Tafsir Rasag | תפסיר רס »ג
Introduction de l’édition française du Tafsir Rasag sur la Torah
Joseph Derenbourg (1893)
Une édition complète des œuvres de Saadia m’a paru depuis longtemps un hommage mérité par le plus éminent docteur dont se glorifie le judaïsme. Saadia embrassait toutes les branches des sciences qui florissaient à son époque. Il était à la fois grammairien et exégète, philosophe et théologien, mathématicien et astrologue, talmudiste et poète. Il avait sans doute, comme tous les savants de son temps, étudié la médecine, mais sur cette discipline il ne nous a laissé aucun travail. Le caractère de Saadia était à la hauteur de sa science. Il était ferme et indépendant et aucune intimidation de ses supérieurs ne le faisait dévier du chemin droit que sa conscience lui avait tracé.
Né à Dalàs, en Égypte, en 892, Saadia vint de bonne heure s’établir à Fayyoûm et mourut à Soura, en, Irak, dans l’année 942, à l’âge de cinquante ans. Si l’on considère les luttes continuelles qu’il eut à soutenir, soit dans l’intérêt de ses croyances contre les Karaïtes et contre les hérétiques qui menaçaient l’unité du judaïsme, soit pour la défense de sa dignité personnelle contre le Chef de la captivité (Rêsch-Galouta) qui cherchait à abaisser les fonctions de Gaôn, on est surpris du nombre considérable d’ouvrages qu’il nous a laissés et dont une partie est restée inédite dans les bibliothèques de l’Europe.
Dès l’année 1885, je me suis adressé aux savants israélites, versés dans les études orientales et rabbiniques, afin qu’ils unissent leurs efforts aux miens pour la publication des œuvres du Gaôn et pour que s’élevât ainsi surtout à l’occasion de son millénaire, un monument durable et digne du grand docteur dont il devait porter le nom. J’ai rencontré de l’empressement chez les uns, de la tiédeur chez les autres, mais néanmoins les encouragements ne m’ont pas manqué, et je me suis décidé à me mettre à l’œuvre avec les quelques collaborateurs qui m’avaient assuré de leur concours. Aujourd’hui je mets sous les yeux des lecteurs le premier volume qui contient la version arabe du Pentateuque, revue et corrigée d’après les meilleurs textes dont j’aie pu disposer. Un manuscrit appartenant à un Yéménite établi à Jérusalem, M. David Kohen, m’a servi pour rectifier un grand nombre d’erreurs qui s’étaient glissées dans l’édition de Constantinople et surtout dans la Polyglotte, où la transcription des caractères hébraïques en caractères arabes a été la cause d’une infinité de bévues et de contresens. Le texte arabe a été accompagné de notes hébraïques qui doivent expliquer aux lecteurs moins initiés à l’idiome arabe, l’exégèse originale et souvent ingénieuse du Gaôn. J’ai, dans la rédaction de ces notes, essayé d’être aussi concis que possible, et souvent il m’a suffi de renvoyer à d’antres commentateurs anciens qui reproduisaient l’opinion de Saadia, tantôt en le nommant, tantôt en omettant la mention de la source où ils avaient puisé.
J’ai tenu à faire connaître également la méthode originale de Saadia dans sa version aux amateurs des études bibliques, qui auraient été hors d’état de comprendre mes notes. C’est pour eux que j’ai ajouté un certain nombre de fragments français à la fin du volume. J’ai traduit littéralement la version arabe de Saadia, en choisissant surtout les morceaux poétiques comme les bénédictions de Jacob et de Moïse, les cantiques du passage de la mer Rouge, etc., etc. Il parait superflu d’insister ici davantage sur les procédés du Gaôn en cette matière, puisque, dans un volume de notre publication, un mémoire spécial sera consacré à l’exégèse de notre auteur.
Ce volume, pour coïncider avec le millénaire de Saadia, aurait dû paraître quelques mois plus tôt ; en revanche nous espérons pouvoir terminer dans le courant de 1893 l’édition des Proverbes, celle d’Isaïe, ainsi que celle du Traité des Héritages.
Joseph Derenbourg,
Paris, avril 1893.
Version arabe du Pentateuque, dans : Œuvres complètes de R. Saadia ben Iosef al-Fayyoûmî, publiées sous la direction de J. Derenbourg. Volume Premier. Paris : E. Leroux, 1893, p.v-vii. [Version numérisée : archive.org].