et s’il a fait comme s’il s’agissait de lui-même ; si dans le traité il a parlé du païen, et de lui-même seulement comme intermédiaire, il n’a pas à rembourser le surplus de l’intérêt au créancier. Pourtant il est défendu de prêter, de propos délibéré, à l’intermédiaire israélite, contre un gage païen, et de recevoir de cet intermédiaire la somme prêtée et l’intérêt, parce que cela revient à prêter une somme à l’intermédiaire qui, à son tour, la prêterait au païen. Il faut que l’opération soit formellement engagée au nom du païen ; alors, quand l’intermédiaire vient réclamer le gage, le prêteur peut recevoir de lui la somme due et l’intérêt. Il ne s’agit ici que du cas où le prêteur déclare que l’intermédiaire viendra lui-même réclamer le gage ; quand l’intermédiaire vient prendre le gage sans y avoir été préalablement invité, on a tendance à l’accuser d’avoir fait l’opération pour son propre compte. Mais quand l’intermédiaire refuse de retirer le gage, le prêteur n’a pas le droit de l’y forcer.

Art.15. — Quand un intermédiaire israélite vient emprunter, avec un gage païen, auprès d’un coreligionnaire, de l’argent à intérêt pour un païen, et que, quelque temps après, le créancier veut vendre l’objet pour recouvrer la somme prêtée, il n’a pas à craindre la puissance du païen, puisqu’il n’a fait aucune affaire avec lui ; quant à l’intermédiaire, s’il craint le païen, il peut reprendre le gage et payer la somme due au prêteur.

Art.16. — Quand un Israélite dit à un coreligionnaire de prêter à un païen à intérêt, alors : si la responsabilité de l’argent incombe à l’intermédiaire, le prêteur ne doit pas recevoir d’intérêt ; mais si l’intermédiaire n’a aucune responsabilité, et que son intervention ait lieu pour rendre service, ou bien s’il a reçu un paiement comme commission, le créancier peut accepter de sa main la somme prêtée et l’intérêt.

Art.17. — Un Israélite prie un coreligionnaire d’emprunter pour lui de l’argent à intérêt auprès d’un païen ; alors, si le païen reçoit un gage ayant la valeur de la somme qu’il prête, et par suite n’a pas besoin que l’intermédiaire israélite se porte garant, cet intermédiaire peut recevoir de son coreligionnaire la somme et l’intérêt qu’il remettra au païen ; s’il n’y a pas de gage, l’intermédiaire ne peut recevoir ni l’argent, ni l’intérêt, pour les remettre au créancier (p)91. Si un Israélite dit à son coreligionnaire d’emprunter, en son nom, de l’argent à un païen, alors, si le païen s’en rapporte à l’emprunteur, l’intermédiaire peut prendre de lui l’intérêt et la somme prêtée, pour les apporter au prêteur (r)92. Glose : Voir § 170, s’il est permis à l’intermédiaire de se porter garant. D’aucuns disent que dans une communauté où le Conseil d’administration se permet d’emprunter à un païen de l’argent à intérêt pour les besoins communs, alors : bien que ce Conseil soit, pour ainsi dire, l’intermédiaire de la communauté, il peut recevoir d’elle les sommes empruntées et l’intérêt pour les transmettre au païen, parce qu’il est considéré comme jouant le rôle d’un tuteur vis-à-vis de son pupille. Tel est l’usage, pour se montrer modéré. Mais, après avoir remboursé le païen, il est interdit de quêter chez les membres de la communauté pour remplir la caisse commune, parce que ce serait comme si l’on empruntait entre Israélites à intérêt.

Art.18. — Un Israélite, ayant en sa possession le gage d’un païen, le porte chez un coreligionnaire pour avoir de l’argent ; alors : quand le païen vient reprendre l’objet, son créancier peut accepter l’intérêt de la somme prêtée pendant le temps qu’il a gardé le gage, et le second Israélite prend l’intérêt à partir du jour où il a pris le gage et remboursé le premier prêteur. Cela est permis à la seule condition que le créancier du païen, en portant le gage chez son coreligionnaire, ait dit à ce coreligionnaire qu’il le lui cédait contre sa valeur en argent, et par là lui abandonnait tous privilèges sur l’objet et qu’il n’avait aucune affaire avec lui ; sa personnalité étant ainsi comme détruite, il semble que le païen ait maintenant donné l’objet au second Israélite ; alors, lorsqu’au bout de quelque temps le nouveau détenteur de l’objet restitue le gage au premier créancier, il peut en recevoir la valeur de la somme prêtée et l’intérêt de cette somme. Glose : D’aucuns disent que si le créancier israélite, en portant le gage chez son coreligionnaire pour avoir de l’argent, lui dit que le gage appartient à son débiteur païen, mais ne déclare pas qu’il n’aura aucune affaire à ce sujet avec le second Israélite, il est quand même permis au nouveau détenteur de l’objet d’accepter de son coreligionnaire la somme prêtée et l’intérêt ; car si le créancier du païen n’a pas dit les paroles consacrées, on accepte comme vraisemblable qu’il les a pensées et a voulu agir selon la loi. Quand le premier créancier du païen vient réclamer le gage à son coreligionnaire, celui-ci peut le lui refuser pour ne le remettre qu’au païen, parce qu’en effet il n’a affaire qu’à ce dernier dès le moment où l’autre lui a remis l’objet entre les mains. Mais si le premier créancier a fait la condition de reprendre lui-même le gage, le créancier de l’Israélite doit tenir parole et le rendre. Tel est l’usage. Quant à l’intérêt, le premier Israélite peut le fixer vis-à-vis du second comme bon lui semble ; il peut également arrêter qu’il prendra part tous les huit jours à l’intérêt versé par le païen. Lorsque les deux Israélites décident ensemble que le gage du païen restera chez son premier créancier, le deuxième créancier peut accepter l’intérêt de la somme qu’il prête sur ce gage à son coreligionnaire, à condition que le deuxième Israélite ait la responsabilité du gage. Quand ils ont arrêté de concert que la responsabilité du gage incombera au premier créancier du païen, le créancier de l’Israélite peut également accepter l’intérêt de la main de son coreligionnaire. D’aucuns disent que le premier et le second créanciers n’ont besoin de faire aucune convention au sujet du gage païen, parce que, du moment que le deuxième Israélite donne l’argent à son coreligionnaire, cela équivaut, d’après la Bible, à un traité ou toute autre condition (s)93. Alors, si le créancier du païen a la réputation d’être un honnête homme, il est cru sur parole, sans avoir besoin de témoins, s’il déclare posséder le gage d’un païen, et on peut lui prêter de l’argent sur ce gage. Il ne s’agit ici que du cas où le premier Israélite n’a pas réuni en une seule somme l’argent et l’intérêt de l’argent, dus par le païen ; s’il les réunit, son créancier ne peut accepter l’intérêt, qui semble alors provenir du premier Israélite lui-même. Un païen a emprunté de l’argent à un Israélite et signé un billet ; alors : si le créancier va demander à un coreligionnaire une certaine somme contre ce billet, le second Israélite doit charger le premier de dire au païen que ce païen, désormais, n’a plus aucune affaire avec son premier créancier, mais devient le débiteur du nouveau possesseur de la traite. (V. § 173. Lois sur la transmission des billets.)

Art. 19. — Si un Israélite va trouver un coreligionnaire et lui emprunte, avec un gage païen, de l’argent pour son usage personnel, de manière que le créancier ne puisse savoir que l’argent est pour lui, ou bien s’il envoie chez un coreligionnaire un païen, nanti d’un gage, pour emprunter de l’argent qu’il doit lui remettre, également de manière que le créancier ne se doute pas que l’argent est pour l’Israélite, le créancier ne peut accepter aucun intérêt de la somme prêtée, et le moyen employé pour obtenir ce prêt est un moyen déshonnête94.

Art. 20. — Quand un païen, créancier d’un Israélite, a reçu un gage de celui-ci, un autre Israélite peut lui prêter, contre ce gage, de l’argent à intérêt. D’aucuns le défendent95. Mais si le débiteur du païen dit à son coreligionnaire de racheter son gage au créancier et que l’objet lui appartiendra définitivement si, à une date désignée, il ne lui rembourse pas la somme qu’il devait d’abord au païen, il est permis à l’Israélite de prêter de l’argent à intérêt au païen, contre le gage de son coreligionnaire, même selon l’avis des plus sévères. Glose : D’après le premier avis, il est permis au deuxième Israélite d’accepter de son coreligionnaire l’intérêt de la somme qu’il prête au païen96. Quand un Israélite, débiteur d’un païen, s’engage à certaines obligations, comme le paiement d’une rente ou la livraison de fruits de sa récolte, etc., si l’Israélite n’est pas en mesure de solder sa dette, un autre Israélite peut le faire et recevoir du premier ce que celui-ci donnait au païen ; mais si le débiteur a de quoi faire l’ace à sa dette, il est interdit à son coreligionnaire d’assumer cette dette.

Art. 21. — Si un païen prête à un Israélite à intérêt, de l’argent déposé chez lui par un autre Israélite, alors : l’intérêt est permis pour le déposant, si le païen est responsable de l’argent déposé chez lui ; au cas où la responsabilité incomberait à l’Israélite, il est interdit de prendre l’intérêt. Glose : Lorsque le païen prête à intérêt l’argent à un Israélite, sans en avertir le propriétaire légitime, l’intérêt prélevé est permis, parce que la responsabilité du païen semble affirmée dans cet acte.

Art. 22. — Un Israélite, chez qui est déposé l’argent d’un païen, ne doit pas le prêter à intérêt si la responsabilité de la somme confiée lui incombe ; si cette responsabilité reste au propriétaire de l’argent, il peut prêter à intérêt. Cependant il est préférable qu’il n’en fasse rien, car pour ceux qui ne connaissent pas les attributions du païen en ce qui concerne l’argent déposé, l’Israélite semblerait prêter pour son propre compte à intérêt.

Art. 23. — Si un Israélite, en déposant de l’argent chez un païen, le prie de prêter cette somme à intérêt, et lui promet comme récompense la moitié de l’intérêt ou tout autre paiement, cela est interdit, parce que l’Israélite est responsable de l’argent qu’il a confié au païen. Si le païen promet à un Israélite un paiement fixé, pour qu’il place de son argent, celui-ci pourrait accepter, parce qu’il n’est alors que le mandataire du païen ; toutefois, il vaut mieux qu’il s’abstienne, parce qu’il pourrait être accusé de prêter la somme dont il s’agit pour son compte. Glose : Mais si la chose est publique, c’est-à-dire si tout le monde regarde l’Israélite comme le mandataire du païen, il est permis à l’Israélite d’accepter le marché.

Art. 24. — Si un païen a chargé un Israélite d’administrer ses biens, celui-ci peut prêter l’argent du païen à intérêt (t)97 ; si c’est l’Israélite qui met ses biens entre les mains d’un païen, celui-ci ne peut prêter à intérêt les valeurs en argent. Et cela supplique suivant que la responsabilité de l’argent incombe à l’une ou à l’autre partie.

Art. 25. — Un individu dit à un autre : « Vous m’avez pris un intérêt sans vous servir d’intermédiaire » ; alors, si l’autre répond qu’il n’a pris l’intérêt que par l’intermédiaire d’un païen, il est cru sans avoir besoin de prêter serment98. Mais dans le cas où il répond : « Je ne sais même pas si j’ai accepté de vous un intérêt », il est forcé de prêter serment qu’il ne s’en souvient pas (u)99. Glose : Dans toutes les autres déclarations du même genre, où l’emprunteur reproche au prêteur d’avoir accepté un intérêt d’une manière illicite, et où le prêteur répond qu’il a en effet pris un intérêt, mais d’une façon permise par la loi, le prêteur est cru sans qu’il prête serment. Il ne s’agit ici que du cas où l’emprunteur veut être remboursé par son créancier d’un gage ou d’une petite somme ; mais dans le cas où c’est le créancier qui réclame un intérêt qui n’a pas été payé, il suffit que le débiteur jure que cet intérêt était demandé d’une manière illégale, et l’on a foi en sa parole. Si le créancier possède un billet sur son débiteur, le prêteur doit prêter serment que ce qu’il réclame est légal pour qu’on le croie. (V. §§ 160 et 177.)

Art. 26. — Un Israélite possédant un objet qui est déposé chez un de ses coreligionnaires, peut prier celui-ci de le porter comme gage à un païen et d’emprunter, sur ce gage, de l’argent à intérêt, intérêt que le propriétaire de l’objet s’engage à payer100.

Art. 27. — Un Israélite emprunte chez un autre Israélite de l’argent pour un païen, sur gage appartenant à ce dernier, alors : quand le créancier réclame le dû à son coreligionnaire, celui-ci n’est pas tenu de le payer, mais il est forcé de mener le prêteur chez le païen et de le présenter comme créancier du païen101.

Siman 170. Il est interdit à un Israélite de se porter garant pour un de ses coreligionnaires, qui emprunte à un païen de l’argent à intérêt.

(Ce paragraphe contient 2 articles.)

Article 1er. — Il est interdit à un Israélite de se porter garant pour un coreligionnaire qui emprunte à intérêt de l’argent à un païen. Car. d’après l’usage païen, on réclame d’abord l’argent au garant ; le garant serait donc ensuite obligé de se faire rembourser par son coreligionnaire. Mais dans le cas où le païen promettrait de ne pas réclamer d’abord l’argent au garant, un Israélite peut être garant pour un autre Israélite. Glose : De nos jours où l’usage païen n’existe plus, un Israélite peut se porter garant d’un de ses coreligionnaires qui emprunte, moyennant intérêt, de l’argent à un non-Israélite. D’aucuns disent que la première loi n’est en vigueur, même lorsqu’il s’agit de païens, que lorsque le garant dit qu’il veut bien remplacer absolument le débiteur, payer pour lui capital et intérêt, quitte à les lui réclamer après. Glose : Si, dans ce dernier cas, un Israélite a répondu pour un autre, cet autre doit lui rendre le capital que le garant a versé, mais non l’intérêt (a)102. Si le débiteur a rendu à son garant l’intérêt, il ne peut le ravoir par voie judiciaire.

Art. 2. — De même quand un païen emprunte à intérêt chez un Israélite, un autre Israélite ne peut lui servir de garant (b)103. Glose : Mais quand le païen a stipulé à son créancier qu’au jour du paiement ce dernier ne demandera pas la somme au garant, alors le prêteur peut accepter du garant le capital et l’intérêt dans le cas où le païen ne les paierait pas (c)104. Il est permis à un Israélite de se porter garant pour le capital, ou seulement pour l’intérêt produit par le capital prêté par un Israélite à un païen. Mais cela n’est permis que lorsque le païen prend l’argent des mains mêmes du prêteur ; et cela est interdit lorsque le garant prend des mains de son coreligionnaire la somme prêtée, pour la remettre au païen. La défense pour l’Israélite de se porter garant n’existe que lorsque le païen emprunte sans gage ; mais s’il fournit un gage, l’Israélite peut être garant, même si le garant prend l’argent chez son coreligionnaire pour le donner au païen ; car la créance ne repose plus que sur le gage. Si le prêteur israélite possédait un gage du païen ou avait comme garant un autre païen, alors : si un autre Israélite prie le créancier de rendre le gage au païen, et de libérer le garant païen dont il prend la place, le second Israélite doit payer la somme et l’intérêt de la somme jusqu’au jour où le païen était garant, mais il ne paye aucun intérêt pour le temps où c’est lui qui a été garant ; et cela, si le gage était de même valeur que la somme prêtée au païen. Lorsque le gage a une valeur supérieure, l’Israélite doit aussi donner un intérêt pour le temps où lui-même a été garant, ou s’il ne tient pas à payer cet intérêt, il doit prier le païen de remettre le gage à son ex-créancier. Si le créancier a réuni en une seule somme le capital et l’intérêt qu’on lui doit, l’Israélite, qui devient le garant du païen, doit payer l’intérêt tout entier, même si le gage du païen avait une valeur inférieure à la somme prêtée, ou s’il n’y avait pas de gage du tout.

Siman 171. Du païen qui a prêté de l’argent à intérêt et s’est ensuite converti au Judaïsme.

(Ce paragraphe contient 1 article.)

Article 1er. — Quand un païen a prêté à intérêt de l’argent à un Israélite, qui a signé un billet comprenant la valeur nominale de la somme augmentée de son intérêt, puis que le païen s’est converti, deux cas se présentent : 1er cas : si le billet a été fait avant la conversion du païen, celui-ci peut réclamer à son débiteur la somme et son intérêt (a)105 ; 2e cas : si le billet a été signé après la conversion, le créancier ne peut demander que le capital. Si c’est un païen qui a emprunté à un Israélite à intérêt, en faisant un billet, et que ce païen se convertisse au Judaïsme, alors : que la conversion ait eu lieu avant ou après la signature du billet, le nouvel Israélite doit payer à son créancier capital et intérêt, afin qu’on ne puisse pas dire qu’il a embrassé la religion juive pour être quitte des intérêts de la somme due.

Siman 172. D’une maison ou d’un champ donnés comme gage, et dont le propriétaire permet à son créancier l’usufruit pendant le temps où cette maison ou ce champ sont en gage.

(Ce paragraphe contient 6 articles.)

Article 1er. — Si une personne a emprunté de l’argent pour plusieurs années, et donné comme gage une maison ou un champ, en accordant au créancier l’usufruit de cet immeuble pendant qu’il aura l’immeuble en gage, si ce contrat se fait d’après l’usage assyrien, c’est-à-dire qu’au terme fixé, le créancier rende la maison ou le champ et tienne son débiteur pour quitte, l’opération est permise. Par exemple, un particulier emprunte une mine (a)106 pour dix ans, et donne comme gage une maisonnette ou un petit terrain, dont il cède à son créancier l’usufruit ; alors, au bout des dix ans, le créancier rend l’immeuble et est quitte vis-à-vis de son débiteur, qui ne lui redonne pas la mine. Si pendant qu’il avait le gage, le créancier, le faisant mieux fructifier, en retire un bénéfice, il ne doit rien non plus à son débiteur, parce que c’est une sorte de commerce. De même la loi permet l’opération suivante : si un emprunteur demande à un capitaliste une certaine somme, et donne comme gage une maison par exemple, pendant dix ans, sous condition de pouvoir rembourser quand il le voudra et reprendre la maison, le créancier sera obligé de rendre l’immeuble, et il prendra comme remboursement la somme prêtée, diminuée de la valeur approximative rapportée par la maison, parce que le prêteur ne pourrait plus réclamer son argent s’il gardait la maison dix années ; s’il ne la gardait qu’un ou deux ans cela donnerait le même résultat que s’il l’avait louée (a’)107. Glose : D’aucuns disent : lorsque l’emprunteur donne comme gage pour deux ans une maison ou un champ, sous la condition de pouvoir les reprendre avant le temps fixé, s’il rembourse la somme empruntée, diminuée de ce qu’a rapporté la maison ou le champ, il peut le faire avec le consentement du créancier. Mais il lui est défendu d’emprunter dans le cas où le créancier n’accepte pas de retrancher de la somme prêtée ce que lui aura rapporté l’immeuble, parce que si le créancier ne veut rien retrancher de la somme qu’il a prêtée, c’est comme s’il recevait un intérêt indirect ; quand l’emprunteur ne devait pas se libérer avant le temps fixé, mais qu’il veut ravoir son immeuble et rapporte au créancier ce qu’il lui doit, celui-ci n’est pas forcé de retrancher de la somme qu’il a prêtée l’argent que lui a rapporté l’immeuble. D’aucuns disent : qu’il ait été entendu ou non, entre créancier et débiteur, que l’emprunteur a le droit de se libérer avant le temps fixé, il faut que le créancier ne reçoive la somme à lui due que diminuée de la somme rapportée par l’immeuble. Cette loi doit d’ailleurs être établie selon l’usage du pays. Dans nos contrées, il est d’usage que le créancier, si le débiteur s’acquitte avant son temps, reçoive la somme due, diminuée de ce que lui a rapporté le gage, maison, champ ou meuble. On peut prêter à intérêt, lorsque l’intérêt doit servir à une bonne œuvre. Cependant il vaut mieux se montrer sévère. Il ne s’agit dans tout ceci que du gage dont la responsabilité incombe au prêteur ; mais si l’emprunteur prend la responsabilité du gage qu’il donne, il est toujours absolument interdit d’accepter aucun intérêt. Quand le gage donné par l’emprunteur rapporte au créancier, le débiteur n’a pas le droit, sous prétexte que c’est là un intérêt indirect, de retrancher de la somme qu’il doit la somme que le gage a rapportée ; car les juges ne peuvent poursuivre pour un intérêt indirect. Mais quand l’emprunteur a déclaré qu’il ne veut pas que le créancier profite du gage, alors : si le prêteur ne tient pas compte de cette déclaration, le débiteur a le droit de ne lui rendre la somme empruntée que diminuée du profit rapporté par le gage, du jour où le débiteur a fait la déclaration jusqu’au jour où il s’est acquitté (b)108.

Art. 2. — Si le gage dont il s’agit est un champ, certains disent que le prêteur peut le louer pour une certaine somme à son débiteur ; d’autres le défendent, mais si le créancier a loué le champ à une tierce personne, le débiteur a le droit de le sous-louer à cette personne109. (V. § 164.)

Art. 3. — Il est permis au créancier, possesseur du gage, de donner de temps en temps une somme quelconque à son débiteur pour qu’il s’engage à faire les petites réparations dont le gage aurait besoin. Un auteur défend au prêteur de donner une somme convenue à son débiteur pour que ce dernier ait l’entière responsabilité du gage si celui-ci venait à être détruit (c)110. Glose : On ne peut libérer un gage en rendant une partie de la dette. Ainsi, un débiteur rapporte la moitié, le tiers d’une somme due, il ne peut reprendre l’objet ; et le créancier a le droit de profiter du gage jusqu’à ce que toute la somme ait été payée. Il s’agit du cas où ce gage lui a été remis au moment de l’emprunt ; c’est comme s’il y avait commerce, l’un donnant de l’argent et l’autre un objet. Mais s’il s’agit d’une dette ancienne, pour laquelle le débiteur apporte un gage, le créancier ne doit pas profiter du gage (d)111. S’il y a eu emprunt au moyen d’un gage, sans convention sur les droits respectifs des deux intéressés, ceux-ci suivent la coutume du pays, qu’ils sont censés connaître. (V. Code pénal, la loi détaillée sur le gage.)

Art. 4. — Quand le créancier est lui-même propriétaire, il peut profiter de la maison ou du champ donnés comme gage ; mais il n’a pas le droit de demander la vente de la maison ou du champ contre l’argent qu’il a avancé, si le débiteur veut se défaire de l’immeuble112. Il est permis au créancier de demander à acheter l’immeuble si, au moment de l’emprunt, il a dit à son débiteur qui a l’intention de vendre le gage, de le lui vendre à lui de préférence, en en retirant le prix même qu’il aurait demandé à un autre acheteur (e)113.

Art. 5. — Quand un païen, en empruntant de l’argent à un Israélite, lui donne une maison comme gage, et vend ensuite la maison à un autre Israélite, le créancier n’est pas obligé de payer la location de la maison à son coreligionnaire tant que le païen ne s’est pas acquitté envers lui (f)114.

Art. 6.. — Quand le propriétaire d’une maison demande à un entrepreneur de la lui aménager, et lui dit de se payer en logeant dans la maison pendant un certain temps, il est permis à l’entrepreneur de le faire, même si le propriétaire abaisse pour lui le prix de la location (g)115. Glose : L’emprunteur peut payer la contribution du champ donné en gage, quand cette contribution est demandée en espèces, mais il ne doit pas le faire si elle doit se composer de produits du champ (h)116. Lorsque le débiteur donne en gage une maison qui ne lui appartient pas, et que le propriétaire reprend sa maison et en réclame au créancier le loyer, ce loyer doit être remboursé par le débiteur (i)117.

Siman 173. Des nombreux détails de la loi sur l’intérêt.

(Ce paragraphe contient 19 articles.)

Article 1er. — Il est interdit au vendeur de faire payer un objet plus cher dans l’intention d’en attendre plus longtemps le paiement, même si le vendeur est riche, et si la valeur de l’objet ne doit pas diminuer dans la suite (a)118. Il n’est question ici que d’un objet dont le prix est fixé et donné par tous les commerçants ; mais quand on doit vendre un objet à prix variable, il est permis de le vendre un peu plus cher pour une vente à terme (b)119. Il n’est d’ailleurs pas besoin que le vendeur tienne ses clients au courant de ses opérations commerciales. Il lui est cependant formellement interdit d’augmenter les prix d’une manière sensible. Glose : Un objet qui est vendu par exemple dix zouz (c)120 à tous les acheteurs, pourrait être vendu douze zouz au moment où les seigneurs ont l’habitude de venir visiter la ville, si leur visite fait ainsi monter le prix des choses121.

Art. 2.— Un marchand de primeurs peut vendre des produits douze zouz à l’acheteur qui vient les choisir chez lui, au lieu de dix à celui qui circule dans les marchés (c’)122.

Art. 3. — Lorsqu’une personne achète à terme pour douze zouz de marchandises, le commerçant, une fois le marché conclu, peut dire à son client qu’il lui donnerait pour dix zouz s’il voulait payer de suite (d)123. Glose : Il faut, bien entendu, que le marché soit déjà conclu. Dans le cas où le commerçant dirait au client, avant la vente, qu’il lui laisserait la marchandise moins chère si elle était payée comptant, il serait alors obligé de la laisser au même prix à terme, sur la demande de l’acheteur qui veut payer à terme (e)124.

Art. 4. — Si une personne possède un billet à tirer sur une autre, le tireur peut vendre son effet de commerce pour une valeur inférieure à la valeur nominale du billet, sans enfreindre la défense d’intérêt (f)125, sous condition que l’acheteur de l’effet soit seul intéressé dans le recouvrement. Par exemple, si le tiré, devenu pauvre, ne peut faire l’ace à ses engagements, c’est le nouveau possesseur du billet qui doit perdre. Si, dans le non-recouvrement, il y a de la faute du premier possesseur du billet, c’est-à-dire si, au moment du prêt, les biens de l’emprunteur étaient déjà hypothéqués, le premier possesseur du billet doit rembourser la somme inscrite au nouveau tireur. Quand le propriétaire du billet s’est entendu avec l’acheteur pour que la responsabilité du recouvrement repose toujours sur lui, il devra payer le tireur, si le tiré ne fait pas l’ace à ses engagements ; si, d’un autre côté, il y a profit, ce profit doit aussi appartenir à celui qui est responsable. De plus, le possesseur du billet pouvant vendre son effet moins cher pour avoir tout de suite de l’argent, il peut le céder au tiré lui-même. Le possesseur d’un gage, ayant besoin d’argent, peut le vendre à une personne, et il est permis au vendeur de prendre la responsabilité du gage s’il veut (g)126. Glose : Il est interdit à un débiteur de demander à un intermédiaire de se charger d’une dette, de douze dinars par exemple, payable dans un certain laps de temps, et pour cela de donner aussitôt à cet intermédiaire dix dinars ; cela est interdit, même si le débiteur sait que le créancier lui-même ferait, le cas échéant, pour son propre compte, une semblable opération. Il ne s’agit que du cas où le débiteur doit une somme bien fixée. Mais si l’on suppose le cas suivant : une personne.est chargée, pour une certaine somme d’argent, de fournir un travail en collaboration avec tout un groupe de travailleurs ; cette personne offre à un intermédiaire de prendre l’ouvrage produit, en versant un prix fixé, une telle opération est interdite (h)127. Mais si cette personne demande simplement à l’intermédiaire de la débarrasser du souci du travail à fournir, l’intermédiaire peut le faire et prendre une gratification pour sa peine.

Art. 5. — Quand une communauté a besoin d’argent, ses trois administrateurs peuvent se rendre chez un boucher, ou un marchand de vin, et faire avec lui un contrat qui oblige les Israélites à se fournir chez lui et non chez un autre, moyennant quoi le vendeur s’engage à payer une certaine somme par an à la communauté ; et les administrateurs peuvent vendre ce contrat à une personne qui avancera immédiatement la somme dite à la communauté. De leur côté, les administrés doivent promettre par écrit d’acheter chez le boucher ou le marchand de vin (i)128.

Art. 6. — Quand des ouvriers, ayant rencontré leur patron, lui demandent leur paiement, il est permis à ce dernier d’entrer chez un banquier, de lui demander de l’argent marqué à l’effigie du pays, et de lui promettre une somme en lingots supérieure à celle qui lui est donnée, à la condition que ce patron possède bien chez lui la somme promise (j)129. Glose : L’auteur de la glose déclare qu’il lui semble, d’après les commentaires du Talmud, que le patron n’est pas forcé d’avoir chez lui toute la somme avancée par le banquier, mais qu’il suffit qu’il en possède une partie. Il s’agit d’un cas semblable à celui qui est expliqué dans le § 162. Les relations du patron et du banquier dont parle l’article 6, sont permises parce qu’elles sont considérées comme constituant une opération commerciale. Mais il serait défendu au patron de demander au banquier une somme quelconque, qu’il rendrait en même monnaie et supérieure, parce qu’il y aurait alors prêt à intérêt.

Art. 7. — Il est permis à un marchand, qui veut être payé comptant, de vendre un article de douze zouz, dix zouz, à la condition qu’il possède l’objet chez lui, même s’il ne peut livrer aussitôt à cause d’un empêchement quelconque. Mais si l’objet n’est pas chez lui, s’il l’a par exemple prêté, il lui est défendu de le vendre ainsi (k)130. Glose : On croit le vendeur, s’il se dit possesseur de l’objet. La vente au rabais n’est permise que si le marchand ne s’explique pas directement sur son opération ; elle est défendue quand le commerçant dit à son client : si vous me payez de suite, l’objet vous coûtera dix zouz, et à terme il vous en coûterait douze. Il s’agit ici d’un article dont le prix est connu ; si le prix n’est pas connu, le marchand peut vendre l’objet, même s’il ne l’a pas chez lui pour le moment (l)131.

Art. 8. — Il est permis d’avancer à un cultivateur une somme de dix zouz pour avoir plus tard des courges, d’une grandeur définie, à un zouz pièce, même si les petites courges valent déjà un zouz l’une. Glose : C’est que les courges grandissant d’elles-mêmes, sans qu’il en coûte rien au cultivateur ; celui-ci ne donne par conséquent aucun intérêt à son créancier.

Art. 9. — Il est interdit à un fermier de demander à un autre fermier de lui avancer une somme, pour laquelle il lui vendra le lait de ses chèvres à tel prix, la laine de ses moutons à tel prix, prix moindres pour lui que pour tout autre acheteur ; mais il lui est permis de demander au second fermier une certaine somme, pour laquelle il lui donnera la laine de ses moutons et le lait de ses chèvres, à un prix fixé, en quantité égale à ce que ces animaux produiront ; car le résultat du marché est douteux et chacun des fermiers peut aussi bien perdre que gagner.

Art.10. — Il est interdit de vendre, avant la maturité, les fruits d’un verger qu’on devra donner mûrs, parce que mûrs, leur valeur est presque double, et le propriétaire donnerait comme un intérêt à celui qui lui avancerait l’argent pour des fruits encore verts. Glose : Les fruits d’un verger ne sont pas comparables aux courges, qui grandissent d’elles-mêmes ; d’ailleurs, on n’a jamais eu la coutume de vendre des fruits verts. Il est permis d’acheter un veau moins cher parce qu’il est tout jeune, et de le laisser chez le vendeur ; mais si par la suite il dépérit ou meurt, c’est l’acheteur qui doit perdre (m)132.

Art.11.— Il est interdit d’avancer de l’argent à un vigneron, pour lui acheter des sarments, que le propriétaire devra ensuite faire sécher ; car les sarments secs coûtent plus que les sarments remplis de sève ; cependant le marché est permis, si l’acheteur doit aider le propriétaire à les couper et à les sécher, parce que l’acheteur agit alors comme s’il achetait un arbre pour en couper les branches.

Art.12. — Dans une propriété où les gardiens sont payés aussitôt après les travaux de la moisson, il est défendu au propriétaire de leur promettre une gratification, en plus de leur salaire, pour qu’ils attendent leur paiement jusqu’au jour où le travail de la saison sera fini complètement, à moins qu’ils n’aident le patron dans ce travail.

Art.13. —Il est permis d’avancer de l’argent pendant la vendange, sous la condition que le vigneron livrera, pour la somme donnée, de bon vin en nissân. De même, il est permis d’avancer le prix d’un tonneau de vin, livrable plus tard, à la condition que l’augmentation ou la diminution de prix du vin sera à la charge du client, et que, si le vin s’abîme, il sera à la charge du vigneron (n)133 : mais si l’acheteur ne veut pas prendre la responsabilité des prix du vin, cette opération est défendue (o)134.

Art.14. — II est permis à un marchand de vin de payer à un vigneron deux dinars un tonneau de vin d’un dinar, sous la condition que la responsabilité du vin restera au vigneron, jusqu’à ce que le marchand ait à son tour vendu le liquide, et s’il est dit dans le contrat que, si le vin venait à se perdre, le marchand n’aurait rien à payer, et qu’il aura le droit de rendre le vin au vigneron s’il n’arrive pas à le vendre. De même, il est permis à un vigneron de vendre à un marchand un tonneau de vin deux dinars et lui dire que, s’il le vend plus cher, le bénéfice sera, pour le commerçant, une récompense de la peine qu’il se sera donnée, et que, s’il ne peut le vendre comme il voudrait, il aura le droit de le rendre au vigneron, lors même que le vin perdu ou abîmé serait à la charge du marchand. Glose : Toutes ces conditions sont nécessaires, si le vin a un prix fixé. Mais si le vigneron vend un certain nombre de tonneaux de vin, et demande au marchand de lui payer ces tonneaux de vin au prix qu’ils auront au moment de la livraison, il lui est permis d’être payé ainsi, même si au moment du paiement, le prix du vin a augmenté.

Art.15. — Quand, une marchandise étant payée plus cher dans une ville que dans une autre, quelqu’un vient chez un marchand lui demander cet article pour le vendre dans l’autre ville, en lui disant qu’il emploiera d’abord l’argent retiré de la vente, pour son usage personnel, et que plus tard, il remettra au marchand le prix des marchandises tel qu’il l’aura obtenu, le marché est permis si la responsabilité des avaries pendant le voyage incombe au marchand ; sinon le marché est interdit. Dans le premier cas, le marchand doit même remettre une gratification à son client, pour la peine qu’il se donne (p)135. Mais si le marchand doit payer l’entrée des marchandises dans la seconde ville, il n’a pas besoin de donner cette gratification (q)136.

Art.16. — Si, en ville, on a pour un séla (r)137 quatre séahs de froment et, à la campagne, six séahs pour le même prix, il est permis d’avancer un séla à un marchand pour qu’il apporte plus tard six séahs de froment de la campagne, à la condition que la perte du blé pendant le voyage soit aux risques du créancier ; toutefois, un homme scrupuleux ne devrait pas le faire (r’)138. Mais s’il s’agit de marchandises quelconques, personne ne doit agir ainsi, parce que les articles quelconques ne se trouvent pas facilement comme les produits de la terre. Glose : Lorsqu’il s’agit des produits de la terre, d’aucuns permettent d’agir comme il a été dit au commencement de l’article 16, même si la responsabilité des produits repose sur le porteur, à condition que ce porteur reçoive une gratification pour son dérangement.

Art.17. — Quand un marchand porte des fruits de ville en ville, et qu’un habitant d’une localité où ces fruits se vendent plus cher, demande au marchand de les lui céder, lui promettant de lui donner en retour plus tard les siens, cela est permis, si l’habitant possède les mêmes produits ; sinon cela est interdit.

Art.18. — Quand un homme qui voyage sur mer veut emprunter à une personne un dinar d’or (s)139, dont le cours dans [le pays est vingt dinars, pour lui rendre après vingt-quatre dinars, cela est défendu, même si la responsabilité de l’argent repose^sur le créancier (s’)140. Glose : D’aucuns permettent de prêter douze dinars à un marchand forain pour acheter des marchandises et de recevoir de lui treize dinars à la condition que l’avarie des marchandises soit à la charge du créancier ; le bénéfice du créancier se présente alors comme une participation au bénéfice d’un commerce (t)141.

Art.19. — Il est permis de prêter à quelqu’un une certaine somme pour en recevoir une somme plus grande qui lui appartient, mais qui se trouve à bord d’un navire (u)142.

Siman 174. De la vente d’un champ sous la condition que l’acheteur pourra rendre l’immeuble au vendeur quand il le voudra.

(Ce paragraphe contient 8 articles.)

Article 1er. — Quand une personne vend son champ à une autre, sous la condition que celle-ci lui rendra son bien, lorsque l’ancien propriétaire lui remettra la somme versée, alors les fruits produits par le champ, et dont a profité l’acheteur, sont regardés comme un intérêt direct ; et au moment de rendre l’argent, l’ancien propriétaire du champ peut réclamer, par la voie judiciaire, le prix des fruits dont l’autre a profité. Glose : Si les deux intéressés n’ont pas fait de conditions lors de la vente du champ, et s’il est d’usage dans le pays de rendre l’immeuble à son premier propriétaire, quand celui-ci remet l’argent avancé, l’acheteur est censé connaître cette coutume, et ne doit pas profiter des produits du champ, pendant qu’il l’a en sa possession. Il ne s’agit ici que du cas où c’était le vendeur qui posait la condition ; mais quand c’est l’acheteur qui dit lui-même au propriétaire qu’il voudra bien lui rendre le champ lorsque Vautre sera en état de le payer, la vente est considérée comme réelle, et le nouveau propriétaire peut profiter des fruits du champ143. Toutefois, si au moment de la promesse, le premier propriétaire, ne laissant pas achever l’acheteur, pose lui-même la condition, on rentre dans le premier cas. Si l’acheteur dit son intention de rendre plus tard le champ et si le propriétaire ne répond pas, on est ramené au second cas (a)144. Glose : Quand un propriétaire vend un champ au comptant, puis est obligé d’en attendre le paiement, l’acheteur peut profiter des produits de l’immeuble, avant de le rembourser, et non pas le vendeur ; car celui-ci semblerait jouir des fruits du champ parce que son client ne peut le payer de suite.

Art. 2. — Quand, vendant son champ, le vendeur fait un contrat avec l’acheteur, par lequel celui-ci s’engage à rendre l’immeuble lorsque le vendeur pourra le racheter, il y a plusieurs cas à considérer : 1° si le vendeur a posé sa condition avant la vente ou pendant la vente, le champ n’est pas regardé comme vendu, mais comme mis en gage contre la somme que reçoit le propriétaire, et celui-ci est en droit de réclamer à son créancier la valeur des produits du champ dont il a profité pendant qu’il l’avait en sa possession. 2° Si la vente faite, le vendeur pose sa condition de pouvoir reprendre le champ, la vente est regardée comme réelle, et l’acheteur a tous les droits sur les fruits.

Art. 3. — Si une personne demande à un intermédiaire d’acheter pour elle un champ à un propriétaire, et si le propriétaire dit à l’intermédiaire qu’il vend son champ, à la condition de le rendre lorsqu’il pourra en rendre le prix à l’acheteur, alors : si l’intermédiaire répond que, les deux intéressés se connaissant (b)145, ils n’auront qu’à s’entendre là-dessus, le champ n’est pas regardé comme vendu, mais comme mis en gage ; et l’acheteur ne peut profiter de ses produits. (Voir Code pénal,§ 207, quelles conditions peuvent annuler la vente, et si le vendeur peut poursuivre l’acheteur en justice en cas de fait accompli.)

Art. 4. — Un cultivateur, ayant acheté un champ, ne peut en payer qu’une partie ; alors si le vendeur lui dit : « Achetez en attendant une partie du terrain qui vaut la somme que vous donnez », ils peuvent tous deux profiter de l’immeuble ; l’acheteur profite de la partie qu’il a achetée et payée, le vendeur du restant.

Art. 5. — Si le vendeur d’un champ dit à l’acheteur, qui ne lui a payé qu’une partie du prix de l’immeuble : « Promettez-moi d’apporter le reste de l’argent que vaut le terrain, et le champ entier sera à vous dès maintenant », ils ne pourront ni l’un ni l’autre profiter de l’immeuble (c)146, et les produits devront être portés chez une tierce personne. Alors, si l’acheteur paie toute la somme qu’il doit, les produits du champ lui sont acquis ; s’il ne remet pas l’argent qu’il doit encore, les fruits sont donnés au vendeur qui, à son tour, doit remettre à l’acheteur la somme incomplète que celui-ci avait versée au moment de la vente. Si, au moment de la vente, l’acheteur, en ne donnant qu’une partie de la somme due, dit au vendeur : « Je profiterai des produits du champ, mais si plus tard la vente est annulée ou ne se fait pas, vous me déduirez le prix des fruits dont j’aurai profité », il lui est permis d’agir comme il l’a proposé. Il en est de même si le vendeur dit à l’acheteur : « Je profiterai des produits du champ et, si le marché se fait, je vous déduirai la valeur de ces produits de ce que vous me devez encore ». Glose : Il ne s’agit ici que du cas où le vendeur dit qu’il déduira la valeur de ses profits de la somme qui lui est due ; mais s’il dit qu’il remboursera, il lui est interdit de prendre les fruits du champ, car cela reviendrait à prendre un intérêt d’une dette, et à rendre cet intérêt au moment de l’acquittement de la dette.

Art. 6. — Si le vendeur d’un champ a dit à l’acheteur, qui ne lui paie qu’une partie de la somme : « Dès que vous m’aurez remboursé entièrement, l’immeuble sera à vous », mais s’il n’a pas dit : « à partir d’à présent », alors le vendeur peut profiter des fruits du champ jusqu’au moment du paiement ; si c’est l’acheteur qui jouit des produits, il doit en rembourser la valeur au propriétaire (d)147.

Art. 7. — Si un propriétaire vend un immeuble, pour avoir de l’argent dont il n’a ensuite plus besoin, ou bien s’il vend l’immeuble pour pouvoir aller en Palestine, et si ensuite il ne peut ou ne veut plus y aller, la vente est regardée comme nulle, et l’acheteur ne peut pas profiter des produits du terrain, jusqu’à ce qu’on ait prouvé que la vente est une vente réelle et qu’il n’y a rien pour l’annuler (e)148.

Art. 8. — Quand une personne loue une maison ou un champ pour un prix modéré, et avance au propriétaire vingt années de loyer, il est permis à celui-ci de faire le contrat suivant avec son locataire : « Si au bout de deux ans, par exemple, le propriétaire peut rembourser le loyer versé, déduction faite du temps pendant lequel le locataire a occupé la maison ou le champ, il reprendra la maison ou le champ. La responsabilité de l’immeuble incombe au propriétaire (f)149 ».

Siman 175. Du contrat consistant à vendre du blé toute l’année d’après le cours du jour du contrat.

(Ce paragraphe contient 8 articles.)

Article 1er. — On ne doit pas signer un contrat pour vendre du blé d’après le cours des petites villes, parce que le cours d’une petite ville est trop changeant ; on peut le faire d’après le cours d’une grande ville, qui est plus fixé. Lorsque le cours est connu, il est permis de conclure un contrat par lequel un cultivateur s’engage à fournir, pour une certaine somme, qui lui est avancée, du blé toute l’année, et au même cours que celui qu’il avait le jour du contrat. Il est aussi permis à l’acheteur d’accepter le blé pour un prix constant, même quand le cours a augmenté ou si le vendeur ne possédait pas encore les produits qu’il s’engageait à livrer. Glose : D’aucuns disent qu’il est également permis de faire le contrat d’après le cours des petites villes. On peut se montrer modéré puisqu’il s’agit d’une défense rabbinique.

Art. 2. — Si pour un séla on donne quatre séahs de blé nouveau et trois séahs de blé ancien, on ne doit pas faire de contrat avant que le prix des deux sortes de grains ne soit devenu le même.

Art. 3. — Quand le froment glané est vendu un séla les quatre séahs et le froment de propriétaire un séla les trois séahs, on peut faire un contrat pour acheter le froment glané, mais il faut attendre que le prix soit bien arrêté pour taire un contrat d’achat concernant le blé de propriétaire.

Art. 4. — Quand un cultivateur possède un produit, il lui est permis de faire un contrat de vente, même si la manipulation du produit n’est pas encore terminée et si son cours n’est pas arrêté ; mais il doit faire le contrat pour la quantité qu’il possède en propre. Si avant d’être livrable, le produit doit subir de nombreuses manipulations, le contrat est valable lorsqu’il n’en reste plus que deux a exécuter ; s’il y en a encore trois, il est interdit au propriétaire de faire le contrat (a)150.

Art. 5. — Au moment d’une vente, l’acheteur ne doit pas chercher à faire des profits ; par exemple, si l’on se sert d’un courtier et si l’usage du pays est que l’acheteur paye le courtier, il doit le faire. Quand l’acheteur fait garder un certain temps le produit à son vendeur, il ne peut lui réclamer, au moment de la livraison, une quantité absolument égale à celle qu’il doit recevoir, parce qu’il y a toujours du déchet ; d’ailleurs, ce déchet est fixé par des règlements et proportionnel au temps pendant lequel le produit a été gardé (b)151.

Art. 6. — Une personne achète du blé livrable à une date fixée et donne au vendeur un acompte ; si à l’échéance le blé a renchéri, il faut évaluer combien, lors de l’achat, le vendeur aurait pu donner de blé pour la somme versée en acompte ; il est alors permis à l’acheteur de prendre la quantité de blé ainsi évaluée (c)152, mais il est défendu au vendeur de rendre en argent le prix actuel du blé que l’acheteur aurait eu pour la somme acompte à l’époque de l’achat. D’aucuns permettent au vendeur de donner cette somme d’argent. Glose : Il est également permis que, pour l’acompte versé, l’acheteur ne prenne pas de blé, mais qu’il achète un autre produit, également livrable à date fixée ; la somme acompte est alors considérée comme donnée au moment du nouvel achat. Ce changement de produit n’est permis que si l’acheteur dit au vendeur : « Vous me devez tant de blé, donnez-moi à la place du vin ou autre chose ». Mais le changement de produit serait défendu, si l’acheteur disait au vendeur : « Vous me devez la somme que je vous ai versée ; acquittez-vous en me donnant tel produit », car il semblerait que l’acheteur n’ait pas donné un acompte au vendeur, mais qu’il lui ait prêté de l’argent, et il est défendu de faire un contrat touchant de l’argent prêté.

Art. 7. — Lorsqu’à un certain moment le cours du blé est fixé, et que l’on donne quatre séahs de froment par séla, il est permis d’avancer de l’argent à un propriétaire pour qu’il fournisse du blé au jour où le cours aura baissé. Alors, si plus tard on donne dix séahs de froment pour un séla, le vendeur doit donner livraison à ce moment153. Mais quand l’acheteur avance de l’argent au propriétaire pour avoir plus tard du blé, et qu’il ne lui spécifie pas livraison de ce blé au jour où le cours a baissé à dix séahs, le vendeur n’est obligé de donner à son client que quatre séahs par séla. Si dans ces marchés, l’un des intéressés se retire, il ne peut être poursuivi ; mais il est blâmable comme ne respectant pas sa parole (d)154. Lorsque dans le deuxième cas, le marché a été conclu entre le vendeur et un intermédiaire de l’acheteur, alors : si cet intermédiaire n’a pas parlé de la livraison du blé au moment de la baisse, le propriétaire doit quand même livrer à son client dix séahs par séla, si le cours a ainsi baissé, ou bien il doit rendre une fraction de l’argent qu’il tient de l’intermédiaire. Et l’on ne peut reprocher, ni à l’acheteur, ni à son intermédiaire, qu’ils n’aient pas respecté leur parole155.

Art. 8. — Si, pour un achat, on a fait un contrat sur lequel ne figure pas le prix exact, le contrat est valable, à condition qu’il n’en résulte aucun intérêt pour l’un ou Vautre des contractants. De plus le contrat est valable, si les engagements ont été pris d’une manière logique et conformément à la loi ; mais s’ils ont été pris de telle sorte que l’un des intéressés puisse reprocher à l’autre un manque de parole, le tout est nul.

Siman 176. Des locations permises ou défendues.

(Ce paragraphe contient 3 articles)

Article 1er. —Il est interdit de prêter de l’argent sous la condition de recevoir un intérêt, si l’argent est prêté pour être dépensé ; mais si l’on prête des monnaies du pays à une personne qui veut apprendre à les connaître et qui doit ensuite les rendre au prêteur, il est permis de prendre un intérêt. Glose : Dans ce dernier cas il est permis de prendre un intérêt, si l’emprunteur n’assume la responsabilité de l’argent qu’en ce qui concerne le vol et les pertes ; mais s’il assume la responsabilité de tout ce qui peut advenir, le créancier ne doit prendre aucun intérêt. Enfin d’aucuns disent que si le créancier prend la responsabilité de tout ce qui peut advenir, il lui est permis de recevoir un intérêt pour l’argent qu’il prête, même si cet argent doit être dépensé (V. § 177). Mais quand le créancier ne prend qu’une part de responsabilité, il lui est défendu d’accepter un intérêt pour de l’argent qu’il prête et qui est destiné à être dépensé. Ainsi, lorsque, sans avoir de responsabilité, le prêteur prend un intérêt, il agit contrairement à une défense biblique ; et s’il n’a qu’une part de responsabilité, il agit contre une défense traditionnelle.

Art. 2. — Quand on prête des objets, il est permis de prendre un loyer, même si le prêteur, ayant permis à son débiteur d’en user à sa guise, le prie de les lui rendre tels qu’ils ont été reçus.

Art. 3. — Lorsque l’usage est de louer des navires moyennant un prix de location, il est permis de le faire ; et aussi, quand le navire venant à se détériorer, on en fait l’évaluation, le propriétaire peut recevoir, avec le loyer, la somme représentant la différence de valeur du navire neuf et du navire détérioré. De même un marchand peut louer des ustensiles de cuivre contre rémunération, et se faire payer le poids de cuivre qui manque à l’ustensile au moment où celui-ci est rendu. Glose : D’aucuns disent qu’on ne prend de rémunération pour la location des ustensiles que parce qu’ils s’abîment nécessairement, mais ils disent aussi qu’une fois cassés, on évalue le prix de l’objet neuf et son prix comme métal et que l’on fait payer la différence.

Art. 4. — Il est permis de louer une vache moyennant une certaine somme par mois, et aussi d’évaluer son prix, prix que devra rembourser l’emprunteur si elle meurt chez lui. Glose : D’aucuns disent qu’il faut évaluer le prix au moment de la mort de l’animal et faire payer ce prix à l’emprunteur.

Art. 5. — Si un cultivateur loue un champ et veut donner dix khors (a)156 de blé comme prix de location annuelle, il est permis au propriétaire de dire au locataire : « Donnez-moi deux cents zouz, c’est moi qui, avec cette somme ferai produire le champ et je vous donnerai douze khors de froment par an ». Ce marché est permis, parce que le locataire ne prend pas un intérêt, mais trouve, dans son entreprise, un bénéfice commercial. De même, lorsqu’un propriétaire loue pour dix dinars par an un magasin ou un navire, il lui est permis de dire à son futur locataire : « Donnez-moi deux cents zouz pour terminer l’ouvrage et je vous paierai un loyer de douze dinars par an. » Glose : Parce que l’argent que demande le propriétaire est destiné à faire le navire ou le magasin. Mais si le propriétaire demande les deux cents zouz, afin d’acheter des marchandises pour le magasin ou le navire, ou d’embaucher des matelots, et s’il promet à son locataire de lui donner un loyer supérieur à celui que ce locataire voulait lui donner, ce marché est défendu (b)157.

Art. 6. — Il est permis à un propriétaire de demander, pour la location de son champ, dix sélas par an, payables en un seul terme et immédiatement, ou bien un sela payable par mois, si cette proposition a été faite avant la confection du contrat. Il en est de même pour le paiement d’un employé (1)158. Glose : Il ne s’agit ici que du cas où le propriétaire s’est entendu, avant le contrat, sur les deux modes de paiement ; si le propriétaire a seulement demandé dix sélas par an, il lui est interdit, le marché une fois conclu, de dire à son locataire qu’il veut bien prendre un séla par mois, au lieu de recevoir tout le prix du loyer en une seule fois. Il est d’autant plus interdit au propriétaire d’accepter un dédommagement de son locataire, si celui-ci, au moment de payer en une seule fois, ne peut plus le faire. Il est également permis à un père, qui a promis une dot à sa fille, de demander à son gendre de lui servir une certaine somme par an, et de garder pour un certain temps la dot promise ; il ne fournit pas alors un intérêt, cela revient à donner une dot supérieure à celle qu’il devait donner. Cette manière de payer est autorisée, lorsque les conditions ont été posées avant le mariage ; sinon elle est interdite, car le père semblerait donner un intérêt, pour faire attendre à plus tard le versement du capital.

Art. 7. — Il est interdit de demander à une personne de faire aujourd’hui un travail valant un dinar, pour que plus tard son débiteur lui fasse un travail de deux dinars.

Art. 8. — Quand, en hiver, les journées sont payées un dinar, il est interdit de payer d’avance en hiver un ouvrier, pour qu’il travaille en été au prix d’un dinar par jour au lieu d’un séla (c)159, en récompense de ce qu’il a reçu son salaire avant d’avoir fourni son travail. Mais si le patron embauche l’ouvrier pour l’hiver et l’été, et lui avance le salaire qu’il devra recevoir en été, il est permis de payer pour toutes les journées un prix égal ; la diminution de prix d’une journée d’été ne provient pas alors de ce que le patron a avancé l’argent, mais de ce qu’il emploie l’ouvrier hiver comme été.

Siman 177. Des diverses opérations commerciales qui sont défendues, parce qu’elles entraînent intérêt.

(Ce paragraphe contient 40 articles.)

Article 1er. — Il est défendu à un propriétaire de donner des moutons à son fermier sous les conditions suivantes : « Le fermier donnera tous les ans au propriétaire la moitié, le tiers ou le quart des produits fournis par les bêtes ; de plus il devra rembourser les bêtes qui mourront. » Il est interdit de faire ces conditions parce que le propriétaire serait assuré de gagner sans avoir jamais aucune perte. Mais si le propriétaire reçoit une partie fixe des produits et s’il prend la responsabilité de ce qui peut advenir, à savoir : l’augmentation ou la diminution de la valeur des bêtes, les lésions, la mort, le marché est permis. Il en est de même pour toutes les marchandises qui se prêtent à ce genre de commerce. Glose : Il ne s’agit ici que d’une affaire commerciale où le fermier a un bénéfice ; mais si ce fermier ou toute autre personne veut se charger des moutons ou d’une marchandise quelconque, sans rémunération, seulement pour être agréable au propriétaire, il est permis à ce dernier d’accepter ce service, même si la personne veut être responsable des choses confiées à sa garde.

Art. 2. — Si un particulier prête de l’argent à un commerçant pour avoir une part dans son commerce, et prend pour lui une moitié des responsabilités en laissant l’autre moitié au commerçant, cette combinaison est défendue. En effet, puisque le capitaliste a une part dans les opérations commerciales, le capital qu’il prête est comme divisé en deux parties, dont l’une profite au commerçant, mais dont l’autre profite au créancier, tout en étant confiée au débiteur. Or le commerçant n’est responsable que d’une moitié de la somme, alors qu’il s’occupe de faire fructifier toute la somme confiée ; c’est cette peine, qu’il prend pour le prêteur, qui semble être un intérêt donné en récompense du prêt de la somme. Si le capitaliste veut que le marché soit valable, il doit payer le commerçant qui s’occupe de ses intérêts à lui créancier, tout comme il paierait un ouvrier quelconque. Si, en dehors de cette association, le commerçant conduit une industrie avec l’argent du capitaliste, sans que celui-ci y ait aucun bénéfice, le capitaliste ne doit pas payer son débiteur comme un ouvrier, mais il doit lui donner une certaine somme pour reconnaître son service dans la première entreprise. Il est aussi permis au créancier, pour reconnaître le travail de son débiteur dans la première entreprise, de lui donner d’abord 1/10e des bénéfices, puis de partager avec lui le reste, c’est-à-dire les 9/10e. Quand l’associé du capitaliste est son jardinier qui a un autre travail en dehors de cette opération commerciale, il n’a pas à être payé pour la peine qu’il prend dans cette affaire puisqu’il est aux ordres de son patron. Glose : La moitié de responsabilité qui incombe au capitaliste s’applique à tout ce qui peut arriver.

Art. 3. — Il ne s’agit dans l’article précédent que du cas où, lors de la conclusion du marché, le capitaliste promet seulement au commerçant la moitié des bénéfices ; mais s’il lui promet en plus une gratification, ne fût-ce qu’un dinar, le marché est permis. Glose : Les règles des articles 2 et 3 ne sont applicables que si un seul des deux intéressés fournit le capital ; s’ils le fournissent à eux deux, ils forment une véritable société ; et même si un seul conduit les affaires, il n’a pas à recevoir de gratification de son associé.

Art. 4. — Si un capitaliste, ayant fourni à un commerçant des capitaux pour une entreprise, ne lui a pas promis de gratification pour la peine qu’il prendra, et si au moment du partage des bénéfices, le capitaliste ne veut pas accorder au commerçant, outre sa part des bénéfices, un salaire comme à un ouvrier : ou si, le commerçant travaillant en même temps à une autre entreprise, le capitaliste ne veut pas lui donner le dinar de droit, le commerçant peut, pour l’actif déterminé, prendre le tiers de cette moitié des bénéfices qui provient de la moitié du capital dont bénéficie le créancier, et avec laquelle le commerçant a travaillé, et rajouter à l’autre moitié qui lui revient, d’où il résulte que le commerçant doit prendre les deux tiers du bénéfice total et en laisser un tiers au créancier. S’il y a des pertes, le commerçant ne doit supporter que le tiers du passif, et le capitaliste doit en supporter les deux tiers, parce que le commerçant doit toujours être payé, pour son travail, un tiers des bénéfices s’il y en a ; alors, dans le cas de perte, c’est le capitaliste qui doit fournir ce tiers ; il perdait déjà un tiers ; il perdra donc deux tiers et le commerçant un tiers.

Art. 5. — Si le créancier paie le commerçant pour la moitié de la somme qu’il fait fructifier, le commerçant est regardé comme gardien salarié de la moitié de la somme qui lui a été remise (a)160. Quand le capitaliste donne une gratification, il peut offrir au commerçant la moitié des bénéfices, à la condition que le commerçant s’occupe exclusivement de cette affaire. Le créancier peut proposer toutes les conditions qu’il désire, à savoir : le commerçant est responsable de toute la somme à lui confiée ou encore : il est obligé, pour mettre en sûreté la somme versée par le capitaliste, de la placer où celui-ci le veut. Si le commerçant, n’ayant pas tenu compte des conditions du capitaliste, éprouve des pertes occasionnées par ce fait, c’est lui qui doit les supporter ; si, au contraire, il lui vient des bénéfices il doit les partager avec le capitaliste. Il semble que, de cette manière, le capitaliste ait toutes les chances de gagner et aucune de perte, et pourtant il n’y a aucune sorte d’intérêt. En effet, si le commerçant obéit en tous points aux conditions, et éprouve des pertes, le capitaliste partage ces pertes. Glose : Le commerçant peut changer les conditions du créancier de propos délibéré sans pour cela être considéré comme un malhonnête homme, s’il éprouve des pertes. Si le commerçant dit qu’il a changé les conditions du créancier, non pas parce que son commerce l’exigeait, mais parce que cela lui plaisait, il est considéré comme un malhonnête homme, et il est responsable de ses actes. Afin que le commerçant ne puisse encourir une responsabilité préjudiciable à son honneur, le créancier doit poser la condition que le commerçant aura le droit de prélever sur l’argent confié certaines sommes, pour les besoins de ses opérations, sans être obligé d’en avertir le capitaliste.

Art. 6. — Si un capitaliste remet de l’argent à un commerçant pour avoir la moitié de ses bénéfices, et si le commerçant propose une certaine somme fixée au capitaliste, en échange de sa moitié des bénéfices, il est interdit au capitaliste d’accepter, même si toute la responsabilité de l’argent repose sur lui (b)161. Glose : D’aucuns disent que, lorsque le capitaliste prend toute la responsabilité de l’argent, il peut accepter la proposition du commerçant, quand il s’agit d’une sorte d’intérêt défendue traditionnellement et dont on n’est même pas sûr ; mais s’il y a vraiment un intérêt, il est toujours défendu au capitaliste, même quand toute la responsabilité repose sur lui, d’accepter la proposition de son débiteur.

Art. 7. — Un capitaliste prête de l’argent à un commerçant pour deux ou trois ans, sous la condition de recevoir la moitié des bénéfices fournis par la somme ; après le contrat, ils ont réfléchi et arrêté que le débiteur donnera tous les ans une somme fixe au créancier, alors : si le débiteur a dépensé l’argent pour ses besoins personnels, et s’il donne la somme fixée au créancier, celui-ci reçoit un intérêt interdit par la Bible ; si le débiteur emploie l’argent pour les besoins de son commerce, et peut payer la somme fixée avec les bénéfices de ce commerce, cette manière d’agir est permise, quoique les conditions du contrat soient changées, parce que les conditions faites au moment où l’argent a été donné étaient acceptables.

Art. 8. — Si un capitaliste prête une mine, à la condition que le débiteur paiera les contributions pour cette somme, le prêt est interdit.

Art. 9. — Quand un orphelin prête de l’argent à une personne qui s’engage à le nourrir, et que plus tard, l’orphelin réclamant l’argent, son débiteur allègue qu’il l’a nourri, alors si l’orphelin nie le fait, on le croit (c)162.

Art.10. — Il est interdit à une personne de proposer deux cents zouz à une autre personne pour que celle-ci obtienne du travail chez le roi, travail qui pourra rapporter trois cents zouz ; il lui est au contraire permis de demander à cette personne de la débarrasser elle-même du travail qu’elle a à exécuter. (V. § 173.)

Art.11.— Quand quelqu’un déclare devant la justice qu’une personne lui doit une mine, qu’elle lui aurait soutirée en intérêts directs, alors que le prétendu débiteur déclare ne pas même connaître la personne qui lui réclame l’argent, et n’avoir jamais entendu parler de l’affaire, les juges défèrent le serment au réclamant afin de savoir s’il a dit la vérité. (V. § 168.)

Art.12. — Lorsqu’après avoir emprunté de l’argent, sous la condition d’offrir à son créancier la moitié des bénéfices commerciaux que rapportera la somme prêtée, le débiteur déclare devant un tribunal qu’il a emprunté à intérêt direct, il n’est pas cru (d)163.

Art.13. — Si un ouvrier prête de l’argent à son patron, puis au fils de son patron, il lui est interdit de recevoir son salaire, à moins qu’il n’ait déclaré, en prêtant l’argent, qu’il l’offre comme un don, que le patron aura le droit de rembourser ou non. (V. § 166.)

Art.14. — Il est interdit à un débiteur de dire à son créancier : « Si à telle date je ne vous ai pas remboursé, je vous devrai, à partir d’aujourd’hui, tant de dinars en sus », car c’est là un moyen détourné de donner un intérêt. Glose : D’aucuns disent qu’il est permis au créancier d’accepter les conditions du débiteur, si celui-ci le rembourse avec des produits agricoles. (V. § 163. Si les juges doivent reprendre au créancier un intérêt pris par un moyen détourné.)

Art.15. — Il est permis à un beau-père de dire à son gendre : « À telle date je vous donnerai la dot de ma fille ; si je vous la donne plus tard, je vous remettrai en plus, chaque mois, sept pechitahs (d’)164 par vingt dinars promis. » Car cet arrangement revient à ce que le beau-père, ayant promis un cadeau pour une certaine date, donnera un cadeau d’une plus grande valeur s’il s’acquitte plus tard.

Art.16. — Il est interdit au débiteur de dire à son créancier qu’il lui donnera une certaine somme tous les huit jours, s’il ne s’acquitte pas au temps fixé ; car cela constitue un véritable intérêt. Glose : Quoique l’intérêt promis par le débiteur ne soit qu’une punition qu’il s’impose à lui-même, dans le cas où il ne payerait pas au jour dit, il est cependant regardé comme un véritable intérêt, parce que c’est une somme nettement fixée que le débiteur devra donner hebdomadairement. Cette remarque est de principe.

Art.17. — Il est interdit à un débiteur, qui emprunte contre un gage, de dire à son créancier que le gage dont la valeur est supérieure à la somme prêtée, lui appartiendra s’il ne s’acquitte pas à une date fixée, car le créancier prendrait alors un intérêt grâce à un moyen détourné. (V. Code pénal,§§ 72 et 73.)

Art.18. — Quand une personne achète, au comptant, pour soixante dinars d’or (d”)165 de marchandises livrables dans six mois, et pose la condition suivante : « Si le vendeur dépasse le délai fixé, il devra donner cent dinars d’or à son client », le dépositaire des marchandises est forcé ^exécuter les clauses de ce traité, si les marchandises vendues avaient un prix fixé et si le vendeur possédait bien chez lui les soixante dinars de marchandises au jour de la vente (e)166.

Art.19. — Si le dépositaire d’une somme prête à un païen l’argent qu’on lui a confié, il est responsable de tout ce qui peut arriver à l’argent dont il se sert ; quant au propriétaire, il n’a rien à voir dans ce que fait le dépositaire, ni dans l’intérêt que celui-ci prend peut-être ; si son homme de confiance veut lui offrir une certaine somme, le capitaliste peut l’accepter comme un cadeau. (V. Code pénal,§ 292.)

Art. 20. — Si un commerçant, qui a emprunté de l’argent pour les besoins de son commerce, sous la condition de donner à son créancier la moitié des bénéfices, paie tous les ans ; puis si, la dernière année, il va dire en justice que l’argent qu’il donnait à son créancier ne provenait pas de ses bénéfices, on ne le croit pas ; car s’il n,avait pas eu de bénéfices, il n’aurait pas payé les années précédentes.

Art. 21.— Quand une personne donne des marchandises à un commerçant pour qu’il les vende, et que le bénéfice retiré de la vente soit partagé entre eux deux, alors : si l’habitude est de louer un manœuvre qui apporte les marchandises sur le lieu de la vente, il est interdit au capitaliste de demander au commerçant qu’il paie ce manœuvre sur son bénéfice. Glose : On évalue ce que doit coûter le manœuvre et on ajoute cette somme au prix des marchandises.

Art. 22. — Si les marchandises ont plus de valeur au moment de la vente qu’au jour où elles ont été achetées, pour évaluer le bénéfice, on doit estimer leur prix au cours du jour de la vente. Glose : Là où l’usage est de donner la dixième partie des bénéfices aux œuvres charitables, le vendeur ne pourra donner que le dixième de son bénéfice à lui ; de son côté, le capitaliste donnera aussi le dixième de son bénéfice à une œuvre charitable de son choix.

Art. 23. — Quand un propriétaire donne à un fermier différentes sortes de bétail à élever, pour partager avec lui le bénéfice provenant de leur augmentation de valeur, le fermier doit garder les ânes 18 mois, et les brebis et les chèvres 24 mois ; pendant ce laps de temps, chacun des intéressés peut empêcher l’autre de rompre le marché. Quant à la répartition des petits, on la fait suivant l’usage du pays ; si la coutume est d’en donner, aussitôt après la naissance, la moitié à chacun des intéressés, on le fait ; s’il n’y a pas d’usage établi en cette matière, le fermier doit élever le menu bétail pendant 30 jours, le gros bétail pendant 50 jours, et partager ensuite ce jeune bétail avec le propriétaire. Ce dernier n’est pas obligé de donner quelques-unes des bêtes, qui lui reviennent, au fermier pour le récompenser de son travail. Si le propriétaire veut que le fermier lui garde le bétail au-delà du temps dit, le bénéfice produit sera ainsi partagé : au fermier les trois quarts, et au propriétaire un quart. Le propriétaire et le fermier doivent mutuellement se prévenir du jour de l’évaluation et du partage, ou bien ces opérations doivent se faire devant trois témoins, à défaut de quoi le partage serait nul.

Art. 24. — Si un capitaliste prête de l’argent à un commerçant, sous la condition de recevoir la moitié du bénéfice rapporté par cette somme, il lui est interdit d’inscrire comme due la somme prêtée, augmentée du gain probable qu’aura le créancier ; car le bénéfice peut être plus petit qu’on ne le présume et le créancier se ferait alors payer un véritable intérêt. De même, quand un capitaliste prête de l’argent, pour avoir la moitié du bénéfice ou bien pour s’associer avec le commerçant, il ne doit pas écrire qu’il a prêté au commerçant la somme avancée, parce que, si le capitaliste venait à mourir, ses héritiers, trouvant le contrat, réclameraient cette somme dans laquelle pourrait être compris un intérêt (f)167.

Art. 25. — Si un capitaliste, prêtant de l’argent pour avoir la moitié des bénéfices rapportés par cette somme, fait un contrat par lequel il s’engage à participer aux gains et «aux pertes, de moitié avec le commerçant, alors si les deux intéressés sont connus pour des hommes vertueux, incapables de prendre un intérêt par un moyen détourné, le contrat est réputé fait selon la loi (g)168. Cette foi repose sur le principe suivant : si le capitaliste prend la moitié des bénéfices, il doit avoir la responsabilité pour les deux tiers de la perte ; s’il ne prend que la moitié des responsabilités en cas de perte, il ne doit accepter que le tiers des bénéfices. Mais si les deux intéressés ne sont pas connus pour des hommes très vertueux, leur contrat est entaché d’intérêt ; alors, s’il y a perte, le capitaliste est forcé d’en subir la moitié, et s’il y a bénéfice, le capitaliste ne touche rien (h)169. Glose : La même règle est appliquée à tous les contrats qui sont contraires aux lois.

Art. 26. — Quand il s’agit d’hommes vertueux (V. art. 25), s’il y a tout de suite bénéfice et si le capitaliste dit qu’il voudrait en prendre la moitié, quitte à subir plus tard les deux tiers des pertes s’il y en a ; ou bien s’il y a tout de suite perte et si le capitaliste dit qu’il voudrait ne supporter que la moitié des pertes, quitte à n’avoir plus tard que le tiers des bénéfices s’il y en a ; et si, de son côté, le débiteur dit, s’il y a aussitôt bénéfice, qu’il voudrait en avoir les deux tiers, quitte à être responsable plus tard de la moitié des pertes, ou bien s’il y a perte, si le débiteur ne veut en supporter que le tiers et avoir plus tard seulement la moitié des bénéfices. Alors : si, dans le contrat, il est écrit que « le capitaliste donnera au débiteur la moitié « des bénéfices et des pertes » le capitaliste a ensuite le droit d’obtenir ce qu’il demande plus tard ; s’il y a dans le contrat : « Chacun des intéressés a « la moitié des bénéfices et des pertes » c’est la demande du débiteur qui reçoit satisfaction.

Art. 27. — Si le capitaliste, ayant prêté de l’argent, est convenu avec son débiteur de la manière de répartir les bénéfices, et n’a rien dit des pertes, le débiteur devra supporter de cette perte une somme égale, en cas de perte, aux deux tiers de ce qui lui serait revenu si la perte eût, au contraire, été un bénéfice. Si les conditions stipulées ont prévu le cas de perte, et non le cas de gain, et s’il y a bénéfice, le débiteur doit prendre, sur ce bénéfice, la somme qu’il aurait eu à verser, si le bénéfice eût au contraire été une perte, plus le tiers de ce que le créancier aurait eu à verser dans la même hypothèse. Par exemple, s’ils ont mis comme condition que le débiteur devra prendre un quart des bénéfices et n’ont rien dit des pertes, alors s’il y en a, le débiteur ne doit en subir que le sixième. S’ils ont écrit dans le contrat que le débiteur devra subir un quart des pertes, sans rien dire des bénéfices, alors s’il y a un gain, le débiteur doit en avoir la moitié (i)170.

Art. 28. — Quand les deux intéressés ont convenu, dans leur contrat, que le capitaliste aurait le tiers des bénéfices et subirait les deux tiers des pertes, alors, s’il n’y a ni perte ni gain, le capitaliste n’est pas obligé de payer le débiteur, sur la demande de celui-ci, pour la peine qu’il a prise. Mais si, dans le contrat, il est dit seulement que le capitaliste et le débiteur se partageront le bénéfice par moitié, alors, quand il n’y a ni bénéfice ni perte, le capitaliste doit, sur la somme prêtée, payer le débiteur de la peine qu’il a prise (j)171.

Art. 29. — Si un capitaliste donne un magasin et des marchandises à un commerçant, et lui dit de travailler pour qu’ils se partagent ensuite les bénéfices, il ne faut pas que le commerçant achète, avec son argent propre, des marchandises pour le magasin, s’il en a acheté, il doit quand même, l’inventaire fait, donner la moitié des bénéfices au capitaliste (k)172.

Art. 30. — Quand un capitaliste prête de l’argent, pour avoir la moitié des bénéfices acquis grâce à cet argent, on peut considérer que la somme prêtée se compose de deux parts, l’une dont jouit le créancier, bien qu’elle soit confiée au débiteur, et l’autre dont jouit le débiteur lui-même. Le débiteur n’a donc pas le droit d’employer dans un commerce qui lui serait personnel, la moitié de la somme dont le bénéfice revient au capitaliste. De même le commerçant ne doit pas mettre en dépôt chez les juges cette somme.

Art. 31.— Un capitaliste a engagé des valeurs dans une entreprise avec un commerçant et doit avoir la moitié des bénéfices ; alors, si le commerçant meurt, et que des témoins déclarent que les valeurs et les biens laissés par le défunt appartiennent au capitaliste, celui-ci peut les reprendre, sans avoir besoin de prêter serment, et sans que la veuve et les héritiers aient le droit de lui soustraire une partie de ces biens ou du bénéfice qui lui revient. Glose : Le capitaliste peut retirer le contrat des mains des héritiers, même si la durée de rengagement n’est pas expirée.

Art. 32. — Quand un capitaliste a donné de l’argent à un commerçant, pour partager avec lui les bénéfices, et que le débiteur a fait un cadeau au moyen de l’argent ou des marchandises achetées avec l’argent du créancier, alors, si le capitaliste peut prouver ce fait, on forcé la (tierce personne à rendre ce qu’elle a reçu ; si elle l’a donné à son tour, elle doit en rembourser la valeur ; enfin si le cadeau est perdu ou vendu, c’est le commerçant qui doit le payer. Mais il faut pour cela de fortes preuves.

Art. 33. — Un capitaliste, qui a donné de l’argent à un commerçant, a fait avec lui deux conditions différentes, écrites chacune sur un contrat séparé ; par exemple, dans l’un des contrats, on parle de la répartition des gains, et dans l’autre il est dit qu’il faut d’abord rechercher les pertes, mettre de côté le capital engagé, et se partager le bénéfice ensuite ; alors si, comme il a été dit, les conditions se trouvent sur deux contrats séparés, les intéressés doivent se partager d’abord les gains ; si les deux conditions se trouvent inscrites sur un même contrat, mais ont été faites à des époques différentes, on doit régler d’abord le capital et partager le bénéfice ensuite.

Art. 34. — Quand un capitaliste a donné de l’argent à un commerçant pour partager les bénéfices avec lui, alors : si le commerçant, ayant fait de mauvaises affaires, n’en avertit pas le créancier et continue à travailler, puis gagne de quoi reconstituer entièrement le capital, il ne peut exiger que le capitaliste supporte sa part de perte pour le moment où il y a eu déficit ; il doit séparer le capital entier du bénéfice, et partager le gain avec le créancier d’après les conditions du contrat (l)173. Glose : Si le commerçant a averti le créancier du déficit, il lui est permis de dire à ce dernier : « Je ne veux plus m’occuper de cette affaire qu’à la condition que, si plus tard, s’il y a des bénéfices, nous les partagerons sans que je supporte la charge des mauvaises affaires passées ». Il faut d’abord payer les contributions et se partager le bénéfice ensuite ; mais s’il a été mis comme condition qu’on partagera le bénéfice d’abord, on peut le faire.

Art. 35. — Un capitaliste a donné de l’argent à deux commerçants, pour travailler pendant un temps limité ; alors, si, au bout d’un certain laps de temps, l’un des commerçants propose à Vautre de se séparer et de travailler chacun de son côté, il n’est pas écouté, même s’il veut accepter toute la responsabilité de l’argent et rembourser au créancier ce que pourra perdre son compagnon (m)174 ; ou bien encore, s’il veut travailler avec son associé sans diviser le capital prêté, et s’il demande seulement à partager les bénéfices avant le temps fixé, il n’est pas écouté non plus.

Art. 36. — Si un capitaliste a prêté de l’argent à un commerçant pour travailler, pendant un temps limité, et partager les bénéfices, le commerçant peut rompre le marché quand il veut, parce qu’il est regardé comme un ouvrier qui se retire sa demi-journée faite ; quant au capitaliste, il ne peut se retirer de l’affaire (n)175.

Art. 37. — Si un commerçant emprunte de l’argent, pour se procurer des produits agricoles, et pour partager ensuite avec le capitaliste le bénéfice de la vente de ces produits, il ne peut acheter du froment pour la moitié de la somme prêtée dont il doit recevoir les bénéfices, et de l’orge pour l’autre moitié dont les bénéfices doivent revenir au prêteur (o)176.

Art. 38. — Si un capitaliste prête de l’argent à un commerçant, pour qu’il achète des produits agricoles et pour partager ensuite avec lui les bénéfices de leur vente, le commerçant a le droit d’acheter tels produits qu’il voudra, même des animaux ; il n’y a que les vêtements et les ustensiles qu’il ne doive pas acheter (p)177.

Art. 39. — Si un capitaliste donne de l’argent à un commerçant, pour qu’il se procure des produits agricoles et partage avec lui les bénéfices de la vente de ces produits, le commerçant, après avoir acheté ces produits, peut en prendre d’autres semblables, avec son argent à lui, et pour son compte personnel seulement ; mais il ne doit pas vendre ensemble les premiers produits et les seconds ; il faut qu’il s’en défasse séparément (q)178.

Art. 40. — Quand un capitaliste donne de l’argent à un commerçant, pour qu’il se procure des produits et pour partager avec lui les bénéfices de leur vente, alors : si après avoir accepté ces conditions, le commerçant déclare qu’il n’a rien acheté, le capitaliste ne peut qu’être mécontent de son débiteur ; mais s’il y a des témoins pour prouver que le commerçant a acheté des produits et les a revendus, le créancier a le droit de lui réclamer par voie judiciaire son capital et le bénéfice qui lui revient. Mais si le commerçant a fait dire au créancier, ou a dit devant des témoins, qu’il veut rompre l’engagement qu’il a pris avec le capitaliste, il a le droit d’acheter les produits agricoles pour lui seul.


Notes

1(a) C’est-à-dire qu’on ne trouve pas une interdiction d’intérêt proprement dit, à l’égard d’un païen, dans ce passage de l’Exode (XXII, 25) « Si tu prêtes de l’argent, à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu n’en useras point avec lui à la façon des créanciers, tu ne lui imposeras point d’intérêt ». Puisque le païen n’est pas mentionné dans cette phrase, l’auteur du Code a pu croire qu’il est permis par la Bible de prêter de l’argent à intérêt à un païen. Mais cela était au contraire rigoureusement interdit, car on lit, quelques lignes avant ce verset (au verset 21) : « Tu ne fouetteras point, ni n’opprimeras l’étranger, car vous avez été « étrangers dans le pays d’Égypte ». Or le prêt à intérêt peut facilement devenir une oppression.

D’ailleurs la défense est formellement exprimée dans le Lévitique (XX, 35 et 36) : « Quand ton frère deviendra pauvre, si tu vois chanceler sa fortune, soutiens-le, de même que le païen étranger ou habitant (dans ton pays), afin qu’il vive avec toi ; tu ne prendras pas d’intérêt de lui (de ton frère ou du païen, qui se trouvent ainsi confondus dans le texte), car tu craindras ton Dieu. »

Enfin l’auteur du Code semble oublier ici que la base de la loi traditionnelle, c’est le Pentateuque. V. Talmud, traité Baba Metsia, page 70 (2).

La loi païenne, elle, admettait le prêt à intérêt, car on lit dans le même traité, page 61 : « Rab Saphra dit : Les tribunaux païens forcent le débiteur à payer au créancier l’intérêt, auquel il s’est engagé en faisant l’emprunt. C’est cet intérêt que nos tribunaux forcent, au contraire, le créancier à rendre au débiteur, si celui-ci l’a déjà donné.»

2(b) Voir plus loin, § 160, article 22.

3(b’) Parce qu’un Israélite instruit, versé dans la Loi, saura éviter tout abus ou tout agissement contraire à l’esprit de la Loi ; par exemple, il saura toujours faire la distinction entre le prêt civil à intérêt, qui est défendu, et le prêt commercial, qui est permis ; voir aussi plus loin, § 160, art.18, 19, 20, l’intérêt indirect autorisé dans des cas spéciaux.

4(c) Tous les pays ayant reconnu au prêt à intérêt, même civil, le caractère d’une opération commerciale, il est devenu impossible d’interdire ce genre de prêt, et l’article 1er demeure purement théorique.

5(d) Car un Israélite converti au paganisme ne mérite pas les égards que l’on a pour un païen, sa conversion prouvant qu’il est sans conscience.

6(e) Il est interdit de faire gagner de l’argent à un homme qui n’a point de conscience, et qui est par suite dangereux pour la société.

7(f) Afin d’éviter de façon sûre de tomber sous le coup de la Ioi qui interdit le prêt à intérêt, malgré les considérations de la note (d).

8(g) Kouthîm, pluriel כותייםde Kouth כותי. Selon moi, et doivent être identiques, les lettres תet שse remplacent en effet très souvent, comme par exemple dans les verbes כתש, broyer ou piler et כתת, broyer, piler ou écraser ; כושי signifie : Éthiopien. Le Talmud, traité Choulin, page 3b, dit que « si un Kouthî a accepté un précepte mosaïque, il le respecte plus soigneusement que l’Israélite lui-même ». Mais comme les Kouthîm professaient en même temps le paganisme, les docteurs du Talmud les ont assimilés aux Israélites convertis au paganisme.

9(h) Les Karaîm (Caraïtes) observent à la lettre toutes les prescriptions du Pentateuque, sans admettre les explications des docteurs du Talmud. Ils sont donc assimilés aux Israélites.

10Les préceptes négatifs concernant l’intérêt sont aussi applicables au secrétaire qui écrit le contrat d’emprunt.

11Voir Code pénal,§ 34, article 10.

12(a) On lit dans le prophète Ézéchiel, chapitre XVIII, 13 : « Celui qui prête a intérêt, directement ou indirectement, vivra-t-il ? Il ne vivra pas ; il faut qu’il meure, son sang sera sur lui ». C’est dire que le prêteur à intérêt est considéré comme un meurtrier moral ; il doit être exclu de la société, il deviendra pauvre et cessera d’exister pour ses semblables.

13(b) Car on lit dans le Lévitique, chapitre XXV, versets 37 et 38 : « Tu ne lui donneras point de ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer du profit. Je suis l’Éternel votre Dieu, qui vous ai tirés du pays d’Égypte, pour vous donner le pays de Canaan, afin d’être votre Dieu ». Moïse ayant ainsi comparé le précepte négatif, qui a trait à l’intérêt, au précepte positif, qui consiste à reconnaître la Divinité dans le miracle de la délivrance de l’esclavage d’Égypte, on en conclut que l’individu qui se refuse à obéir au précepte négatif concernant l’intérêt, est aussi coupable que s’il avait nié Dieu et la délivrance des Israélites par Moïse.

14À condition que le prêteur ne dise pas à l’emprunteur qu’il lui donne de l’argent pour en avoir le bénéfice, mais qu’il lui dise que cet argent est placé commercialement.

15(c) En cas de fait accompli, et lorsque l’emprunteur déclare que le prêteur lui a pris un intérêt, l’emprunteur peut, s’il s’agit d’un intérêt direct, reprendre son argent par la voie judiciaire ; mais si c’était un intérêt indirect, la justice ne peut rien faire ; quant au prêteur, il n’est pas un honnête homme.

16(d) Pour éviter le moindre soupçon d’acceptation d’intérêt.

17(e) Toutes ces opérations sont considérées comme entachées d’intérêt.

18On ne doit pas accepter d’argent pour l’instruction que l’on donne ; mais comme un père est obligé de faire instruire son enfant, même en payant les leçons, il est interdit au débiteur de donner des leçons au fils de son créancier, s’il ne le faisait déjà avant de devenir débiteur.

19(f) On lit dans le Talmud, traité Baba Metsia, page 75 : תניא ר »ש בן יוחי אומר מנין לנושה בחבירו מנה ואינו רגיל להקדים לו שלום שאסור להקדים לו שלום ת »ל (דברים כג, כ) נשך כל דבר אשר ישך. « Rabbi Siméon, fils de Jochaï, dit d’où pouvons-nous conclure qu’il est interdit à un emprunteur de saluer « le premier son créancier, s’il n’avait pas l’habitude de le faire avant de devenir son débiteur ? — De ce que le Deutéronome dit au chapitre XXIII, verset 20 : לא־תשיך לאחיך נשך כסף נשך אכל נשך כל־דבר אשר ישך. Tu ne prêteras point à intérêt à ton frère de l’argent, ni des vivres, ni quelque chose que ce soit où il puisse être pris un intérêt ». Ce docteur du Talmud a conclu de cette répétition qu’il est interdit au débiteur d’adresser à son créancier une parole ou un signe flatteur אפילו דיבור אסור, si le débiteur n’avait pas l’habitude de le faire avant d’avoir contracté sa dette.

20(g) Car il semblerait que le créancier ordonne à son débiteur de faire cette commission à cause de l’argent qu’il lui a prêté.

21(g’) Parce qu’on pourrait croire que ce prolongement de jouissance de la somme prêtée remplace la petite somme que, selon la loi juive, le mari doit remettre à la femme au moment où il l’épouse. (La bague que l’époux remet aujourd’hui à l’épouse, le jour du mariage, figure précisément cette petite somme.)

22(h) Le zouz a la même valeur que le dinar. (Rabbinowicz, Législation criminelle du Talmud, index.) Le dinar valait le quart du sela ou sicle biblique (Rabbinowicz, Législation civile du Talmud ; traité Baba Metsia, page 251).

Le sicle biblique, selon Maïmonide, pesait 320 grains d’orge, soit environ 15 grammes ; il vaudrait aujourd’hui 3 francs (Wogue, traduction du Pentateuque, Exode, p. 322, note).

Le dinar, par suite, vaudrait aujourd’hui 0 fr. 75. Il correspond, comme son nom l’indique, au denier romain qui pesait 3 gr. 85 et vaudrait 0 fr. 82.

Le dinar d’or valait 25 dinars d’argent ou ordinaires. (Rabbinowicz, Législation civile du Talmud, traité Baba Metsia, page 218).

23(i) Parce que le créancier se sert alors de son débiteur, et l’oblige en quelque sorte à demander de l’argent à un tiers, sachant que ce débiteur, pour ne pas lui déplaire, sera dans l’obligation morale d’agir.

24(j) Cette glose est complètement inadmissible, elle ne peut pas être l’œuvre première de fauteur, mais doit résulter de quelque erreur de copiste provenant d’ignorance ou d’un malentendu. Il est en effet impossible : 1° Que l’auteur de la glose se soit mis ici en contradiction avec le titre et le premier article du paragraphe ; 2° qu’étant un des plus grands talmudistes de son époque, il se soit mis en opposition avec ce principe devant lequel tous les docteurs du Talmud, sans distinction, se sont inclinés : שלוחו של אדם כמותו « Lorsqu’une personne ordonne à un tiers de faire une action quelconque, toute la responsabilité de l’action revient à l’ordonnateur et non à l’exécuteur de l’acte », parce que l’exécuteur n’est ni plus ni moins qu’un instrument ; or si une personne en charge une autre d’aller emprunter de l’argent pour elle, l’acte est le même que si elle avait fait l’emprunter elle-même. L’intérêt apporté par un intermédiaire est par conséquent rigoureusement interdit. Le copiste de la glose se raccroche, il est vrai, à cette règle du Talmud אין שליח לדבר עבירה« Lorsqu’un homme accomplit une action défendue, parce qu’on lui a demandé de le faire, on ne peut le considérer comme le remplaçant de celui qui lui a ordonné d’agir ; mais il est fautif personnellement, car il devait se refuser à cet acte ». Le copiste a déduit de là qu’en l’espèce, la faute pèse sur l’intermédiaire, l’exécuteur du prêt, et non sur les deux intéressés, et que, grâce à cela, le créancier peut accepter l’intérêt apporté par l’intermédiaire. Or, cette déduction est complètement fausse, car la phrase précitée du Talmud signifie ceci : Lorsqu’une personne en incite une autre à commettre un acte répréhensible, l’exécuteur de l’acte ne peut alléguer, pour sa défense, la pression qu’il a subie ; il est coupable, puisqu’il n’a pas respecté la loi, mais l’incitateur est également coupable. V. Code pénal, §389. Il est donc aussi interdit de pratiquer le prêt à intérêt par intermédiaire que de le pratiquer directement, et le principe du Talmud, bien à tort invoqué par notre glose, loin d’innocenter prêteur et emprunteur à intérêt, ne fait que leur adjoindre un troisième coupable : l’intermédiaire.

25(k) Il y a deux sortes d’intérêts, l’un direct, interdit par la loi de Moïse, l’autre indirect, interdit par la loi traditionnelle. Lorsqu’une personne a emprunté, par exemple, 100 francs, avec la condition de rendre 102 francs, c’est un intérêt direct, « le ribith Ketsoutsah » רבית קצוצה ; c’est l’intérêt défendu par la loi de Moïse, ou l’intérêt précisé du Talmud. Mais si, le blé valant 5 francs la mesure au moment de l’emprunt, et 6 francs au moment où le débiteur veut acquitter sa dette, le créancier acceptait de son débiteur 6 francs, parce que celui-ci ne peut pas s’acquitter en nature, ce créancier tomberait sous le coup de la défense traditionnelle ; c’est alors l’intérêt indirect, le « abaq ribith » ou « poussière d’intérêt » du Talmud : אבק רבית, ainsi appelé parce qu’il n’est qu’une poussière ou trace de l’intérêt défendu par la loi de Moïse. Cette défense traditionnelle perd de sa vigueur, lorsque les créanciers sont des orphelins ou lorsque l’intérêt indirect est destiné à des œuvres de charité. L’auteur nomme alors ce genre d’intérêt רבית דרבנן.

26(l) Les docteurs du Talmud ont accordé aux orphelins le privilège d’accepter un intérêt interdit par la loi traditionnelle, parce qu’il est ordonné par le Pentateuque de soutenir les orphelins, et qu’une loi biblique a toujours le pas sur une loi traditionnelle. En second lieu, on croit l’orphelin, sans lui faire prêter serment, lorsqu’il déclare n’avoir pas reçu d’intérêt. Et cependant, en cas de litige, le serment est obligatoire (voir Code pénal,§ 37). D’où vient cette anomalie ? Pour comprendre la glose, on doit supposer que le débiteur déclare avoir versé un intérêt interdit par la loi de Moïse, tandis que le prêteur soutient qu’il s’agit seulement d’un intérêt interdit traditionnellement. Or, comme en cas d’intérêt tombant sous le coup de la loi Moïse (voir note k) le débiteur est aussi fautif que le créancier, le débiteur, dans notre cas particulier, est disqualifié de toute façon, puisqu’il ne craint pas de dire qu’il a accompli un acte défendu ; on croit par conséquent le créancier, l’orphelin qui, a priori, ne semble pas s’être rendu coupable.

27(m) L’auteur traite cet intérêt de « רבית קצוצה » (voir la note k ci-dessus). C’est une sorte d’intérêt conditionnel. Le tuteur prête de l’argent appartenant aux orphelins, sous condition qu’une partie du bénéfice réalisé avec cet argent sera destiné à élever les orphelins. Bien que cette manière d’agir soit rigoureusement interdite dans tout autre cas et que la loi traditionnelle considère une combinaison pareille comme un véritable prêt à intérêt, cette loi se montre cependant très indulgente envers les orphelins, à condition que le tuteur dise, dans le contrat passé avec l’emprunteur, qu’une partie du bénéfice réalisé sera réservée aux orphelins. Il est donc entendu qu’en cas de perte, l’emprunteur n’a rien à remettre au tuteur en dehors du capital prêté.

28(n) Car l’emprunteur ayant remis au tuteur un intérêt qui doit être transmis aux orphelins, le tuteur n’est qu’un intermédiaire entre l’emprunteur et les orphelins. Les orphelins, devenus majeurs, n’ont pas à rendre l’intérêt qui leur avait été versé, parce qu’ils ignoraient la combinaison intervenue entre l’emprunteur et leur tuteur.

29(n’) La peroutah était la plus petite monnaie de cuivre ; elle valait 1/192 e du dinar d’argent, et se confond avec la maah de cuivre (Rabbinowicz, Législation civile du Talmud, traité Baba Metsia, p. 419) ; le dinar valant 0 fr. 75 de la monnaie actuelle, cela donne pour la peroutah : 0 fr.004, moins d’un demi-centime.

30(n”) La daneka valait selon Rachi 100 peroutahs, soit environ 0 fr. 40. Mais on voit d’après notre texte même, que cette pièce avait un cours variable.

31Aucune interdiction religieuse ne peut intervenir lorsqu’un homme se trouve dans un cas de force majeure. Mais le prêteur est toujours coupable, car on lit dans le Lévitique, chapitre XIX, verset 16: לא תעמד על־דם רעך « Tu ne seras pas indifférent à la misère de ton semblable. »

32Parce qu’il s’agit précisément d’une bagatelle. (Voir ci-dessus note n’).

33Lorsqu’il y a doute et que l’on peut supposer qu’il s’agit d’un intérêt « conditionnel », les juges n’ont pas le droit de forcer l’emprunteur à le rendre.

34(a) Il y a dans le Talmud, traité Baba Metsia, page 61 b, une grande discussion au sujet de l’intérêt conditionnel ; plusieurs docteurs disent que l’emprunteur ne peut pas poursuivre le prêteur par la voie judiciaire pour ce genre d’intérêt ; mais Rabbi Elazar proteste énergiquement contre cette opinion, et dit que la justice doit obliger le prêteur à rendre à son débiteur cet intérêt ; et le raisonnement de Rabbi Elazar est plus juste que celui des autres docteurs. Cependant, étant donné qu’il y a controverse et par conséquent doute, la justice ne doit pas aller à l’extrême en s’attaquant aux biens du créancier.

35(b) On suppose sans doute qu’on n’est pas certain que l’argent ou l’objet en question soit un intérêt conditionnel, lequel est absolument défendu en dehors du cas des orphelins. (Voir ci-dessus note m.)

36(c) Dans ce cas aucun doute ne peut subsister, et les enfants du créancier sont obligés de rendre cet intérêt à l’emprunteur.

37(d) Voir la note (c) du paragraphe 16. 46

38Afin qu’on ne puisse accuser le prêteur de vouloir se servir de l’objet qu’il avait eu le tort d’accepter ou d’exiger.

39Parce que la loi oblige à tenir compte du prix convenu au moment où le marché a été conclu. V. Talmud, traité Baba Metsia, page 65 (a), paroles de Rova.

40(e) Quelques commentaires disent que les juges annulent complètement le billet, et que le débiteur n’a pas même à s’inquiéter du capital emprunté, afin d’empêcher que le créancier se l’asse payer des intérêts inscrits globalement avec le capital. Pourquoi cette facilité accordée au débiteur ? Parce que le financier ayant usé de ruse, en inscrivant sur le billet la somme prêtée ajoutée à l’intérêt, afin d’échapper à la loi sur les intérêts, la Justice lui rend ruse pour ruse. Ceci peut se rapprocher de la prescription du Deutéronome, chapitre XIX, verset 19 : ועשיתם לו כאשר זמם לעשות לאחיו ובערת הרע מקרבך « Tu lui feras comme il avait dessein de faire à son semblable, et tu extirperas le mal du milieu de toi. »

41Il faut ajouter que les témoins dont parle l’auteur de la glose ne sont pas les mêmes que ceux qui ont signé au contrat ; car ceux-ci, qui se sont prêtés à la combinaison du créancier, sont aussi coupables que lui.

42(a) La séah, tiers de l’éphah, vaut environ 13 litres.

43Toutefois s’il s’agit d’une opération commerciale par exemple, si une personne a vendu à une autre : une mesure de blé sous la condition que l’acheteur lui revendra la même mesure plus tard, cela est permis, même d’après la loi traditionnelle.

44(a’) En interdisant l’intérêt, le Lévitique (chapitre XXV, verset 36), s’exprime ainsi וחי אחיך עמך. Tu devras faire vivre ton semblable « à côté de toi ». C’est-à-dire tu devras lui faciliter l’existence.

45(b) On trouve fréquemment dans le Talmud et dans le Code pénal cette phrase : פה שאסר פה שהתיר « la bouche qui a interdit peut aussi permettre ». La loi traditionnelle, qui a interdit ce genre de prêt, cherche un biais pouvant aider le malheureux qui a besoin d’emprunter des céréales d’une espèce qu’il ne possède pas.

46(c) Le prêteur pourra ainsi gagner par la spéculation sur ses grains, sans avoir la peine de les garder chez lui.

47Car si le jardinier a emprunté avant de commencer son travail, on peut dire que c’est grâce à cet emprunt que le contrat de travail entre le patron et le jardinier a été conclu. Il n’en est pas de même si ce prêt a été fait après que le travail a été commencé, et on le considère alors comme un simple emprunt. V. commentaire Taze, 6.

48(d) Sinon l’emprunt est permis dans tous les cas.

49Ceci a lieu lorsqu’on sait que le blé, au moment de l’emprunt, avait diminué de valeur ; on se trouve alors en présence d’une question d’intérêt, et la loi oblige le prêteur à s’expliquer sur la façon dont il avait conclu le marché avec son emprunteur, afin de prouver que ce n’était pas une affaire d’intérêt. Lorsque le créancier est incapable d’établir les preuves de sa sincérité, on croit le débiteur s’il prête serment. Mais si on ne sait pas quelle était la valeur du blé au moment de l’emprunt, on croit le créancier, s’il déclare que cette valeur n’a pas varié depuis l’emprunt. V. commentaire Chach, 13.

50Parce que l’une de ces deux denrées peut être plus difficile à se procurer que l’autre et l’on revient à la loi de l’art. 9. du paragraphe 16.

51(a) La mine vaut 100 dinars (Rabbinowicz, Légist. crim. du Talmud, index.)

52 Il a été par conséquent prélevé une sorte d’intérêt, ce qui est interdit : mais si le blé a diminué de valeur au moment du rachat, il n’y a plus intérêt prélevé. V. commentaire Chach, 7.

53(a’) Ce serait une façon de prélever un intérêt en tournant la loi.

54(b) Parce qu’au moment où le débiteur et le créancier se sont entendus, il n’a pas été question de la manière dont se ferait le remboursement, en espèces ou en nature.

55(c) Puisque le créancier a trouvé le moyen de racheter le blé pour quatre-vingt-dix dinars, on peut le soupçonner d’avoir eu une arrière-pensée au moment de la conclusion du marché ; c’est pourquoi la glose considère ce marché comme donnant lieu à intérêt indirect ; alors la justice ne pourrait pas forcer l’emprunteur à rendre au prêteur la somme d’une mine soit en espèces, soit en nature. Mais l’opinion de fauteur du code (article 3) est plus rationnelle ; il existe en effet une règle générale dans tout le Talmud et dans le code pénal כל אדם בחזקת כשרת« Nous devons tenir tout homme pour honnête jusqu’à ce que nous ayons la preuve du contraire » ; or, l’opinion que donne la glose repose sur l’hypothèse que le créancier n’est pas honnête, et il est interdit rigoureusement de condamner quelqu’un sans avoir les preuves certaines de sa faute. Le créancier en question doit donc pouvoir se faire rembourser par la voie judiciaire, comme le veut l’article 3.

56On considère ce louage comme un intérêt conditionnel. V. commentaire Chach, 2.

57(a) Voir article 1er du § 172, la coutume d’Assyrie.

58La vente doit être faite conformément à la loi ; sinon, elle serait considérée comme un emprunt, et la combinaison que le vendeur a faite tomberait sous le coup de la loi contre l’intérêt conditionnel. V. Taze, 1.

59(b) Lorsque le prêteur n’a pas inscrit dans le contrat que dans le cas de non payement au bout de trois ans, le champ lui appartiendrait à partir du moment où le contrat a été fait, l’argent versé par le créancier est considéré durant ce laps de trois ans comme lui rapportant un intérêt conditionnel consistant dans les productions du champ, ce qui est interdit.

60(c) D’après cette glose, le débiteur ne pourra pas se faire rembourser la valeur des produits du champ par la voie judiciaire.

61La nature de cette sorte d’intérêt est discutable ; d’aucuns disent que c’est un intérêt conditionnel, d’autres le considèrent comme un intérêt indirect. V. Chach, 2.

62Dans le cas où le débiteur doit tenir compte de l’augmentation de poids du métal précieux, il faut qu’il tienne compte de l’augmentation totale de ce poids.

63L’emprunteur doit alors rendre au créancier une valeur égale à ce qu’il a reçu, afin que celui-ci ne se trouve pas en perte. V. Chach, 5.

64(a) Parce qu’on pourrait accuser le créancier d’obtenir ce travail parce qu’il a aidé le débiteur, et par conséquent de profiter de l’argent qu’il a prêté.

65(b) Les docteurs du Talmud ont voulu éviter jusqu’au soupçon de prélèvement d’intérêt, parce qu’ils considèrent, un tel prélèvement comme un acte criminel.

66Maïmonide dit que si un emprunteur offre à son créancier, au moment de l’emprunt, d’aller demeurer dans sa maison, cette combinaison constitue un intérêt conditionnel, lors même que la maison n’est pas à louer ; plusieurs autres auteurs sont de l’avis de Maïmonide.

67(c) Le cas où le débiteur déclare au moment de l’échéance qu’il lui est impossible de payer, et offre à son créancier de venir demeurer dans sa maison, ne me semble pas rentrer dans les cas d’intérêt direct ni d’intérêt indirect, mais devoir être assimilé à une entente commerciale : En effet, on lit dans le Lévitique, XXV, 37 כספך לא־תתן לו בנשך ובמרבית לא־תתן אכלך« Tu ne lui donneras pas de ton argent à intérêt, et tu ne lui donneras pas de tes vivres pour en tirer profit. » Il est évident que cette défense s’applique au moment où l’on prête l’argent. Il est interdit de prêter de l’argent à intérêt. Mais quand un créancier a accompli son devoir, quand il a prêté son argent sans aucun intérêt, et quand, au jour de l’échéance, le débiteur déclare ne pas pouvoir rembourser sa dette, il n’est plus question d’emprunt, mais d’un simple arrangement ; comme il n’existe aucune loi interdisant la conciliation, il faut permettre cet arrangement. Si ces arrangements étaient interdits, peu de capitalistes voudraient prêter et ce sont les emprunteurs qui pâtiraient. Nous voyons également dans plusieurs passages du Talmud (traité Baba Kama et traité Baba Metsia, page 68, b) qu’il faut se montrer bienveillant pour les capitalistes : כדי שלא תנעול דלת בפני לוין afin que les capitalistes « ne ferment pas leur porte à ceux qui veulent emprunter. »

68(d) V. § 177, article 13.

69Au moment où le premier Israélite a donné de l’argent au second, ce dernier est devenu responsable de cet argent, et on le considère comme s’il avait été le prêteur lui-même. V. Chach, 3.

70Lorsque l’Israélite prend de l’argent de la main de son coreligionnaire, il semble qu’il soit un intermédiaire entre lui et le païen. V. Chach, 4.

71Quand le second Israélite a reçu l’argent de la main du païen, le premier Israélite était complètement en dehors de cette affaire ; c’est pourquoi il est permis au premier Israélite d’accepter l’intérêt pour le remettre au païen, et il est permis au second d’emprunter auprès du païen le capital en question. Le premier Israélite est considéré comme un homme qui fait une course pour le païen. V. Taze, 3.

72(a) Parce qu’on considère ce geste comme équivalant à la restitution de l’argent dans la main du païen. Toutefois il faut que le païen, lorsqu’il prie l’Israélite de déposer le montant de sa dette par terre, ajoute : « vous serez libéré de votre dû », sans quoi le premier débiteur demeurerait responsable de sa dette ; car on trouve ceci dans le Talmud (traité Baba Metsia, page 71) «דאמר ליה הניחם על גבי קרקע והיפטר ». Le créancier païen a dit à son débiteur « qu’il dépose le montant de sa dette par terre et qu’il sera libéré » et l’on voit dans le code pénal,§ 120, un cas pareil, où l’auteur du code veut que le créancier païen dise à son débiteur les mots « vous serez libéré », faute de quoi le débiteur reste responsable de sa dette, bien qu’il ait exécuté l’ordre de son créancier.

73Beaucoup de commentateurs s’élèvent contre l’opinion de cette glose.

74(b) Comme l’interdiction du prêt à intérêt ne s’applique pas à un Israélite qui emprunte de l’argent à un païen, l’intérêt que cet Israélite donne au païen est considéré comme faisant partie du capital dû par lui ; pour cette raison il est permis à un autre Israélite d’accepter cet intérêt pour le compte du païen.

75(c) Cette interdiction a pour but de se mettre en travers de la ruse, car on peut soupçonner le prêteur israélite d’avoir prêté une somme à un païen, afin que celui-ci la prête à son tour à un autre israélite ; de cette manière le premier israélite prendrait un intérêt du second israélite, sous le prétexte que le païen est créancier de ce dernier.

76(d) Cette glose est vraiment un joli morceau de jurisprudence ; mais si notre note (c) est justifiée, il doit être interdit au premier Israélite d’accepter l’intérêt versé au païen pour le second Israélite, même si le païen possède un gage de ce dernier, parce qu’on pourra alors soupçonner le créancier du païen d’avoir demandé à ce païen de prendre un gage, afin de déguiser ses agissements en vue de prendre un intérêt de son coreligionnaire.

77Lorsque le créancier ignore, au moment de l’emprunt, ce qui se passe entre le païen et l’Israélite, il lui est permis d’accepter l’intérêt, même s’il a eu dans la suite connaissance de la ruse de l’Israélite.

78Bien que le païen n’exécute pas l’ordre dont l’Israélite l’avait chargé, on le considère cependant comme ayant emprunté chez un autre païen ainsi qu’il avait été chargé de le faire. V. Chach, 19.

79(e) Car le créancier peut refuser à bon droit à un homme rusé ; si le créancier avait su que le gage appartenait à l’Israélite, il n’aurait pas conclu le marché avec le païen, et puisque l’Israélite n’a pas craint de dire qu’il a trompé le créancier afin de se procurer de l’argent, le créancier doit craindre qu’il ne le trompe encore, afin de se libérer de l’intérêt.

80(f) Ce prêt n’est pas précisément interdit, parce que le prêteur peut dire qu’il a bien reconnu que le gage provenait d’un Israélite, mais qu’il a cru en même temps, que le païen l’avait acheté à cet Israélite. Cependant l’honnête homme doit éviter une affaire semblable.

81(g) Cette Glose va à l’encontre du Talmud (traité Baba Metsia, page 71, b), où dans une discussion, l’acte d’un païen, accompli sur l’ordre d’un Israélite, est considéré comme accompli par l’instigateur ; surtout lorsqu’il s’agit d’un fait grave, tous les docteurs sont d’accord sur ce point. Or un emprunt à intérêt est un acte fort grave, interdit à plusieurs reprises dans le Pentateuque. Il est donc rigoureusement interdit à un Israélite d’emprunter de l’argent à intérêt à un autre Israélite, par l’intermédiaire d’un païen.

82(h) Dans le cas où le gage a la valeur de l’argent prêté, le créancier israélite a prêté une somme au païen avec la garantie du gage et non avec la garantie du païen ; il est donc interdit au créancier d’accepter un intérêt quand l’Israélite débiteur du païen vient lui réclamer son objet ; tandis que, dans le second cas, où la valeur du gage est inférieure à la somme prêtée, l’Israélite ne prête que parce que le païen se porte responsable envers lui, et il est alors permis au créancier d’accepter un intérêt du premier Israélite, qui vient chez lui réclamer le gage. Mais il me semble qu’il peut être permis d’accepter un intérêt, même dans le premier cas. V. note (f) ci-dessus.

83Car il n’y a nulle apparence ici que le païen soit un intermédiaire entre le créancier et son débiteur israélite.

84(i) Mais il est interdit au créancier du païen d’accepter un intérêt de l’Israélite propriétaire du gage.

85(j) V. § 172, article 30.

86(k) Dans ce cas, le créancier n’a pas eu affaire avec l’Israélite, mais avec le païen, et si le créancier a vendu le gage à un autre Israélite, c’était par ordre du païen ; voilà pourquoi le créancier peut exiger l’intérêt.

87(l) Car dans ce cas l’Israélite n’est que le porteur du gage et n’a aucune part dans le prêt lui-même.

88(m) L’intermédiaire dit cela, pour éviter de remettre au créancier l’intérêt qu’il doit lui donner ; celui-ci de son côté peut donc parfaitement refuser de croire à cette déclaration. Il peut n’ajouter foi qu’à la première déclaration, où l’intermédiaire a dit qu’il venait faire un emprunt pour le païen. Ce qui est certain, c’est que l’intermédiaire n’est pas loyal, puisque ses deux déclarations ne concordant pas, il a nécessairement travesti la vérité une fois. On peut dire avec raison qu’il peut plutôt ajouter foi à la première déclaration de l’intermédiaire, parce qu’il est peu probable qu’un Israélite mente pour violer la loi biblique qui interdit d’emprunter à intérêt.

89(n) Beaucoup de commentateurs sont d’un avis contraire, et déclarent qu’il est interdit au créancier d’accepter un intérêt de l’intermédiaire, si celui-ci amène des témoins pour prouver que le gage lui appartient, et que l’argent prêté était bien pour lui. Quant au mensonge dont l’emprunteur s’est ainsi rendu coupable, il me semble qu’on doit se montrer indulgent, car cet emprunteur se trouvait peut-être dans une situation précaire. En admettant même qu’un cas de force majeure ne puisse être une excuse pour un homme qui ment, le créancier ne doit pas se rendre coupable d’un crime égal, celui de prendre un intérêt interdit par la Bible.

90(o) Il me semble qu’il ne faut pas croire à la parole de l’intermédiaire, s’il ne donne une explication très claire de son mensonge.

91(p) Lorsqu’il n’y a pas de gage, et que le païen ne connaît que l’intermédiaire, on considère celui-ci comme s’il était le créancier, pour cette raison, il est interdit à l’intermédiaire de prendre, de son coreligionnaire, l’intérêt, pour l’apporter au païen.

92(r) Dans ce cas l’intermédiaire est simplement porteur de l’argent.

93(s) D’après la loi biblique, c’est le payement qui clôt l’affaire et rend impossible le désistement de l’un ou de Vautre contractant. Si l’objet n’a pas encore été payé, tous les deux sont libres d’annuler la vente ; mais si l’objet a été payé, lors même qu’il se trouverait encore entre les mains du vendeur, le marché est conclu, et ni l’un ni l’autre ne peuvent l’annuler.

94(8) Cet intérêt serait un intérêt direct. V. Taze, 29.

95(9) Il ne faut pas confondre cette loi avec la loi de l’article 7 du même chapitre, qui interdit à un Israélite de prêter de l’argent à intérêt à un païen, sur gage appartenant à un Israélite. Dans l’article 7, le créancier Israélite ignore si le païen emprunte de l’argent pour lui-même ou si c’est pour l’Israélite propriétaire du gage, le païen faisant une déclaration fausse pour obtenir l’emprunt, tandis qu’ici le créancier est certain que le païen emprunte pour lui-même, et le marché devient permis. V. Taze, 30.

96On ne doit pas confondre cette loi avec la loi de l’article 10, du même chapitre. Dans l’art.10, un Israélite a emprunté de l’argent sur gage à un païen, et celui-ci a pris le gage et est allé emprunter de l’argent à un Israélite ; le païen apparaît alors comme l’intermédiaire de son débiteur israélite, et si ce débiteur se présente chez le créancier du païen pour payer la somme que ce créancier a prêtée au païen, il est interdit au créancier d’accepter de l’Israélite l’intérêt de cette somme ; tandis qu’ici l’Israélite avait emprunté de l’argent sur gage à un païen depuis longtemps, et pour cette raison il est permis au créancier d’accepter de l’Israélite, débiteur du païen, l’intérêt de la somme qu’il a prêtée ; on peut croire en effet que le premier Israélite, propriétaire du gage, a vendu son gage au païen.

97(t) Parce que l’Israélite n’est que le remplaçant du païen.

98Car il est impossible d’admettre qu’un homme puisse se permettre de faire une chose contre la loi, lorsqu’il peut agir conformément à elle. V. Code pénal,§ 67, art. 33.

99(u) Cette loi est une exception à la loi générale qui dit : Lorsque de deux personnes qui paraissent devant la justice, l’une affirme qu’elle a donné telle chose, et Vautre dit seulement qu’elle ne sait pas ou qu’elle ne se rappelle pas, celle qui affirme l’emporte. (ברי ושמא. ברי עדיף) Or ici les juges ne donnent pas gain de cause à l’affirmation du débiteur, qui déclare avoir eu à verser un intérêt sans intermédiaire. C’est que le débiteur est aussi fautif, pour avoir donné un intérêt interdit, que le créancier pour l’avoir accepté ; et les juges ne peuvent pas ajouter foi à la parole d’un individu qui ne respecte pas la loi. Quand le créancier déclare qu’il ne se rappelle pas s’il a pris un intérêt, il y a doute. Pour lui arracher la vérité, les juges le forcent de prêter serment, car il y a des gens qui sont capables de mentir, mais qui ne prêteront cependant pas un faux serment.

100Il faut que le gage ait la valeur de l’argent que l’Israélite va emprunter au païen, et que le porteur du gage dise au créancier qu’il n’accepte aucune responsabilité de l’argent ; sinon il est interdit à l’Israélite d’emprunter au païen à intérêt. V. l’art.1er du même chapitre, Chach, 82.

101Car le porteur du gage n’est pas regardé comme un intermédiaire entre le créancier israélite et le débiteur païen. V. Chach, 83.

102(a) Si le débiteur ne veut pas tenir compte de l’intérêt que son garant a versé au païen pour lui, il peut le faire, parce que la justice ne peut pas dire : il faut donner un intérêt.

103(b) Car, si le païen ne paye pas sa dette, ce sera le garant qui l’endossera, et le créancier prendra alors un intérêt de son coreligionnaire, ce qui est interdit.

104(c) Il me semble que cette façon d’agir doit être également interdite ; car, si le païen se refuse à payer, le garant doit répondre, le créancier prend de toutes façons un intérêt de son coreligionnaire. Cette combinaison pourrait être bonne si un Israélite empruntait de l’argent à un païen ; car l’Israélite garant pourrait verser un intérêt à un païen, comme il a le droit d’en accepter un de lui.

105(a) L’emprunt a été fait conformément à la loi, car il est permis à un païen d’accepter un intérêt d’un Israélite ; il lui est également permis d’accepter après sa conversion, l’intérêt stipulé avant cette conversion, afin que le converti ne puisse pas se plaindre que la doctrine juive lui ait fait perdre le bénéfice sur lequel il comptait à bon droit. L’Israélite, de son côté, ne doit pas profiter de la loi, pour se débarrasser de l’intérêt qui avait été convenu entre lui et le païen. Il n’en est pas de même si le billet a été signé après la conversion, car du moment que le païen a embrassé la religion juive, il doit en suivre les prescriptions.

106(a) Voir la note (a) du § 163.

107(a’) À la condition d’emprunter de l’argent sur gage d’après l’usage assyrien, il faut en ajouter une autre que fauteur n’a pas dite : la responsabilité du gage n’incombe pas à son propriétaire. Si le champ est devenu stérile, ou la maison inhabitable, le créancier n’a aucun droit de s’adresser à son débiteur pour se faire rembourser l’argent prêté. Alors il est permis d’emprunter de l’argent, pour plusieurs années, sur une maison ou un champ ; le créancier peut profiter de la plus-value du gage comme il peut perdre par sa moins-value ; c’est une spéculation commerciale. Mais si le contrat ne contient pas la condition sus-indiquée, le créancier n’a point de risques, et l’acte correspond à un véritable emprunt à intérêt, ce qui doit être rigoureusement interdit.

108(b) Cette glose est plutôt une plaidoirie qu’une loi. Voir Code pénal,§ 72, art. 5.

109Mais il est interdit de poser cette condition au moment de l’emprunt.

110(c) Pour cette interdiction, voir la note (a’). Cependant, je pense qu’on peut considérer l’emprunt lui-même et le fait que le créancier paie son débiteur pour que celui-ci prenne la responsabilité du gage comme deux affaires séparées, la première étant un emprunt selon la loi, et la seconde une affaire d’assurances. Le débiteur serait l’assureur ; cette combinaison pourrait être permise. D’ailleurs, on peut croire que fauteur de l’article est de cet avis, puisqu’il dit (יש מי שאוסר) il y a un auteur qui défend la combinaison en question.

111(d) L’argent ayant été donné longtemps avant le gage, on considère le gage comme un dépôt du débiteur chez le créancier, et il est interdit au créancier d’en profiter.

112Cette interdiction s’applique au cas où le gage a plus de valeur que la somme prêtée. V. Taze, 10.

113(e) Bien qu’il n’y ait ici aucune apparence d’intérêt prélevé, un homme vertueux ne doit pas agir ainsi, car c’est contre la loi morale. Les mots « à lui de préférence » impliquent un profit. Le prêteur, même en payant la valeur exacte du gage, profite de son prêt, puisqu’on lui vend le gage, à lui, de préférence à un autre.

114(f) En principe, quand il y a emprunt d’argent sur gage, on regarde cet emprunt comme une vente, c’est-à-dire que le créancier peut profiter du gage jusqu’à ce que le débiteur rende la somme prêtée ; or le païen a emprunté de l’argent à rIsraélite sur gage ; ce gage appartient donc à l’Israélite jusqu’à ce que le païen lui rende la somme prêtée.

115(g) Cet arrangement est considéré comme une affaire commerciale.

116(h) Si la contribution incombant au propriétaire du champ est une certaine somme fixée, sans que l’Administration s’occupe de la production du champ, le propriétaire qui emprunte de l’argent à un autre Israélite, en lui donnant comme gage son champ, doit payer la contribution. Mais si la contribution est calculée d’après la production du champ (par exemple si le possesseur du champ doit donner le dixième de la production de ce champ), comme le vrai propriétaire n’est plus actuellement possesseur du champ, s’il payait cette contribution, cela constituerait un intérêt, puisque le créancier pourrait récolter sans payer en proportion.

117(i) Car il s’agit ici d’un gage d’après l’usage assyrien, qui permet au créancier de profiter de la production du gage, pendant qu’il l’a en sa possession. Si la maison, donnée comme gage, n’appartient pas au débiteur, cela ne regarde pas le créancier, et le débiteur doit rembourser le loyer que ce créancier a payé au propriétaire de la maison.

118(a) Il s’agit ici d’un objet dont le prix ne doit pas baisser un peu plus tard. Puisque le vendeur est riche et que l’objet ne perdra pas de sa valeur, il peut être indifférent au vendeur de le conserver. Cependant il faut considérer que le client, s’il avait pu payer comptant, aurait pu acheter à meilleur compte ; ce que le commerçant prendrait en plus serait donc comme un intérêt.

119(b) Si le prix de l’objet est variable, le commerçant peut penser que plus tard il aurait pu le vendre plus cher.

120(c) Voir la note (h) du § 160.

121Dans le cas où l’acheteur ne paye pas comptant. V. Taze, 2.

122(c’) Car au marché, les marchands veulent se débarrasser de leurs marchandises et les vendent moins cher, tandis que chez eux, ils peuvent prendre le prix normal.

123(d) Car l’escompte, offert par le marchand à son client ne provient pas de ce qu’il lui avait vendu sa marchandise, un peu plus que le prix normal, mais le marchand offre à son client un peu de son bénéfice, pour avoir de l’argent tout de suite, et pouvoir acheter d’autres marchandises sur lesquelles il pourra gagner davantage. :

124(e) La proposition du commerçant ayant été faite avant la conclusion du marché, on estime que c’est comme si le commerçant avait dit à son client : si vous voulez que j’attende le paiement, il me faut vous compter la marchandise plus chère ; et ce serait un intérêt pour avoir attendu de l’argent qui est dû, chose interdite.

125(f) Car ce n’est pas une question d’emprunt, mais une affaire commerciale.

126(g) Parce que c’est le gage qui garantit la somme et non le possesseur du gage.

127(h) Si par exemple quelqu’un possède un mandat de 300 francs pour un travail à fournir, il lui est interdit d’offrir ce mandat à une autre personne qui lui donnerait 200 francs tout de suite et toucherait le mandat de 300 francs plus tard après achèvement du travail.

128(i) Sans doute, l’auteur du Code veut dire qu’il est permis aux administrateurs de vendre le contrat en question, pour une somme inférieure à sa valeur nominale, parce que les administrés ont assumé la responsabilité de la dette.

129(j) On considère les lingots comme des marchandises ; alors cette combinaison prend la forme commerciale, et non celle d’un emprunt ; c’est pourquoi elle est permise.

130(k) Lorsque le vendeur n’est pas possesseur de l’article vendu, il est possible qu’à l’époque de la livraison il soit obligé d’acheter lui-même cet article plus cher qu’il ne l’avait estimé au moment de la vente ; le vendeur donnera ainsi un intérêt pour l’argent qu’il a reçu d’avance de l’acheteur. (Cet intérêt est la différence de prix de l’article, au moment de la vente et au moment de la livraison.)

131(l) C’est presque la même loi qu’on lit dans l’article premier de ce chapitre.

132(m) Lorsqu’il y a, comme ici, un risque naturel pour l’acheteur qui a avancé de l’argent, on regarde cette combinaison comme une opération commerciale.

133(n) Bien que le vigneron soit aussi responsable dans cette affaire, sa responsabilité est en réalité une simple garantie, afin qu’il livre du vin de bonne qualité ; car le bon vin ne s’abîme pas ; il se bonifie au contraire.

134(o) Car dans ce cas, il y aurait exploitation du cultivateur par le commerçant qui avance de rargent.

135(p) Le propriétaire de la marchandise doit payer à la personne qui est venue lui faire cette proposition tous les frais du voyage et de l’expédition de marchandise ; sinon, il semblerait prendre un intérêt par le fait d’attendre le paiement de la marchandise en question.

136(q) Car la peine que le vendeur se donne pour vendre la marchandise, il ne la prendra pas pour le propriétaire de cette marchandise, mais ce sera bien pour son propre compte, pour se procurer de l’argent.

137(r) Voyez la valeur du séla à la note (h) du § 160, la valeur de la séah à la note (a) du § 162.

138(r’) Car on ne doit pas demander service pour service ; un homme doit rendre service par humanité, ainsi que le prescrit le Lévitique, chapitre XXV, verset 35 « Quand ton semblable sera devenu pauvre et sa fortune chancelante, soutiens-le ainsi que l’étranger inconnu et l’étranger qui habite ta ville, et qu’il vive avec toi. »

139(s) V. la note (h) du §16.

140(s’) Bien qu’on puisse regarder cette combinaison comme une affaire d’assurances, elle est interdite, parce qu’on parle d’un emprunt, et que tout emprunt susceptible de rapporter un intérêt au prêteur est défendu.

141(t) La rédaction de la Glose : « D’aucuns permettent », implique qu’il y en a d’autres qui défendent l’opération. L’autorisation que donne la Glose est d’ailleurs bien vague ; le raisonnement manque de base ; les risques d’avarie ne me semblent pas suffisants pour permettre au prêteur de se considérer comme prenant part à un commerce. V. § 177.

142(u) C’est une affaire d’assurances, ce n’est ni une affaire d’emprunt, ni une opération commerciale.

143Il est question ici du cas où l’acheteur fait sa proposition à la fin de la conclusion du marché, mais s’il a fait cette conclusion avant la conclusion du marché, la vente est considérée comme nulle, et il est interdit à l’acheteur de profiter des produits du champ. V. Code pénal,§ 207.

144(a) C’est-à-dire que la vente est réputée réelle.

145(b) Quoique la réponse de l’intermédiaire soit bien vague, comme, aux yeux de la loi, l’intermédiaire remplace l’acheteur, si l’intermédiaire n’a pas protesté formellement contre la condition posée par le vendeur, la vente est nulle, et il est interdit à l’acheteur de profiter des produits du champ ; car on considère cette affaire comme un emprunt, dans lequel le champ aurait été le gage pour la somme avancée par l’acheteur.

146(c) Voir Talmud, traité Baba Metsia, page 65, b.

147(d) Car on comprend la parole du vendeur ainsi : le marché ne sera conclu qu’à partir du moment où l’acheteur lui aura remboursé toute la somme.

148(e) C’est-à-dire que l’acheteur ne peut pas profiter des produits du terrain, du moment que la vente est devenue douteuse.

149(f) Il ne faut pas confondre cette loi avec la loi de l’article 1er du même paragraphe ; ici le propriétaire ne rend pas au locataire la somme entière, mais il en déduit le loyer pour le temps où le champ a été occupé par le locataire.

150(a) Lorsque le produit a besoin d’une longue préparation, il est possible que le cultivateur ne puisse savoir à l’avance quel sera son prix de revient ; il peut donc perdre au moment de la livraison, s’il a fait son prix trop tôt.

151(b) V. Code pénal,§ 292.

152(c) V. § 162.

153Car l’acheteur peut avoir partout du blé à ce prix.

154(d) V. Code pénal,§§ 204 et 209, art. 6.

155L’intermédiaire est à l’abri du reproche, parce qu’il n’a pas fait l’affaire pour son compte ; le vendeur l’est aussi, parce qu’il peut dire : j’ai un mandataire pour améliorer mes affaires, et non pour les gâter.

156(a) Le khor valait 30 séahs, ou encore 10 éphahs ou baths (Ezéchiel, 45, 14, passage cité dans le dictionnaire hébreu-français de Sandér et Trénel, au mot כר). L’éphah représentait le volume de 432 œufs de poule moyens, soit environ 39 litres. (Wogue, Traduction du Pentateuque, Exode, p.157, n. 7). Le khor est la même mesure que le hômer (Ezéchiel, loc. cit.). Il résulte de là que : un khor = 390 litres environ, une séah = 13 litres environ.

157(b) Car cette combinaison est considérée comme un emprunt véritable, et le bénéfice que le propriétaire offre à son locataire sera un intérêt direct.

158Dans le cas où le prix de la location serait payable à la fin du terme, si le propriétaire prenait un séla par mois pour la location de son champ, ce ne serait pas parce qu’il attend le paiement, puisque le locataire ne doit pas le payer avant le terme ; quant à la location laissée pour 10 sélas, lorsque le locataire paie d’avance pour l’année, elle est considérée comme une complaisance du propriétaire qui fait sa location un peu moins chère. La même explication est valable pour le cas d’un employé.

159(c) Le dinar vaut le quart d’un séla (voir p. 32 note h).

160(a) V. Code pénal, la loi concernant le gardien salarié.

161(b) On comprend pourquoi l’auteur du Code interdit au capitaliste d’accepter du commerçant une somme fixée pour sa part de bénéfices ; c’est que le commerçant ignore lui-même s’il y aura bénéfice ; il y a donc apparence d’intérêt.

Mais ce raisonnement môme ne nous donne-t-il pas le droit d’en faire un autre rendant la combinaison permise : le commerçant qui ignore combien il gagnera, achète la part de bénéfices de son bailleur de fonds pour une somme fixée, dans l’espoir de gagner ainsi davantage, d’autant plus que le capitaliste prend toute responsabilité de l’argent ; pourquoi une opération pareille ne serait-elle pas permise ?

162(c) Pourquoi croit-on l’orphelin ? S’il s’agit d’un orphelin majeur, pourquoi serait-il autrement traité que tout le monde ? Car dans un cas pareil, on ne croit pas celui qui nie une dette, sans qu’il prête serment. Et s’il est question ici d’un orphelin mineur, il est inutile qu’il nie la déclaration de son débiteur, puisque la justice ne peut pas accepter une déclaration dirigée contre un orphelin mineur. Pour comprendre, il faut nous reporter à cette loi générale dans le Code pénal : המוציא מחברו עליו הראיה « quand un homme déclare devant la justice qu’un autre lui doit de l’argent, et que l’autre le nie, c’est celui qui porte plainte qui doit faire la preuve ». Or le débiteur réclame, de l’orphelin, le prix de sa nourriture, et l’orphelin lui oppose un démenti ; c’est le débiteur qui est considéré comme plaignant, il doit prouver, et pour cette raison, on croit à la parole de l’orphelin sans serment. D’un autre côté, nous sommes obligés, de par la loi morale, de soutenir les orphelins ; alors, en admettant que le débiteur ait nourri l’orphelin, la justice peut le féliciter de sa bonne action, mais ne lui doit pas d’argent.

163(d) On fait ici jurer, contrairement à la règle, la personne qui nie, parce qu’on ne l’estime plus, dès lors qu’elle prétend avoir emprunté à intérêt direct, chose défendue par la loi.

164(d’)La pechitah semble être identique à la peroutah (note n’ du § 160) ; car les lettres רet שse remplacent parfois.

165(d”) Voir la note (h) du § 16.

166(e) La différence reçue par le client est un dommage-intérêt.

167(f) Les héritiers peuvent ignorer les conditions qui ont été faites entre le défunt et le commerçant ; peut-être, en cas de perte, le capitaliste devrait-il subir une moitié du dommage ; or, les héritiers pouvant réclamer, comme prêtée, la somme entière, sans se préoccuper du dommage, ils auraient un intérêt de ce fait.

168(g) On n’annule pas le contrat pour ce défaut de forme (que met en évidence la suite de l’article) parce que, les deux intéressés étant des hommes vertueux, on considère ce manquement comme un oubli.

169(h) Car on ne peut pas, a priori, supposer un oubli chez des hommes dont la moralité n’est pas certaine ; on regarde alors le contrat comme conçu en vue de prendre un intérêt par un moyen détourné.

170(i) Prenons un exemple simple. On a fait la convention de partager le bénéfice par moitié ; si le bénéfice est de 240 francs, (nous avons choisi à dessein une monnaie actuelle), le commerçant prendra 120 francs ; mais s’il y a perte de 240 francs, le commerçant ne devra supporter que les deux tiers de la demi-perte, soit 80 francs de perte. De même, s’il avait été convenu que le commerçant ne prendrait qu’un quart du bénéfice, son bénéfice serait 60 francs, et en cas de perte de 240 francs, il ne devra supporter, de la perte, que les deux tiers de 60, soit 40 francs ; s’il a été convenu que le commerçant prendra trois quarts des bénéfices, sa part de bénéfice sera 180 francs, et, en cas de perte, il perdra les deux tiers de 180, soit 120 francs. Voyons maintenant le cas où l’on a parlé, dans le contrat, de la perte, et non du bénéfice. Quand il est dit, dans le contrat, que le commerçant devra subir une moitié de la perte, s’il y a 240 francs de perte, le commerçant devra perdre 120 francs ; mais en cas de bénéfice, le commerçant prendra deux tiers du bénéfice total, soit 160 francs;si, d’après le contrat, le capitaliste devait subir trois quarts de la perte, il perdrait 180 francs ; et en cas de bénéfice, le commerçant prendrait les deux tiers de 180 francs pour un bénéfice de 240 francs, soit 120 francs ; qui est la moitié du bénéfice total. En résumé, la loi veut que le commerçant ait moins de risque dans l’affaire que le capitaliste ; sans quoi le capitaliste recevrait un véritable intérêt, qui serait le travail du commerçant.

171(j) Puisque le commerçant n’avait pas moins de risque que le capitaliste, il faut le payer de son travail, comme un simple ouvrier.

172(k) Le commerçant, autrement dit, doit donner au capitaliste une part de son propre bénéfice, comme si ce bénéfice provenait de la marchandise à lui confiée par le capitaliste ; car le commerçant n’a pu réaliser le bénéfice en question que grâce au magasin et aux marchandises à lui confiés par le capitaliste.

173(l) V. Talmud, traité Baba Metsia, p.105, l’explication de Rové : « le capitaliste peut dire au commerçant : vous ne m’avez rien dit de la perte au moment voulu, de peur que je ne vous réponde : on ne doit pas vous confier d’argent, parce que vous êtes un mauvais commerçant ; puisque vous avez voulu profiter de votre silence, je le veux aussi en ne tenant pas compte de ce que vous me dites maintenant ».

174(m) Car il peut y avoir plus de chance de réussir, si deux personnes travaillent ensemble, et le capitaliste avait confié ses fonds aux deux commerçants associés, et non pas à l’un d’eux.

175(n) V. Code pénal,§ 333.

176(o) Lorsque le commerçant achète deux sortes de produits agricoles, l’un pour son propre compte et Vautre pour le compte du capitaliste, il est possible que le commerçant s’intéresse plus à son affaire à lui qu’à celle de son mandataire.

177(p) Car les vêtements et les ustensiles ne sont pas des produits agricoles.

178(q) Il ne faut pas confondre cette loi avec celle de l’art. 29, car l’art. 29 vise un magasin où le commerçant est occupé toute la journée, tandis qu’ici il est question d’un marchand qui fait la place. Ce marchand devra vendre les deux espèces de produits séparément, car il pourrait s’être approvisionné pour son propre compte, d’une marchandise de qualité inférieure et l’écouler avec la marchandise provenant des fonds du capitaliste, laquelle serait d’une qualité supérieure.

Rituel du judaïsme. Traduit pour la première fois sur l’original chaldéo-rabbinique et accompagné de notes et remarques de tous les commentateurs, par M. A. Neviasky.  Neuvième traité : Des prêts à intérêt. Paris, 1911. [Version numérisée : archive.org].

 

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