Bibliographie française des Tibbonides (Ibn Tibbon)
La famille Ibn Tibbon (אִבְּן תִּיבּוֹן), dont les membres sont aussi appelés les Tibbonides, est une famille de rabbins provençaux qui se sont spécialisés dans la traduction des œuvres judéo-arabes en hébreu. La plus grande période d’activité de la famille se déroule entre le début du XIIe siècle et la fin du XIIIe siècle.
Bibliographie générale
- « Ibn Tibbon », article Wikipédia.
- Jean-Pierre Rothschild, « Motivations et méthodes des traductions en hébreu du milieu du XIIe à la fin du XVe siècle ». In : Traduction et traducteurs au Moyen Âge. Actes du colloque international du CNRS organisé à Paris, Institut de recherche et d’histoire des textes les 26-28 mai 1986. Aubervilliers : Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), 1989. pp. 279-302.
- Max Lebhar, Les Tibbonides : pionniers des traducteurs juifs et relais dans la transmission de la culture de l’orient et de l’occident. Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du grade de maître ès arts. Faculté de Théologie et des sciences religieuses. Université Laval. Août 2002.
- Danièle Iancu-Agou et Élie Nicolas (éd.), Des Tibbonides à Maïmonide. Rayonnement des Juifs andalous en pays d’Oc médiéval, (Nouvelle Gallia Judaica) Paris, Beauchesne, 2009.
1. Juda ibn Tibbon (1120-1190)
Juda ben Saul ibn Tibbon est né à Grenade en 1120, il quitte l’Espagne en 1150, probablement à la suite de la conquête almohade, et s’établit à Lunel, en Provence vers 1150 où il inaugure la tradition familiale de traduction en terre de Provence (voir biographie complète).
1.1. Les traductions de Juda ibn Tibbon disponibles en français
Les Devoirs des cœurs de Bahya ibn Paquda
Les Devoirs du Cœur, est une œuvre théologique rédigée par le Rabbin Bahya ibn Paquda en judéo-arabe sous le titre de Al hidaya ûlfara’id al qûlûb vers 1080. Cette œuvre fut traduite en hébreu par Juda ibn Tibbon vers 1161-1180, sous le titre de « Hovot ha-Levavot. Dans cet ouvrage, Ibn Paquda explique vouloir combler un besoin dans la littérature, celui-ci n’ayant pas été traité jusque-là, ni par les sages du Talmud, ni par leurs successeurs : la compilation des enseignements éthiques juifs en un système cohérent (les devoirs du cœur).
- Les devoirs du cœur / « hovot haLevavot de Ba’hié ibn Pékouda. Texte intégral hébreu/français. Traduction hébraïque d’Ibn Tivon. Traduction française de Reouven Frajerman, éditions Salomon, 2018 (2 volumes).
Note : On trouvera une traduction française depuis cette version judéo-arabe : Bahya Ibn Paquda, Introduction aux Devoirs des Cœurs. Traduit et présenté par André Chouraqui. Préface de Jacques Maritain. Paris, Desclée De Brouwer, 1952.
Le Kuzari de Juda Hallévi
Le Kuzari est une œuvre philosophique rédigée en judéo-arabe par le R. Juda Hallévi vers 1140 sous le titre de Kitab alhuyya wa-l-dalil fi nusr al-din al-dalil (« Livre de l’argumentation pour la défense de la religion méprisée ») et traduit en hébreu par Juda Ibn Tibbon à Lunel (Languedoc) en 1167 sous le titre de Séfer haKouzari (« Livre du Khazar »). Le livre partage une méfiance du rationalisme philosophique, poursuit un but et emprunte une structure, rapportant un dialogue imaginaire en cinq chapitres entre le roi des Khazars et un rabbin qui l’éclaire sur la vérité du judaïsme, défendant celui-ci contre les arguments des « philosophes, musulmans, chrétiens et hétérodoxes ». Il en existe une traduction française réalisée à partir de l’édition judéo-arabe mais qui mentionne les apports de la traduction de Juda ibn Tibbon :
- Juda Hallévi, Le Kuzari, Apologie de la religion méprisée. Introduit, annoté et traduit du texte original arabe (confronté avec la version hébraïque) par le Grand Rabbin Charles Touati. Collection : Les Dix Paroles, Verdier, 1994.
Le Livre des Parterres fleuris de R. Yona ibn Jannah
Le Kitab al-Tanḳiḥ (Livre de recherche minutieuse, traduit en hébreu par Juda ibn Tibbon sous le nom de Mahberet HaDiqdouq, Manuel de grammaire) est le grand-œuvre du rabbin andalou Yona ibn Jannah (990-1050). Consacré à l’étude de la Bible hébraïque et de son langage, il est divisé en deux parties, grammaticale et lexicographique, chacune étant le premier énoncé complet de ces sujets, et étant présentée comme un livre à part. Cette première partie grammaticale s’intitule Kitab Al Luma ou Sefer Harikma dans sa traduction hébraïque, soit le Livre des Parterres fleuris. Il en existe une traduction française réalisée à partir de la version judéo-arabe mais qui mentionne également les apports de la traduction de Juda ibn Tibbon :
- Le livre des parterres fleuris d’Abou’l-Walid Merwan ibn Djanah, traduit en français sur les manuscrits arabes par le R. Mose Metzger, Paris E. Bouillon, 1889.
1.2. Les œuvres personnelles
Les prologues aux traductions
- Juda ibn Tibbon, Prologue à sa trad. hébraïque des Devoirs des cœurs de Bahya Ibn Paqûda, éd. A. Zifroni, Jérusalem, 1928. Traduction française de Paul B. Fenton dans : « De l’arabe à l’hébreu », Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV « le discours philosophique », Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 1998, p. 1099-1100 [lien externe].
- Juda ibn Tibbon, Prologue à sa traduction du Kitâb al-Luma » (Livre des parterres fleuris) d’Ibn Janâh, Séfer ha-riqmâh, éd. M. Wilensky, Jérusalem, 2e édition, 1964. Traduction française de Paul B. Fenton dans : « De l’arabe à l’hébreu », Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV « le discours philosophique », Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 1998, p.1110-1101 [lien externe].
Le testament spirituel
La tzava’a (équivalent des dernières volontés) de Juda ibn Tibbon a été rédigée peu avant son décès et s’adresse à son fils Samuel. Il lui livre ses nombreux conseils concernant sa vie professionnelle, sa vie religieuse et sa santé.
- Au nom du père pour le fils : le testament spirituel de Judah Ibn Tibbon. Traduction de Michel Garel, Bagnolet : Lis & parle éditions, 2021.
2. Samuel ibn Tibbon (1150-1230)
Samuel ben Juda ibn Tibbon est un rabbin, médecin et philosophe juif provençal né à Lunel en 1150 et mort à Marseille en 1230. Il poursuit l’œuvre de traduction de son père et engagea une correspondance avec Maïmonide dont il traduisit en hébreu une partie des œuvres rédigées en judéo-arabe (voir biographie complète).
2.1. Les traductions de Samuel ibn Tibbon disponibles en français
Le Livre des Perles d’Ibn Gabirol
Le Mukhtar al-Jawahir est un recueil de sagesses populaires (proverbes, aphorismes, conseils) attribué à Ibn Gabirol. Il faut traduit en hébreu par Samuel ibn Tibbon sous le titre de Séfer Mivhar haPeninim, soit le Livre des Perles :
- Le Livre des Perles. Traduit et introduit par Dan Scher à partir de la traduction hébraïque de Shmuel ben Tibbon, connue sous le titre Sefer Mivkhar ha-Pninim. Coll. Manatel, Waterloo, 2014.
- Note : voir extrait sur le site de l’éditeur.
Les traductions de Maïmonide
Le Guide des Égarés
Samuel ibn Tibbon acheva sa traduction du dalālat al-ḥā’irīn le 30 novembre 1204 à Lunel sous le titre de More Nevoukhim qu’il fit précédé d’une préface (voir plus bas). La traduction française du Guide des Egarés par Salomon Munk se fonde sur l’édition judéo-arabe ; en revanche, Munk y ajouta de nombreuses notes faisant référence à la traduction d’ibn Tibbon :
- Le Guide des Égarés. Traité de Théologie et de Philosophie par Moïse Ben Maimoun dit Maïmonide. Traduit pour la première fois sur l’original arabe et accompagné de notes critiques, littéraires et explicatives. Paris (chez A. Franck), 3 volumes, 1856-1866. [Première édition].
Le Traité de Logique
Le Sinâ’at al-Mantiq fut traduit en hébreu par Samuel ibn Tibbon sous le titre de Millot ha-Higgayon (Traité de Logique). Une édition commentée et traduite en français a été réalisée par M. Ventura :
- Terminologie Logique. Édition critique du texte hébreu traduit et commenté en français, avec Introduction et Lexique hébreu, arabe, grec, latin, allemand, anglais et français. Édition de l’original arabe des chapitres existants par M. Ventura, Paris (Lipschutz), 1935.
Épître sur la résurrection des morts
L’Épître sur la Résurrection des morts est une lettre rédigée en judéo-arabe, traduite en hébreu par Samuel Ibn Tibbon (Maamar Tekhiyat HaMetim), dans laquelle Maïmonide aborde les questions de la fin des temps et du monde-à-venir.
- Épîtres, trad. de Jean de Hulster, Paris, Gallimard, « Tel », 1983.
- Note : Les lettres disponibles dans cet ouvrage ont été traduites du judéo-arabe vers l’hébreu par d’autres traducteurs que les Tibbonides.
Le Roman d’Alexandre (?)
Le Roman d’Alexandre est le nom donné aux différentes légendes concernant les exploits d’Alexandre le Grand. Ces différentes légendes sont connues dans plusieurs langues européennes et asiatiques (persan, arabe, turc, hébreu…). Deux manuscrits (Jews’ College Library, MS 145, conservé à Londres, et MS héb. 671.5 conservé à la Bibliothèque nationale) présentent de nombreuses similitudes et pourraient être les traductions hébraïques d’une même version arabe. Le manuscrit de Londres contient un colophon mentionnant le travail de Samuel ibn Tibbon : « Ce livre a été traduit par le savant investigateur des secrets de l’existence et de la science, R. Samuel, fils de Juda ibn Tibbon (que le souvenir du juste soit une bénédiction) de Grenade en Espagne. Il l’a traduit pendant qu’il travaillait à la version du “Moré” que l’or de l’Ophir ne peut égaler en valeur. Ce livre se trouve entre les mains de quelques-uns, traduit par Al Harizi, mais avec de nombreuses fautes ; car lui l’a traduit de la langue [?], tandis que le traducteur fidèle mentionné plus haut l’a traduit de l’arabe en hébreu ; que son salaire soit complet » (Israël Lévi, Les traductions hébraïques de la légende d’Alexandre. In: Revue des études juives, tome 3, n°6, octobre-décembre 1881. p. 248). À la fin de son article, I. Lévi propose une traduction française de ce texte qu’il surnomme « Version de Samuel ibn Tibbon » (p.269-271). Notons que l’identification de Samuel ibn Tibbon comme traducteur réel est discutée et remise en cause par les historiens1.
2.2. Œuvres personnelles
Les prologues aux traductions
- « La préface de Samuel Ibn Tibbon aux “Huit chapitres” de Maïmonide », traduction de Jules Wolff, dans : Revue de Théologie Et de Philosophie 32 (2), 1899, p.183-189.
- Samuel ibn Tibbon, Prologue à la traduction du Guide des Egarés de Maïmonide, Varsovie, 1930, fol. 1a-2a. Traduction française de Paul B. Fenton dans : « De l’arabe à l’hébreu », Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV « le discours philosophique », Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 1998, p.1103-1105 [lien externe].
2.3. Correspondance avec Maïmonide
- Moïse Maïmonide, « Lettre à Samuel Ibn Tibbon » [1199], in Épîtres (Iggerôt ha-Rambam), t.II, éd. Y. Shilat, Jérusalem, 1988, p.530-534. Traduction française de Paul B. Fenton dans : « De l’arabe à l’hébreu », Encyclopédie philosophique universelle, vol. IV « le discours philosophique », Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 1998, p.1101-1103 [lien externe].
3. Moïse ibn Tibbon (1195-1274)
Moïse ibn Tibbon naît à Marseille en 1195. Il poursuit l’œuvre de son père, Samuel ibn Tibbon, en traduisant d’autres ouvrages du Maïmonide, tout en produisant parallèlement une œuvre personnelle (voir biographie complète). Pour une présentation de sa pensée philosophique, voir : Colette Sirat, « La pensée philosophique de Moïse Ibn Tibbon », dans Revue des Études Juives, CXXXVIII, 1979, p.505-515 [article n°47 sur le site personnel de Colette Sirat].
3.1. Les traductions de Moïse ibn Tibbon disponibles en français
Le Traité des poisons de Maïmonide
Maïmonide a rédigé ce traité à la demande du Grand Vizir Al-Fadhil qui souhaitait mettre à la disposition des habitants de la région de Fostat, du vieux Caire, un guide pratique sur les mesures à envisager en cas d’empoisonnement ou de piqures et morsures par des animaux venimeux. Le texte original en judéo-arabe est intitulé al-Maqālah al-Fāḍiliyyah (épître à al-Fâdil), il a été traduit en hébreu par Moïse Ibn Tibbon.
- Le Traité des poisons de Maïmonide. Traduit par le Dr I.-M. Rabbinowicz, Paris (A. Delahaye), 1865.
- Traité des poisons et des antidotes contre les drogues mortelles ou Épître à al-Fâdil, édition de Frank Svensen. Préfaces d’Ariel Toledano et de Maurice-Ruben Hayoun. Éditions Les Indes savantes, 2022.
- Note : il s’agit d’une traduction révisée de celle réalisée par I.-M. Rabbinowicz en 1865.
3.2. Œuvres personnelles
Le traité du Microcosme
Dans le Traité du microcosme on croise une tradition qui traverse les siècles et les cultures, tant la conception de l’homme comme microcosme, ou petit monde, résumé du macrocosme, ou grand monde, est universelle. Ce traité, toutefois, demeure l’unique exemple dans la littérature juive d’un exposé complet de l’analogie du microcosme et du macrocosme. L’auteur y ramasse les savoirs médicaux, cosmologiques et philosophiques de son temps, tout en dévoilant divers aspects inhérents à la tradition juive. C’est la première fois que le Traité du microcosme est édité, traduit et commenté [présentation de Verdier].
- Moïse ibn Tibbon, Traité du microcosme / Ma’amar « Olam Qatan. Texte établi d’après les manuscrits, traduit, introduit et annoté par Arlette Lipszyc-Attali et Christophe Attali. Préface de Colette Sirat. Collection : Les Dix Paroles, Verdier, 2022.
Voir présentation de l’ouvrage par sa traductrice et traducteur : Le Traité du microcosme, avec Arlette et Christophe Attali, Akadem Magazine, 18 janvier 2023 (Akadem)
Le Séfer Péa
Le Séfer Péa est un traité rédigé par R. Moïse ibn Tibbon dans le Sud de la France entre 1244 et 1274 où l’auteur présente une interprétation allégorique des aggadot présentes dans le Talmud contre les critiques et moqueries formulées par les chrétiens. Ce traité a été présenté par Colette Sirat dans deux articles où sont proposés plusieurs extraits :
- Introduction du Séfer Péa par Moïse ibn Tibbon dans : Colette Sirat, “Les déraisons des Aggadot du Talmud et leur explication rationnelle : le Sefer Péa et la Rhétorique d’Aristote”, in Bulletin de Philosophie Médiévale, vol. 47, 2005, p.78-86 [article n°160 sur le site personnel de Colette Sirat].
- Extraits Séfer Péa §70 et §50 dans : Colette Sirat, “La pensée philosophique de Moïse Ibn Tibbon”, dans Revue des Études Juives, CXXXVIII, 1979, p.514-515 [article n°47 sur le site personnel de Colette Sirat].
Commentaire sur le Cantique des Cantiques
Le Commentaire sur le Cantique des Cantiques de Moïse ibn Tibbon est une illustration concrète de sa volonté d’apporter une explication allégorique au texte biblique. Colette Sirat en a traduit l’introduction :
- Introduction au commentaire sur le Cantique dans : Colette Sirat, “La pensée philosophique de Moïse Ibn Tibbon”, dans Revue des Études Juives, CXXXVIII, 1979, p.508-511 [article n°47 sur le site personnel de Colette Sirat].
4. Le procès de Samuel ben Moshé ibn Tibbon (1255)
Samuel ibn Tibbon est le fils de Moïse ibn Tibbon. Il est notamment connu à travers un procès qu’il intenta à Bionguda (fille de Bella, sœur de Moïse ibn Tibbon) dont il prétendait en avoir fait son épouse légale. Ce procès qui eut lieu à Marseille en 1255 est particulièrement bien documenté. Ces documents ont été rassemblés, traduits en français et étudiés :
- Adolf Neubauer, Documents inédits (suite). In : Revue des études juives, tome 12, n°23, janvier-mars 1886. pp. 80-86.
- Isidore Loeb, Un procès dans la famille des Ibn Tibbon, Marseille, 1235-1236, Paris : Alcan-Lévy, Extrait de l’Annuaire des Archives israélites, 3e année, 1886.
- Isidore Loeb, Le procès de Samuel ibn Tibbon, Marseille, 1255. In : Revue des études juives, tome 15, n°29, juillet-septembre 1887, pp. 70-98.
- Isidore Loeb, Le procès de Samuel ibn Tibbon, Marseille, 1255 (suite et fin). In: Revue des études juives, tome 16, n°31, janvier-mars 1888, pp. 124-137.
Notes :
1Voir par exemple : J. Van Bekkum, A Hebrew Alexander Romance According to Ms. London, Jew’s College, N 145 (Orientalia Lovaniensia Analecta) (English and Hebrew Edition), 1992.