Tafsir Rasag | תפסיר רס »ג
Version arabe de Job (chapitres 1-10)
Traduction Joseph Derenbourg dir. (1893-1899)
En noir, traduction française du texte hébraïque par le Rabbinat français. En vert, traduction française du Tafsir de R. Saadia Gaon éditée par Joseph Derenbourg.
Sommaire
ToggleChapitre 1
Il y avait dans le pays d’Ouç un homme du nom de Job ; cet homme était intègre et droit, craignant Dieu et évitant le mal.
Il y avait dans le pays d’Ous un homme dont le nom était Job. Cet homme était intègre, droit, craignant Dieu, s’éloignant du mal.
Il lui était né sept fils et trois filles.
Il lui naquit sept fils et trois filles.
Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses et de très nombreux gens de service. Et cet homme était le plus considérable de tous les habitants de l’Orient.
Son bétail comprenait sept mille têtes de moutons, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses, avec un très grand nombre de serviteurs, et cet homme était plus puissant que tous les fils de l’Orient.
Ses fils avaient coutume d’organiser un festin dans la maison de chacun d’eux à tour de rôle ; ils faisaient aussi convier leurs trois sœurs à manger et à boire avec eux.
Ses fils allaient et organisaient un festin chaque jour chez l’un d’eux ; et ils envoyaient inviter leurs trois sœurs à manger et à boire avec eux.
Et lorsque le cycle de ces jours de festin était révolu, Job envoyait chercher ses fils pour les purifier ; il se levait de grand matin et offrait un holocauste pour chacun d’eux, car Job se disait : « Peut-être mes enfants auront-ils commis quelque péché et renié Dieu en leur cœur. » C’est ainsi qu’agissait Job en tout temps.
Chaque fois que les jours des festins étaient terminés, Job envoyait purifier ses fils : il se levait de bon matin et offrait des holocaustes selon leur nombre à tous, car il disait : « Peut-être que mes fils ont péché et ont blasphémé contre Dieu dans leurs âmes. » Ainsi faisait Job de tout temps.
Or, un jour les fils de Dieu vinrent se présenter devant l’Éternel, et le Satan, lui aussi, vint au milieu d’eux.
Un jour que les amis de Dieu étaient venus se placer devant lui, l’adversaire de Job se présenta avec eus.
L’Éternel dit au Satan : « D’où viens-tu ? » Le Satan répondit au Seigneur et dit : « J’ai visité la terre et l’ai parcourue en tous sens. »
Dieu lui dit alors pour entrer en matière : « D’où viens-tu ? » Il répondit et dit : « De faire une tournée dans ce pays et de m’y promener. »
L’Éternel demanda au Satan : « As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Certes, il n’a point son pareil sur la terre, tellement il est un homme intègre et droit, craignant Dieu et évitant le mal. »
Et Dieu lui dit : « As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job, car il n’y a pas dans le pays d’homme comme lui, intègre, droit, craignant Dieu, s’éloignant du mal. »
Le Satan répliqua au Seigneur et dit : « Est-ce donc gratuitement que Job craint Dieu ?
Il répondit : « Est-ce gratuitement que Job craint son Maître ?
N’as-tu pas élevé comme une haie tutélaire autour de lui, de sa maison et de tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l’œuvre de ses mains, et ses troupeaux se répandent dans le pays.
Ne l’as-tu pas protégé, lui, sa famille et tout ce qui lui appartient ? N’as-tu pas veillé sur lui et ne l’as-tu pas béni dans l’œuvre de ses mains ? Ne s’est-il pas enrichi dans le pays par son bétail ?
Or ça, étends une fois ta main et touche tout ce qui est à lui ; tu verras s’il ne te reniera pas en face. »
Mais étends ta main et touche à l’un de ses biens, (et vois) s’il ne te fera pas de reproches et s’il ne te reniera pas. »
L’Éternel répondit au Satan : « Eh bien ! Tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir ; seulement, tu ne le toucheras pas lui-même. » Et le Satan se retira de devant la face de l’Éternel.
Dieu lui répondit : « Voici tout ce qui lui appartient livré à ta volonté, seulement n’exerce pas ta volonté contre lui-même. Ensuite l’adversaire sortit de devant Dieu.
Un jour donc que les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné,
Or, un jour que ses fils et ses filles mangeaient de la nourriture et buvaient du vin dans la demeure de leur frère aîné,
un messager aborda Job et lui dit : « Les bœufs étaient en train de labourer et les ânesses paissaient à côté d’eux,
voici qu’un messager vint trouver Job et lui dit : « Les bœufs étaient occupés à labourer et les ânesses paissaient à côté d’eux,
quand les Sabéens ont fait irruption et les ont enlevés ; quant aux esclaves, ils les ont passés au fil de l’épée ; moi seul j’ai pu m’échapper et te l’annoncer. »
quand des Sabéens fondirent sur eux, les enlevèrent, tuèrent les gardiens par l’épée. Seul j’ai échappé pour te l’annoncer. »
Il n’avait pas achevé de parler qu’un autre survient et dit : « Un feu de Dieu est tombé du ciel, embrasant les brebis et les esclaves, et a tout consumé. Moi seul j’ai pu m’échapper et te l’annoncer. »
Il parlait encore, lorsqu’un autre arriva et dit : « Un feu est tombé du ciel, a incendié les troupeaux et les gardiens et les a consumés. Seul j’ai échappé pour te l’annoncer. »
Il parlait encore qu’un autre arrive et dit : « Des Chaldéens, ayant formé trois bandes, se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés ; quant aux esclaves, ils les ont passés au fil de l’épée. Moi seul j’ai pu m’échapper et te l’annoncer. »
Il parlait encore, qu’un autre arriva et dit : « Les Chaldéens ont formé trois bandes, se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés ; ils ont tué les gardiens par l’épée. Seul j’ai échappé pour te l’annoncer. »
Il n’avait pas fini de parler qu’un autre survient et dit : « Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient dans la maison de leur frère aîné,
Pendant qu’il parlait, un autre arriva et dit : « Tes fils et tes filles prenaient de la nourriture et buvaient du vin chez leur frère aîné ;
et voilà qu’un vent violent, venant de l’autre côté du désert, a ébranlé les quatre angles de la maison ; elle s’est écroulée sur les jeunes gens, et ils ont péri. Moi seul, j’ai pu m’échapper et te l’annoncer. »
voilà qu’un grand vent est survenu du côté du désert, il a atteint les quatre coins de la maison, qui s’est écroulée sur les jeunes gens et les a tués. Seul j’ai échappé pour te l’annoncer. »
Job se leva, déchira sa tunique, se rasa la tête, se jeta à terre et resta prosterné.
Job se leva, déchira son manteau, coupa des cheveux de sa tête et se jeta à terre en se prosternant.
Il dit : « Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y rentrerai1. L’Éternel avait donné, l’Éternel a repris, que le nom de l’Éternel soit béni ! »
Puis il dit : « Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu je retournerai au tombeau. Dieu a donné et Dieu a pris ; que le nom de Dieu soit béni ! »
En dépit de tout, Job ne faillit point et n’imputa pas d’injustice à Dieu.
Après tous ces événements, Job ne pécha point et ne proféra aucun blasphème contre son Maître.
Chapitre 2
Or, le jour arriva où les fils de Dieu vinrent se présenter devant l’Éternel. Le Satan lui aussi vint au milieu d’eux pour se présenter à l’Éternel.
Un jour que les amis de Dieu étaient venus se placer devant lui, l’adversaire se présenta avec eux.
L’Éternel dit au Satan : « D’où viens-tu ? » Le Satan répondit : « J’ai visité la terre et l’ai parcourue en tous sens. »
Dieu lui dit alors : « D’où viens-tu ? » Il répondit et dit : « De faire une tournée dans ce pays et de m’y promener. »
L’Éternel demanda au Satan : « As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Certes, il n’a point son pareil sur la terre, tellement il est un homme intègre et droit, craignant Dieu et évitant le mal. Il persiste encore dans sa piété, bien que tu m’aies incité à le ruiner sans motif. »
Et Dieu lui dit : « As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Car il n’y a pas dans le pays d’homme comme lui, intègre, droit, craignant Dieu et s’éloignant du mal. Il persévère toujours dans sa piété, et tu m’as demandé de consentir à le ruiner sans raison. »
Le Satan répliqua à l’Éternel en disant : « Peau pour peau !2 Tout ce que possède l’homme, il le donne pour sauver sa vie.
L’adversaire répondit : « De même que pour l’homme un membre vaut un membre, de même il donne tout son bien pour sa propre personne ;
Or çà, étends donc ta main et atteins-le dans ses os et dans sa chair : [tu verras] s’il ne te reniera pas en face. »
mais étends ta main et touche à une partie de ses os ou de sa chair, (et vois) s’il ne te fera pas de reproches et ne te reniera pas. »
L’Éternel répondit au Satan : « Eh bien ! Il est en ton pouvoir ; seulement respecte sa vie. »
Dieu lui dit : « Le voici livré à ta volonté ; mais quant à sa vie, respecte-la.
Le Satan se retira d’auprès de l’Éternel, et il frappa Job d’une lèpre maligne depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.
Lorsque l’adversaire sortit de devant Dieu, Dieu frappa Job d’une lèpre maligne depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tète.
Job prit un tesson pour se gratter, tandis qu’il était assis dans la cendre.
Et Job se prit un tesson pour s’en gratter, tandis qu’il était assis sur la cendre.
Sa femme lui dit : « Persévères-tu encore dans ta piété ? Renie Dieu et meurs ».
Alors sa femme lui dit : « Tu persévères dans ta piété ! Renie Dieu et meurs ! »
Il lui répondit : « Tu parles comme ferait une femme aux sentiments bas. Quoi ! Le bien nous l’acceptons de la main de Dieu, et le mal, nous ne l’accepterions pas ! » En dépit de tout, Job ne pécha pas avec ses lèvres.
Il lui dit : « Eh quoi ! tu parles comme une femme sotte. Devons-nous accepter le bien de notre Maître et ne pas accepter le mal ? » En toutes ces affaires Job ne pécha point, même en paroles.
Les trois amis de Job, ayant appris tous ces revers qui avaient fondu sur lui, vinrent chacun du lieu de sa résidence, Eliphaz de Têmân, Bildad de Chouha et Çophar de Naama ; ils se concertèrent ensemble pour aller lui apporter leurs condoléances et leurs consolations.
Lorsque les trois amis de Job apprirent que cette épreuve l’avait atteint, chacun d’eux partit de l’endroit où il était, Eliphaz le Témanite, Bildad le Schouhite, Sophar le Naamatite, et ils convinrent tous trois de venir s’affliger sur lui et le consoler.
De loin, ils levèrent les yeux et eurent peine à le reconnaître. Aussitôt ils élevèrent la voix et se mirent à pleurer ; ils déchirèrent tous trois leur tunique et lancèrent en l’air de la poussière qui retomba sur leur tête.
Ayant dirigé les yeux de loin vers lui et ne l’ayant pas reconnu, ils élevèrent la voix et pleurèrent. Chacun déchira son manteau et ils jetèrent la poussière sur leurs têtes, en la lançant en l’air.
Durant sept jours et sept nuits, ils restèrent avec lui, assis à terre personne n’osait lui adresser la parole, car ils voyaient combien la douleur était accablante :
Ils s’assirent avec lui par terre pendant sept jours et sept nuits, et aucun d’eux ne lui adressa une seule parole, parce qu’ils avaient vu que sa souffrance était très grande.
Chapitre 3
Après cela, Job ouvrit la bouche et maudit le jour de sa naissance.
Ensuite Job ouvrit la bouche et maudit sa destinée.
Job prit la parole et dit :
Job commença donc et dit :
Périsse le jour où je suis né, la nuit qui a dit : « Un homme a été conçu ! »
Que le jour où je suis né disparaisse du souvenir par mon anéantissement, ainsi que la nuit où il fut dit : Il est né un homme.
Que ce jour-là ne soit que ténèbres ! Que Dieu ne daigne s’y intéresser du haut de sa demeure, et qu’aucune lueur ne l’éclaire !
Que ce jour soit ténèbres, que Dieu ne le recherche pas d’en haut ; que l’astre lumineux ne paraisse pas sur lui !
Que l’obscurité et l’ombre de la mort le revendiquent comme leur, qu’une épaisse nuée pèse sur lui, et que des éclipses de soleil en fassent un objet d’épouvante !
Que les ténèbres et l’obscurité le revendiquent, qu’un nuage y demeure et qu’une sorte de vent brûlant l’atteigne !
Cette nuit-là, que de profondes ténèbres s’en saisissent, qu’elle ne prenne pas rang parmi les jours de l’année et n’entre pas dans le compte des mois !
Que cette nuit reste sombre, qu’elle ne soit pas réunie aux jours de Tannée et qu’elle n’entre pas dans le compte des mois !
Oui, que cette nuit-là soit condamnée à la solitude, et que nul chant ne s’y élève !
Parce que c’était une nuit sinistre, qu’il n’y arrive aucun chant !
Puisse-t-elle être exécrée par ceux qui maudissent le jour et possèdent le secret d’éveiller le Léviathan3 !
Elle sera insultée par ceux qui maudissent leur destinée, qui sont préparés à exhaler leur tristesse.
Que les étoiles de son aube matinale demeurent obscures, qu’elle attende vainement la lumière et ne voie point s’ouvrir les paupières de l’aurore,
Que les étoiles de son matin soient obscurcies, qu’on y espère la lumière sans qu’elle vienne et qu’on n’y voie pas les lueurs de l’aurore !
pour n’avoir pas tenu closes les portes du sein qui m’avait conçu et caché la misère à mes regards !
Car si les battants du sein maternel avaient été fermés sur moi, l’affliction m’aurait été épargnée.
Que ne suis-je mort dès le sein de ma mère ? Que n’ai-je rendu le dernier soupir en me détachant de ses flancs ?
Plût à Dieu que je fusse mort dans le sein de ma mère ou que j’eusse expiré au moment où j’en sortis I
Pourquoi deux genoux m’ont-ils recueilli ? À quoi bon des mamelles pour m’allaiter ?
A quoi a servi que les genoux m’aient reçu et que j’aie été allaité par les mamelles ?
À présent je serais couché dans une paix profonde, je dormirais et jouirais du repos,
Si maintenant j’étais mort, je serais tranquille et si j’avais expiré, je serais en repos,
en compagnie des rois et des arbitres de la terre, qui se bâtissent des monuments destinés à la ruine,
avec les rois et les ministres de la terre qui y ont rebâti bien des ruines,
ou bien des grands qui ont possédé de l’or et rempli d’argent leurs maisons.
avec des chefs qui possédaient l’or, et qui ont rempli d’argent leurs maisons ;
Ou encore, que n’ai-je été comme l’avorton qu’on, enfouit, comme ces petits enfants qui n’ont pas aperçu la lumière ?
ou plût à Dieu que j’eusse été comme un avorton enseveli ou comme des enfants qui n’ont pas vu la lumière !
Là4, les méchants mettent un terme à leur violence, là ; se reposent ceux dont les forces sont à bout.
Là, les méchants ont cessé leurs méfaits et là reposent les hommes fatigués.
Là aussi, les captifs sont en paix, sans plus entendre la voix d’un maître despotique.
Là, tous les captifs ont trouvé la tranquillité et n’ont plus entendu la voix d’un geôlier.
Petits et grands y sont confondus, et l’esclave est libéré de son maître.
Le petit et le grand sont là, et l’esclave y est affranchi de son maître.
Pourquoi octroie-t-on la lumière au misérable, et la vie à ceux dont l’âme est pleine d’amertume,
Pourquoi (Dieu) donne-t-il la lumière aux malheureux et la vie à ceux dont les âmes sont pleines d’amertume,
qui appellent de leurs vœux la mort, qui les fuit, et la cherchent plus avidement que des trésors,
qui attendent la mort sans qu’elle vienne et qui creusent pour elle des fosses,
qui ressentent des transports de joie et sont dans l’allégresse, dès qu’ils obtiennent une tombe ;
qui, dans leur tristesse, se réjouissent et jubilent lorsqu’ils trouvent la tombe ?
à l’homme enfin dont la destinée est voilée et que Dieu a confiné comme dans un enclos ?
(Qu’il les donne) à l’homme dont les affaires sont fermées (au malheur) et entourées par Dieu comme d’une haie !
Aussi bien, je ne mange pas un morceau de pain que mes sanglots n’éclatent, et que mes plaintes ne se répandent comme l’eau.
Certes, avant démanger viennent mes soupirs, et lorsque je bois, mon rugissement éclate.
C’est que tout malheur dont j’avais peur fond sur moi ; ce que je redoutais vient m’assaillir.
Ce que j’avais redouté m’est arrivé et ce dont je m’étais gardé m’a atteint,
Je ne connais plus ni paix, ni sécurité, ni repos : les tourments m’ont envahi.
Il me semble n’avoir eu ni consolation, ni repos, ni tranquillité, lorsque le malheur est arrivé..
Chapitre 4
Eliphaz de Têmân prit la parole et dit :
Alors Eliphaz le Thémanite répondit en disant :
Si l’on essaie de te répliquer, tu en seras peut-être contrarié ; mais qui peut contenir ses paroles ?
Es-tu impuissant devant l’épreuve au point de dire : « Qui pourrait retenir ses paroles ? »
Certes, tu as fait la leçon à bien des gens ; des bras qui tombaient de lassitude, tu les fortifiais.
Voici que tu corrigeais bien des hommes et que tu fortifiais les mains relâchées ;
Tes paroles relevaient celui qui trébuchait, les genoux qui chancelaient, tu les raffermissais.
ta parole relevait celui qui chancelait et tu raffermissais les genoux vacillants ;
Et maintenant que le malheur te visite, tu te décourages ; il met la main sur toi, et tu es consterné !
et maintenant, lorsque des événements semblables te surviennent, tu faiblis et, lorsqu’ils t’atteignent, tu restes stupéfait.
Ta piété n’est-elle pas pour te donner confiance ? L’intégrité de ta conduite n’est-elle pas ton espoir ?
Ta piété ne fait-elle pas ta confiance ? Ton espérance n’est-elle pas dans l’intégrité de ta conduite ?
Songes-y donc : est-il un innocent qui ait succombé ? Où est-il arrivé que des justes aient péri ?
Rappelle-nous donc maintenant si jamais un innocent a péri, si des justes ont été exterminés,
Pour moi, j’ai observé ce fait : ceux qui cultivent l’iniquité et sèment le mal les récoltent.
comme nous avons vu ceux qui préparent l’iniquité et qui sèment l’erreur en recueillir la moisson.
Un souffle de Dieu les fait périr, le vent de sa colère les anéantit.
Parle courroux de Dieu ils périssent et par le souffle de sa colère ils sont anéantis,
Que le lion rugisse, que le fauve pousse des hurlements : les dents du lionceau sont brisées.
ou bien par le rugissement d’un lion et la voix d’un lionceau, par les dents des lions qui les mordent,
La bête féroce périt, faute de proie, et les petits de la lionne sont dispersés.
par (l’attaque) d’un lion mourant faute de proie et des petits de la lionne qui se répandent contre eux,
Quant à moi, il m’est venu une révélation furtive : mon oreille en saisit un léger murmure.
Chez moi une parole a été recueillie, et mon ouïe en a perçu quelque chose,
Ce fut dans le flot de pensées qu’apportent les visions nocturnes, alors qu’un lourd sommeil pèse sur les hommes.
un fantôme m’étant apparu dans une vision nocturne, au moment où le sommeil profond tombe sur les hommes/
Je me sentis envahi par la terreur et le frisson ; tous mes os en frémirent de peur.
Alors une terreur et un tremblement me saisirent et la plupart de mes os en furent affaiblis.
Un souffle effleura ma face, et les poils se hérissèrent sur ma chair.
Un souffle passait sur ma face et faisait dresser le poil de mon corps.
Une figure, dont les traits m’étaient inconnus, se tint là sous mes yeux, et j’entendis le faible son d’une voix :
Le fantôme s’arrêtait et je ne reconnaissais pas ses traits ; c’était une image devant mes yeux, je gardais le silence et j’entendais sa voix :
« L’homme [me fut-il dit] peut-il être juste devant Dieu ? Le mortel peut-il être pur au gré de son Créateur ?
« L’homme serait-il plus juste que Dieu ? Le mortel serait-il plus pur que son Créateur ? »
Mais il ne se fie même pas à ses serviteurs ; jusque dans ses anges il constate des défaillances !
Certes, Dieu n’accorde pas sa confiance à ceux qu’il approche de lui, et à ses anges il ne donne pas d’éclat.
Que sera-ce des hommes, habitants de maisons d’argile, qui ont leurs fondements dans la poussière, et qu’on foule aux pieds comme un ver ?
À plus forte raison les habitants de maisons d’argile, eux qui ont leurs fondations dans la poussière, seront-ils broyés devant les constellations,
Du matin au soir, ils se trouvent écrasés ; sans qu’on y fasse attention, ils périssent à jamais.
eux qui entre leur matin et leur soir sont brisés et qui périssent sans arriver jusqu’au bout.
Ah ! Le fil qui les soutenait est rompu : ils meurent, sans avoir acquis la sagesse !
Leur supériorité a été emportée avec eux et parfois ils meurent autrement que par la sagesse de la nature.
Chapitre 5
Appelle donc ! Est-il quelqu’un qui te répondra ? Vers lequel des Saints te tourneras-tu ?
Ô toi ! appelle ! trouveras-tu quelqu’un qui réponde à ta parole ? À quels élus t’adresseras-tu pour cela ?
Certes, c’est sa mauvaise humeur qui tue l’insensé, c’est son dépit qui fait mourir le sot.
Mais c’est le sot que tue la douleur et c’est l’homme déçu que le châtiment fait mourir.
J’ai vu, moi, l’insensé prendre racine, mais aussitôt j’ai maudit sa demeure :
Et moi j’ai vu un sot pousser des racines, et, soudain, j’ai pénétré dans sa demeure ;
« Que ses fils soient éloignés de tout secours, qu’ils soient écrasés à la Porte, sans personne pour les sauver !
et voici que sa destinée était que ses enfants fussent écartés du salut et abaissés dans les cités sans que personne les sauvât.
Que l’affamé dévore sa récolte en l’enlevant jusque derrière les haies d’épines, que le besogneux happe ses richesses ! »
Quant à lui, il mange son blé, étant affamé, et le prend d’entre les ronces, la soif ayant épuisé sa force.
Car ce n’est pas du sol que sort le malheur, ce n’est pas de la terre que germe la douleur.
Car rien ne sort de la terre par iniquité et rien ne germe du sol par tromperie,
Mais l’homme est né pour la douleur, tout comme les étincelles enflammées s’élèvent haut dans l’air.
parce que l’homme est né pour pratiquer la piété. Or, tu vois ceux qui méritent le châtiment du feu élever haut leur vol ;
Toutefois, moi, je m’adresserais au Tout-Puissant, j’exposerais ma cause à Dieu.
mais moi, j’implorerai le Tout-Puissant et j’adresserai ma parole à Dieu,
Il accomplit de grandes choses en nombre infini, des merveilles qui ne peuvent se compter.
qui fait de grandes choses sans fin et des merveilles sans nombre,
Il répand la pluie à la surface de la terre et lance des cours d’eaux dans les plaines.
qui fait descendre la pluie sur la face de la terre et qui envoie l’eau sur la face des plaines ;
Il met sur les hauteurs ceux qui étaient abaissés, et ceux qui étaient dans une noire tristesse se relèvent par son secours.
qui relève ainsi les abaissés et protège les faibles par son secours ;
Il fait échouer les projets des gens de ruse : leurs mains n’exécutent rien qui vaille.
qui rompt les desseins des perfides, afin que leurs mains n’atteignent pas ce à quoi ils appliquent leur doctrine ;
Il prend les malins dans leurs propres artifices et ruine les plans des fourbes.
qui enlace dans leur perfidie ceux qui se donnent pour sages, le conseil des astucieux étant devenu insensé.
Le jour, ils se heurtent aux ténèbres ; en plein midi, ils tâtonnent comme dans la nuit.
Alors, pendant le jour, ils rencontrent des ténèbres et ils tâtonnent en plein midi comme dans la nuit.
Il protège contre leur bouche qui est un glaive, sauve le faible des mains du fort.
Dieu a protégé les faibles contre leurs bouches qui ressemblent au glaive et a sauvé le pauvre de la main du puissant.
L’espoir renaît pour le pauvre, et l’iniquité a la bouche close.
Alors l’espérance est revenue aux malheureux et les gens d’iniquité ont eu la bouche fermée.
Ah ! Certes, heureux l’homme que Dieu réprimande ! Ne repousse donc pas les leçons du Tout-Puissant.
Heureux donc tout homme que Dieu avertit ! Aussi ne dédaigne pas la leçon de Celui qui se suffit
Car il blesse et panse la blessure, il frappe et ses mains guérissent.
Car il blesse et panse la blessure ; parfois il frappe et ses mains guérissent.
Qu’il survienne six calamités, il t’en préservera, et lors de la septième, le mal ne te touchera pas.
Dans bien des malheurs, il te délivrera et, dans le plus grave, aucun mal ne te touchera.
En temps de famine, il te sauvera de la mort ; dans le combat — des atteintes du glaive.
Dans la famine, il te sauvera de la mort et dans la guerre, du glaive.
Tu seras à l’abri du fouet de la langue5, et si une catastrophe éclate, tu n’auras rien à craindre.
Lorsque les peuples déborderont, tu en seras à l’abri, et tu ne craindras pas le pillage lorsqu’il arrivera ;
Tu te riras de la dévastation et de la disette ; les animaux de la terre, tu ne les redouteras point.
Bien plus tu riras du pillage et de la famine et tu ne redouteras point les bêtes sauvages de la terre ;
Car même avec les pierres du sol tu auras un pacte, et les animaux sauvages concluront un traité de paix avec toi.
tu auras un pacte même avec les pierres de la plaine et les animaux de la terre vivront en paix avec toi.
Tu verras le bonheur fixé dans ta demeure, tu inspecteras ta maison et ne trouveras rien en défaut.
Lorsque tu t’informeras des nouvelles de ta demeure, elle sera en paix et lorsque tu chercheras les gens de ton habitation, pas un seul ne te manquera.
Tu verras s’accroître le nombre de tes enfants, et tes rejetons se multiplier comme l’herbe de la terre.
Tu sauras que ta postérité est nombreuse, que tes rejetons sont comme l’herbe de la terre.
Tu entreras dans la tombe au terme extrême de la vieillesse, comme s’élève une meule de blé dans la saison voulue.
Et tu entreras dans le tombeau usé par l’âge, comme entrent les gerbes en leur temps.
Tel est le fruit de nos réflexions, telle est la vérité : accueille-la et prends-la à cœur.
Ce sont là des choses que nous avons éprouvées. Elles sont ainsi : donc écoute-les et tu les sauras.
Chapitre 6
Job reprit la parole et dit :
Job répondit en disant :
Ah ! Si seulement on pesait mon chagrin, en mettant en même temps mon malheur dans la balance !
Si ma douleur était pesée, et que mon malheur fût mis dans une balance qui le porterait avec son équivalent,
Assurément, ils seraient plus lourds que le sable des mers ; voilà pourquoi mes paroles sont pleines de trouble.
le poids serait maintenant plus lourd que les sables de la mer ; voilà pourquoi ma parole est déprimée.
C’est que les flèches du Tout-Puissant m’ont transpercé, mon âme en a bu le venin. Les terreurs de Dieu sont rangées en bataille contre moi.
Car les flèches de Celui qui se suffit sont sur moi ; mon esprit en boit le venin et les terreurs de Dieu sont rangées en bataille contre moi.
Est-ce que l’âne sauvage se met à braire en présence de l’herbe ? Le bœuf mugit-il devant sa pitance6 ?
Est-ce que l’âne sauvage brait en présence de l’herbe ? Est-ce que le bœuf mugit lorsqu’il a du fourrage ?
Peut-on manger un mets insipide sans y mettre du sel ? Trouve-t-on quelque saveur au blanc de l’œuf ?
Mange-t-on un mets cru sans sel, ou bien l’albumine des œufs a-t-elle du goût ?
Mon âme refuse d’y goûter ; c’est pour moi comme une répugnante nourriture.
Ainsi mon âme s’est refusée à toucher à ma nourriture, car ces deux choses-là valent autant.
Ah ! Qui me donnera que ma demande soit agréée et mon espoir réalisé par Dieu ?
Puisse quelqu’un exaucer ma demande et Dieu m’accorder ce que j’espère,
Oui, que Dieu consente à me broyer, qu’il brandisse la main et me mette en pièces !
soit que Dieu persiste à me faire souffrir et déchaîne son malheur sur moi pour me transpercer,
Il me resterait du moins cette consolation — qui me ferait sauter de joie au fort de souffrances sans rémission de n’avoir pas renié les paroles du Très-Haut.
ou bien que j’obtienne de quoi me consoler, afin que je le loue en l’invoquant, sans réserve ; car je n’ai jamais renié les paroles du Saint.
Quelle est donc ma force pour que je reste dans l’attente ? Quelle doit être ma fin pour que je prenne patience ?
Quelle est donc ma force pour que je patiente et quel est mon terme pour que je montre de la longanimité,
Ma force est-elle la force des pierres ? Ma chair est-elle d’airain ?
ma force fût-elle comme la force des pierres ou mon corps comme l’airain ?
N’est-il pas vrai que je suis privé de tout secours, et que tout espoir de salut m’est arraché ?
Penses-tu que je ne trouve pas d’aide en moi et que la doctrine m’ait délaissé
À celui qui se consume de chagrin devrait aller la sympathie de ses amis, eût-il même renoncé à la crainte de Dieu.
pour aller vers celui qui refuse à son prochain la grâce et abandonne la crainte de Celui qui se suffit ?
Mes amis, à moi, se montrent perfides comme un torrent, comme des cours d’eau pleins à déborder,
Ce sont mes frères qui m’ont trahi comme un torrent qui s’est précipité, comme un débordement de fleuves qui ont passé,
qui deviennent troubles par l’affluence des glaçons et grossissent par la fonte des neiges :
noircis par les glaçons, disparaissant sous la neige,
viennent les chaleurs, ils se réduisent à rien ; quand le soleil brûle, ils s’évanouissent sur place.
qui au temps où ils se refroidissent se congèlent et lorsqu’ils s’échauffent se déplacent de leur endroit.
[À cause d’eux], les caravanes se détournent de leur route, s’enfoncent dans le désert et y périssent.
Ils se détournent en suivant leurs chemins, entrent dans le désert et se perdent.
Les caravanes de Têma les cherchent du regard, les convois de Saba y mettent leur espoir.
C’est ainsi que mes frères se sont détournés vers les routes de Têmân et ont espéré en les chemins de Saba ;
Mais ils sont déçus dans leur confiance ; arrivés sur les lieux, ils sont pleins de confusion.
ils ont été déçus dans l’objet de leur confiance et, lorsqu’ils l’ont atteint, ils ont été confondus.
Certes, c’est là ce que vous êtes devenus pour votre ami7 : à la vue de ma ruine, vous avez eu peur.
Certes, maintenant vous qui étiez sans crainte vous en êtes venus à trembler et à craindre.
Vous ai-je donc dit : « Donnez-moi ! Avec un peu de votre bien, gagnez quelqu’un en ma faveur ;
Ai-je semblé vous dire : « Donnez-moi quelque chose, assistez-moi de votre fortune ;
et délivrez-moi de la main du persécuteur ; du pouvoir des tyrans affranchissez-moi ! »
sauvez-moi de la main de l’ennemi, rachetez-moi de la main des scélérats ? »
Instruisez-moi, et je garderai le silence ; expliquez-moi en quoi j’ai erré.
Montrez-moi que je vous l’aie dit, pour que je cesse de vous blâmer ; expliquez-moi en quoi j’ai erré.
Qu’elles sont pénétrantes les paroles de la vérité ! Mais que prouvent vos arguments à vous ?
Combien sont éloquentes les paroles justes ! Mais quel est l’avertissement de ce genre que l’un de vous m’adresse ?
Prétendez-vous critiquer des mots ? Mais dans l’air se dissipent les discours d’un désespéré !
Considérez-vous toute parole comme un avertissement et comme un avis les discours désespérants ?
L’orphelin lui-même, vous seriez capables de le prendre comme enjeu, comme vous trafiqueriez de votre ami.
Ou vous accorderez-vous contre un orphelin et vous repaitrez-vous de votre ami ?
Maintenant donc, daignez vous tourner vers moi : je ne saurais vous mentir en face.
Maintenant appliquez-vous, examinez mes paroles, et, si j’ai menti en votre présence,
Oui, revenez de grâce, que l’injustice ne s’accomplisse pas ; encore une fois, revenez, mon innocence sera manifeste.
opposez-moi une réfutation qui ne soit pas inique, ou revenez à ma parole, si elle est vraie.
Y a-t-il quelque iniquité sur mes lèvres ? Mon palais ne sait-il pas discerner ce qui est mal ?
Se trouve-t-il de l’iniquité dans mon langage, ou ma parole n’a-t-elle pas fait comprendre mes malheurs ?
Chapitre 7
Ah ! Certes, l’homme sur terre a une corvée de soldat, ses jours sont comme les jours d’un mercenaire.
L’homme sur la terre n’est-il pas comme une armée en expédition et sa vie n’est-elle pas comme les jours du mercenaire,
Il est tel qu’un esclave qui aspire à un peu d’ombre, un mercenaire qui attend son salaire.
ou n’est-il pas comme un esclave qui aspire après l’ombre et comme un mercenaire qui attend son salaire ?
C’est ainsi que j’ai eu en partage des mois de misère et qu’on m’a compté des nuits de souffrance.
Ainsi me sont échus des mois perdus et des nuits de misère m’ont été assignées.
Lorsque je suis couché et que je dis : « Quand me lèverai-je ? » la soirée s’allonge, et je suis rassasié d’insomnies jusqu’à l’aube matinale.
Quand je suis couché, je dis : « Quand me lèverai-je ? » et la nuit se prolongeant, je suis excédé d’insomnie jusqu’au matin.
Mon corps est revêtu de vermine et de croûtes terreuses, ma peau est crevassée et se dissout.
Mon corps s’est revêtu de pourriture et une croûte terreuse s’y est attachée au point que ma peau a été endolorie et a fondu.
Mes jours s’enfuient, plus rapides que la navette, et s’évanouissent sans espoir.
Mes jours s’en sont allés plus vite que la navette du tisserand, et la plus grande partie en a disparu vide d’espérance.
Souviens-toi [ô Dieu], que ma vie est un souffle : mon œil ne verra plus le bonheur.
Souviens-toi (ô Dieu !) que ma vie est perdue et que mon œil ne reverra plus de bonheur.
Le regard qui m’a aperçu ne se posera plus sur moi tu me fixes de ton regard, et c’en est fait de moi.
L’œil de celui qui me regardera ne m’apercevra plus et, tandis qu’où il me regardera, j’aurai disparu.
La nuée se dissipe et disparaît ; ainsi celui qui descend au Cheol n’en remonte plus.
Et comme le nuage disparaît et passe, ainsi celui qui descend dans la tombe ne remonte pas ;
Il ne retourne plus dans sa maison, et sa demeure ne le reconnaît plus.
Il ne retourne plus à sa maison, sa demeure ne le reconnaît plus.
Aussi ne mettrai-je pas de frein à ma bouche : je veux parler dans la détresse de mon esprit, me plaindre dans l’amertume de mon âme.
Pour moi, je ne retiendrai pas ma parole, je parlerai dans l’angoisse de mon esprit et je me plaindrai dans l’amertume de mon âme.
Suis-je donc la mer ou bien un monstre marin, que tu poses une barrière autour de moi ?
Suis-je une mer ou un monstre marin pour que tu m’imposes une surveillance ?
Quand je m’imagine que mon lit me consolera, que ma couche enlèvera quelque peu de ma douleur,
Quand je me dis : Mon lit va me soulager, ma couche me fera supporter ma plainte,
tu m’effraies par des songes, tu m’épouvantes par des visions,
tu m’épouvantes par les songes et tu m’effraies par les visions,
de sorte que mon âme souhaite une fin violente, préférant le trépas, à ce corps misérable.
au point que mon âme préfère l’étouffement et que je souhaite la mort de plein gré.
Je suis plein de dégoût : je ne vivrai pas éternellement, donne-moi quelque relâche, car mes jours ne sont qu’un souffle.
Je suis dégoûté et je ne voudrais pas vivre toujours ; finis-en avec moi. Certes mes jours sont comme des atomes de poussière.
Qu’est-ce que le mortel que tu le prises tant et portes ton attention sur lui ?
Qu’est-ce que l’homme, pour que tu l’honores et que tu portes sur lui ton attention,
Pourquoi lui demander des comptes chaque matin et l’éprouver à tout instant ?
pour que tu l’éprouves chaque matin et pour que tu l’examines à chaque moment ?
Jusqu’à quand refuseras-tu de te détourner de moi et de me laisser respirer assez de temps pour avaler ma salive ?
Combien de temps te refuseras-tu à écarter de moi la souffrance et à mè laisser le loisir d’avaler ma salive ?
Si j’ai failli, qu’ai-je fait contre-toi, ô [sévère] gardien des hommes ? Pourquoi me prendre comme ta cible et faire que je sois à charge à moi-même ?
Et, si j’ai péché, que te fais-je à toi, ô gardien de l’homme ? Ne fais donc pas de moi ta cible ; car je me deviendrais un fardeau à moi-même.
Que ne pardonnes-tu ma faute, que n’effaces-tu mon péché ? Bien vite je serais couché dans la poussière : tu me chercherais, et je n’y serais plus.
Pourquoi ne remets-tu pas mon péché et ne pardonnes-tu pas ma faute ? Car maintenant je serais couché dans la terre, on me chercherait et on ne me trouverait pas.
Chapitre 8
Bildad de Chouha prit la parole et dit :
Bildad le Schouhite répondit en disant :
Combien de temps encore tiendras-tu ces discours, et les paroles de ta bouche seront-elles comme un vent impétueux ?
Jusqu’à quand prononceras-tu ces paroles, et ta bouche proférera-t-elle de graves erreurs ?
Dieu fait-il fléchir le bon droit ? Le Tout-Puissant fausse-t-il la justice ?
Est-ce que le Tout-Puissant fausse la justice ? ou bien Celui qui se suffit trouble-t-il l’équité ?
Si tes fils lui ont manqué, il les aura laissés succomber sous » le poids de leur faute.
Si tes fils ont péché contre lui, il les a livrés aux mains de leurs fautes.
Mais si toi, tu te mets à la recherche de Dieu, si tu te tournes en suppliant vers le Tout-Puissant,
Mais si tu as recours au Tout-Puissant, et que tu supplies Celui qui se suffit ;
si tu es innocent et droit, ah ! certes, sa bonté s’éveillera en ta faveur, il rendra la paix à la demeure qui abrite ta piété.
si tu es pur et intègre, il le proclamera maintenant en ta faveur et te récompensera pour l’excellence de ta vertu ;
Humbles auront été tes débuts, mais combien brillant sera ton avenir!
tu seras petit à ton début et à ta fin tu t’accroîtras beaucoup,
Interroge, en effet, les générations primitives, fais appel à l’expérience de leurs ancêtres :
Bien plus, toi, informe-toi des générations premières et examine à fond l’histoire de leurs pères ;
nous, nous ne sommes que d’hier et nous ne savons rien, car nos jours sur la terre ne sont qu’une ombre.
car nous sommes nés d’hier, nous ne les connaissons pas et nos jours sont comme l’ombre sur la terre.
Eh bien ! Ils t’instruiront, eux, ils te parleront et du fond de leur cœur ils tireront ce discours :
Ne sont-ce pas eux qui t’instruiront et te parleront, qui tireront de leurs intelligences les discours ?
« Le papyrus pousse-t-il en l’absence de marais, le jonc se développe-t-il sans eau ?
Le papyrus grandit-il sans bourbier ? le poireau croît-il sans eau ?
À peine monté en tige, alors qu’il ne peut être coupé, il devient sec avant toute autre herbe. »
Tant qu’il est dans sa saison, on ne le cueille pas ; mais avant toutes les herbes il se dessèche.
Tel est le sort de ceux qui oublient Dieu : l’espoir de l’impie sera déçu.
Tel est le sort de tous ceux qui oublient le Tout-Puissant et l’espérance de l’hypocrite périra,
Sa confiance sera brisée et son assurance n’est qu’une toile d’araignée.
lui dont la confiance est une traînée de poussière au soleil et dont l’assurance est une toile d’araignée.
Il s’appuiera sur sa maison, mais elle ne tiendra pas debout ; il s’y cramponnera, mais elle ne résistera point.
S’il s’appuie sur sa maison, elle ne tient pas ; s’il la saisit, elle ne reste pas debout.
Qu’il maintienne même sa sève sous les rayons du soleil et étende ses rejetons à travers son jardin
Mais l’homme pieux est comme un rameau qui reste frais en face du soleil, et, dans ses jardins, ses rejetons s’étendent.
que ses racines s’entrelacent autour du roc et percent jusqu’à la couche de pierres,
Sur l’amas de pierres ses racines s’entrelacent et elles pénètrent jusqu’à l’intérieur du roc.
dès qu’on l’arrache de sa place, celle-ci le reniera en disant : « Je ne t’ai jamais vu ! »
Lui, rien ne le ferait disparaître de sa place, pour qu’elle semblât le renier et lui dire : Je ne t’ai jamais vu.
Vois, c’est là le triomphe de sa destinée8 ; d’autres pousseront sur ce même sol.
Lui, il se réjouit de son sort et du sol lui pousse une autre génération.
C’est que Dieu ne repousse pas l’homme intègre, pas plus qu’il n’accorde l’appui de sa main aux malfaiteurs.
Ainsi le Tout-Puissant ne rejette pas l’homme pieux et ne soutient pas la main des méchants.
Il finira par remplir ta bouche de joie et tes lèvres de cris de victoire.
Aie donc patience jusqu’à ce qu’il remplisse ta bouche d’allégresse et tes lèvres de jubilation,
Tes ennemis seront couverts de honte : la tente des méchants ne sera plus.
que tes ennemis soient couverts de honte et que les tentes des pervers disparaissent.
Chapitre 9
Job reprit la parole et dit :
Job répondit en disant :
Oui, je sais qu’il en est ainsi : comment l’homme aurait-il gain de cause avec Dieu ?
En vérité, je sais qu’il en est ainsi et quels arguments l’homme peut-il apporter devant le Tout-Puissant ?
Si nous désirions discuter avec lui, pas une fois sur mille il ne daignerait nous répondre.
S’il se décide à lutter contre Dieu, il ne pourra pas lui répondre une fois sur mille.
Éminemment sage, triomphant de force, qui jamais lui tint tête et s’en trouva bien ?
Car Dieu est sage par la science et puissant par la force ; qui donc l’aura bravé et aura été épargné par lui ?
Il déplace les montagnes à l’improviste et les bouleverse dans sa colère.
C’est lui qui transporte les gens des montagnes à leur insu, en sorte qu’il les bouleverse dans sa colère,
Il fait trembler la terre sur ses bases et ébranle les colonnes qui la supportent.
qui fait bondir hors de sa place la terre, dont les colonnes sont ébranlées ;
Il donne un ordre au soleil, et le soleil ne paraît point ; il met un sceau sur les étoiles.
qui donne ordre au disque du soleil, pour qu’il ne se lève pas, qui met un sceau sur les étoiles,
À lui seul, il déploie les cieux ; il chemine sur la crête des vagues.
qui, à lui seul, étend le ciel et dompte les vagues de la mer,
Il a fait la Grande Ourse, l’Orion, les Pléiades et les demeures sidérales du Midi.
qui a créé les constellations de l’Ourse, de l’Orion, des Pléiades et des régions cachées du midi,
Il accomplit des merveilles sans fin, des prodiges qui ne se peuvent compter.
qui fait les choses grandes à l’infini, les merveilles sans nombre.
Ah ! S’il passait auprès de moi, je ne le verrais point ; s’il se glissait sous mes yeux, je ne le remarquerais pas.
Voici que sa puissance dirigeante passe devant moi et je ne la vois pas entièrement ; elle disparaît sans que je la comprenne.
Quand il empoigne quelqu’un, qui lui fera lâcher prise ? Qui lui dira : « Que fais-tu ? »
Voici qu’il décide une chose. Qui lui résisterait et qui lui dirait : « Que fais-tu ? »
Dieu ne refoule pas sa colère ; sous ses coups plient les satellites de l’orgueil9.
Il est Dieu ; rien ne peut repousser sa colère, sous lui se sont courbés les fauteurs de troubles.
Et moi j’oserais lui répliquer, je ferais assaut de paroles avec lui,
Et comment moi, lui répondrais-je, comment me déciderais-je à lui adresser la parole,
moi, qui tout innocent que je fusse, ne trouverais rien à lui répondre, et demanderais simplement grâce à mon juge !
moi qui, si j’avais raison, ne le dirais pas, qui, plutôt, implorerais la grâce de mon juge !
Dût-il même se rendre à mon appel, je ne croirais pas qu’il écoute ma voix ;
Si je l’invoquais et qu’il me répondît, je ne serais pas encore sûr qu’il eût écouté ma voix parce que je le mérite.
car il m’accable sous un vent de tempête et multiplie gratuitement mes blessures.
C’est lui qui dans l’ouragan me fait souffrir et qui a multiplié mes douleurs gratuitement ;
Il ne me permet pas de reprendre haleine, tant il m’abreuve d’amertumes.
qui ne me laisse pas reprendre haleine, car il multiplie pour moi les amertumes.
S’agit-il de faire preuve de force, il est là ! S’agit-il de jugement, [il dira] : « Qui pourrait m’assigner ? »
S’agit-il de force et de puissance : les voilà ! s’agit-il de droit, qui m’assignera ?
Fussé-je innocent, ma bouche me déclarerait coupable ! Fussé-je sans reproche, elle me convaincrait de perversité !
Car si j’emploie quelque argument, ma parole me condamnera ; même si je suis innocent, elle me sera pénible.
Oui, je suis sans reproche ! Je ne me soucie pas de la vie, je suis las de l’existence.
Si je suis innocent, je n’en ai pas conscience, tant je suis dégoûté de la vie.
Tout revient au même : aussi dis-je que juste et méchant, il les fait également périr.
Et je dis : « C’est tout un ! » C’est pourquoi j’ai affirmé : « L’innocent et le méchant, il appartient à Dieu de les faire périr,
Si un cataclysme entraîne des morts soudaines, il se rit de l’épreuve des innocents.
soit qu’il amène un fléau qui tue soudain en sorte que la récompense des justes devient une dérision ;
[Par lui], la terre a été livrée aux impies : il voile les yeux de ceux qui y rendent la justice. Si ce n’est lui, qui serait-ce ?
ou bien qu’un pays soit livré aux mains d’un tyran qui y couvre la face des juges ; si ce n’est point par ces moyens, par quoi serait-ce ?
Mes jours sont plus rapides qu’un courrier ; ils s’enfuient sans avoir vu le bonheur.
Mes jours ont été plus rapides qu’un courrier ; ils sont terminés, et il semble que je n’y aie jamais vu de bonheur.
Ils passent comme des barques de jonc, comme l’aigle qui se précipite sur la proie.
Ils ont passé ainsi que les vaisseaux dans leur temps, ou comme l’aigle qui s’abat sur sa nourriture.
Quand je dis : « Je veux oublier ma souffrance, laisser là ma mine attristée et reprendre mes esprits »,
Si je dis : Je veux oublier mes plaintes, laisser mon ressentiment et me réjouir,
je suis envahi par la crainte de mes tourments, sachant bien que tu ne m’absoudras pas.
je crains toutes mes douleurs et je sais que tu ne m’absoudras pas.
Je serai déclaré coupable : pourquoi donc prendre une peine inutile ?
Si moi j’ai renié (Dieu), pourquoi donc me fatiguerais-je en vain ?
Dussé-je me laver dans de la neige fondue et purifier mes mains avec de la potasse,
Si même je me lavais avec l’eau de neige ou que je nettoyasse mes mains par une lessive,
aussitôt tu me plongerais dans une fosse [fangeuse], et mes vêtements mêmes auraient horreur de moi.
alors encore tu me plongerais dans le châtiment, au point que mes vêtements sembleraient me prendre en dégoût.
Car il n’est pas un homme comme moi pour que je lui réponde et que nous paraissions ensemble en justice.
Car Dieu n’est pas un homme comme moi pour que je lui réponde ou pour que nous comparaissions ensemble en justice.
Il n’existe pas d’arbitre entre nous, qui puisse poser sa main sur tous deux.
Il n’existe pas entre nous d’arbitre qui pose sa main à la fois sur nous deux,
Qu’il écarte de moi sa verge, et que ses terreurs cessent de peser sur moi.
pour que Dieu détourne sa verge de moi et que ses terreurs ne m’épouvantent plus.
Alors je parlerai sans le redouter, car je n’en suis pas là dans le secret de ma conscience.
Alors je parlerais sans le craindre, puisque je ne suis pas tel devant moi-même.
Chapitre 10
Mon âme est dégoûtée de la vie, je veux donner un libre cours à mes plaintes, parler dans l’amertume de mon cœur.
Mon âme s’est dégoûtée de la vie ; je vais donc me renouveler ma plainte et l’exhaler dans l’amertume de mon âme.
Je dirai à Dieu : « Ne me traite pas en criminel, fais-moi connaître tes griefs contre moi. »
Et je dirai à Dieu : Ne me place pas parmi les coupables, fais-moi savoir pourquoi tu es mon adversaire,
Prends-tu plaisir à accabler, à repousser l’œuvre de tes mains, tandis que tu favorises de ta lumière les desseins des méchants ?
puisqu’il convient à ta bonté de ne pas opprimer, de ne pas repousser ta créature et de ne pas te montrer comme faisant réussir le dessein des coupables.
As-tu des yeux de chair ? Vois-tu de la même façon que voient les hommes ?
Ta vue est-elle donc comme celle des mortels ou bien regardes-tu comme regardent les hommes ?
Tes jours sont-ils comme les jours des hommes ? Tes années sont-elles comme celles des mortels,
Ou bien ton existence est-elle comme les jours des mortels, ou ta durée est-elle comme la vie de l’homme,
pour que tu recherches mes fautes et t’enquières de mes péchés ?
pour que tu recherches ma faute à la hâte et que tu t’enquières de mon péché,
Tu sais pourtant que je ne suis pas coupable, et que nul ne peut se sauver de ta main.
bien que tu saches que je n’ai pas renié ma foi et que personne ne peut être sauvé de ta main ?
Ce sont tes mains qui ont pris soin de me former, de me façonner de toutes pièces, et tu me détruirais !
Tes coups m’ont affligé et pressé, ils m’ont entouré, puis ils m’ont perdu.
Souviens-toi que tu m’as pétri comme de l’argile, et tu me ferais rentrer dans la poussière !
Souviens-toi, ô mon maître, que tu m’as façonné comme de l’argile et que tu me ramèneras à la poussière.
Ne m’as-tu pas rendu liquide comme le lait, puis affermi comme le fromage ?
Ne me couleras-tu pas comme le lait et ne me coaguleras-tu pas comme le fromage ?
Tu m’as revêtu de peau et de chair, tu m’as entrelacé d’os et de nerfs.
Tu me revêtiras de peau et de chair, tu me couvriras d’os et de nerfs.
Tu m’as octroyé vie et bonté, et tes soins vigilants ont préservé mon souffle.
Tu m’as prodigué la vie et la grâce, et ta providence a conservé mon souffle.
Et voici ce que tu tenais en réserve dans ton cœur ! Je sais bien que telle était ta pensée :
Mais ces choses-là, tu les as réservées dans ta science : et je sais qu’elles sont chez toi.
tu voulais me prendre sur le fait si je prévariquais, et ne me pardonner aucune faute !
Si je commets des péchés, tu les gardes contre moi et tu ne m’absous pas de mes fautes.
Devenu coupable, malheur à moi ! Innocent même, je n’ose lever la tête, rassasié de honte et témoin de ma misère.
Malheur à moi, si j’ai été mécréant ! et si je suis innocent, je n’oserai pas encore lever la tête, car je suis plein de honte et je contemple ma misère.
Si je la redresse10, tu me pourchasses comme un lion ; sans relâche, tu fais éclater ta puissance à mes dépens.
Avec puissance, tu me pourchasses comme le lionceau, et tu me demandes encore des comptes.
Tu m’opposes constamment de nouveaux témoins, tu redoubles de colère contre moi ; je suis en butte à des armées se relayant tour à tour.
Tu renouvelles tes témoins en face de moi et tu redoubles mes souffrances passagères ou durables.
Pourquoi m’as-tu tiré du sein qui me portait ? J’expirais, et aucun œil ne m’aurait vu.
Dans quel intérêt m’as-tu fait sortir du sein maternel ? Je serais mort et aucun œil ne m’aurait vu.
Je serais comme si je n’avais jamais été ; au sortir du ventre de ma mère j’étais conduit au tombeau.
Je serais comme si je n’eusse jamais été, ou j’aurais été porté du sein au tombeau.
Ah ! Mes jours sont peu de chose ; cesse donc de t’acharner contre moi, pour que je puisse reprendre un peu haleine,
Mes jours ne sont-ils pas peu nombreux et limités?Laisse-moi donc pour que je me réjouisse un peu,
avant que je m’en aille, sans espoir de retour, dans la terre des ténèbres et des ombres du trépas,
avant que je parte sans retour vers une terre sombre et ténébreuse,
terre où le crépuscule ressemble à la nuit opaque, où règnent les ombres épaisses et le désordre, et où la lumière même est un amas de ténèbres.
une terre perdue, pareille aux ténèbres, obscure et sans ordre, où le plein jour ressemble à la nuit.
Notes de la traduction française du Rabbinat :
1Allusion à la tombe.
2Locution proverbiale dont le sens est indiqué par les mots qui suivent.
3Ce mot semble désigner ici l’animal mythique qui, dans les idées de l’antiquité, s’attaquait au soleil pour l’engloutir.
4Dans le silence de la tombe.
5De la calomnie.
6On ne se plaint pas sans motif.
7Texte : לך « pour lui ». Une autre leçon porte לא. Le mot est suspect.
8Ironique.
9רהב. Le mot est diversement interprété.
10יגאה. Troisième personne : « Si ma tête se redresse. »
Tafsir Rasag : Version arabe du livre de Job dans : Œuvres complètes de R. Saadia ben Iosef al-Fayyoûmî, publication commencée sous la direction de Joseph Derenbourg continuée sous la direction de MM. Hartwig Derenbourg et Mayer Lambert. Volume Cinquième. Paris : E. Leroux, 1899. [Version numérisée : archive.org].
Traduction du texte hébraïque : La Bible – traduite du texte original par les membres du Rabbinat français sous la direction de M. Zadoc Kahn Grand Rabbin. Tome II : Derniers Prophètes – Hagiographes. Paris (Durlacher), 1906. [Version numérisée : National Library of Israel].