Un Tanah, étude sur la vie et l’enseignement de Rabbi Méïr

Préface

Raphaël Lévy (1883)


Depuis quelque temps on a publié sur le Talmud un si grand nombre d’ouvrages qu’il semble que tout le monde devrait en connaître les doctrines, les idées et les personnages.

En est-il ainsi en réalité ? Le Talmud, le plus important et le plus authentique des documents pour l’étude des trois premiers siècles de l’ère actuelle, reste toujours enveloppé d’un nuage qui le dérobe aux yeux du vulgaire.

On dirait que nous en sommes encore réduits aux compilations fastidieuses que nous a laissées le moyen âge et que nous n’avons pas pour nous guider les travaux si substantiels qui ont paru depuis un demi-siècle tant en France qu’en Allemagne et dont les noms des auteurs, plus illustres les uns que les autres, se pressent en foule sous notre plume.

Le public est encore peu familiarisé avec les questions qui passionnaient alors les esprits en Judée et en Babylonie.

Il faudrait peut-être chercher la cause de cette ignorance dans le caractère trop général et dans le point de vue trop élevé de certains de ces travaux dont nous venons de parler.

En racontant la vie et en exposant les idées du Tanah Rabbi Méïr, nous avons essayé de donner au public, dans un cadre plus restreint, un aperçu précis, une notion exacte des discussions talmudiques ; et, malgré l’aridité du sujet, nous avons consacré plusieurs chapitres à l’exposé méthodique de la doctrine religieuse de Rabbi Méïr.

La biographie de Rabbi Méïr eût été incomplète si nous ne l’avions pas fait précéder d’une étude sommaire sur les hommes et les événements de son temps.

Le judaïsme dispersé, le paganisme détrôné, le christianisme entrant en scène, tels sont les trois points saillants de cette époque si tourmentée qui se trouve pour ainsi dire résumée dans la vie même de Rabbi Méïr.

Porté par les événements à connaître les institutions romaines, initié par ses relations personnelles à la philosophie païenne, obligé de chercher un refuge, tantôt au nord, tantôt au sud, mêlé à toutes les discussions, doué d’un esprit sagace et d’une mémoire prodigieuse, admiré pour sa science profonde, Rabbi Méïr est pour l’historien le résumé vivant du siècle qui le vit naître et la personnification même du Talmud où son nom est mentionné à presque toutes les pages.

Notre but serait atteint si cette étude pouvait faire disparaître la toute-puissance de certains préjugés, et si le lecteur voulait bien accorder un juste tribut d’estime et de reconnaissance à Rabbi Méïr ainsi qu’aux autres docteurs du Talmud, ces hommes modestes, doux et laborieux, qui n’avaient qu’un désir, qu’une ambition : le bonheur et le progrès de l’humanité par la paix, la science et le travail.

Paris, juin 1883.

Source : Un Tanah : Étude sur la vie et d’enseignement d’un docteur Juif du IIe siècle. Raphaël Lévy. Paris, éditions Maisonneuve, 1883. [Version originale numérisée : Bibliothèque numérique de l’AIU]

Retour en haut