Traité des Poisons de Maïmonide | ספר הסמים וההישמרות מפני הסממנים הקטלניים
Section II. Chapitre 3
Traduction I.-M. Rabbinowicz (1865)
Chap. III. Médicaments simples ou composés qui peuvent être administrés utilement contre tout poison quelconque.
Les substances simples ou composées qui ont la propriété de délivrer de l’effet de toutes les espèces de poison sont appelées en général préservatifs (litt. utiles) contre les poisons ; on les nomme aussi neutralisants ou bien encore bézoards qui est un mot persan.
On sait aussi depuis longtemps que le remède composé le plus efficace contre toute espèce de poison, c’est la grande thériaque, ensuite le mithridate (confectum mithridaticum) puis la thériaque diatessaron. Parmi les médicaments simples le meilleur est l’émeraude, c’est l’antidote qui peut triompher de tous les poisons animaux et de la morsure ou piqûre des animaux venimeux. Cette pierre possède encore la propriété de fortifier le cœur, en la conservant dans la bouche ; elle calme les douleurs de l’estomac en l’appliquant sur cet organe à l’extérieur ; retenue dans l’intérieur de la bouche, elle fortifie les dents. Toutes ces propriétés ont été citées par le cheik Abou Merwan Ibn Zohar qui les a constatées par une longue expérience : car c’était le plus grand expérimentateur pour les médicaments, celui qui les a le plus essayé particulièrement dans le but de la toxicologie, et qui était en même temps le plus capable de le faire par l’étendue de sa fortune, et sa sagacité dans les matières médicales. Il m’a été raconté par tous ceux de ses disciples et de ses amis que j’ai rencontrés, que soit qu’il fût en voyage ou chez lui, il avait constamment sous la main un petit coffret d’argent contenant de la grande thériaque ou un morceau d’émeraude. Que Dieu ait pitié de lui ; il était très en garde contre le poison.
Après l’émeraude vient le bézoard animal, puis les pepins de citron, puis le méliot d’Égypte (trigonella hamosa Forsk). Déjà ces substances ont été mentionnées, ainsi que les doses à prendre de chacune d’elles. Parmi les médicaments simples d’une utilité générale quand on ignore la nature du poison, et les plus faciles à trouver, est le tribulus terrestris, (Linn. herse terrestre) à la dose de deux drachmes en boisson ; de la graine de ruta graveolens sauvage ou cultivée à la dose de 1 miskal en boisson ; toutes les espèces de menthe qu’on pourra trouver. Si celle qu’on peut avoir est à l’état vert, on la fait bouillir dans un rotl de vin, pour la boire ; si elle est sèche, on la pile, on la passe au tamis et on en prend de la poudre à la dose de 3 drachmes dans du vin. De même les caillettes, toutes sans exception, mais particulièrement celle du lièvre ; on les emploie depuis une demi-drachme jusqu’à une drachme et demie avec du vinaigre de vin, par gorgée. Toutes ces substances sont efficaces pour combattre les poisons, toutes sont faciles à trouver, et toutes sont très-utiles.
Traité des poisons de Maïmonide (XIIe siècle). Avec une table alphabétique de noms pharmaceutiques arabes et hébreux d’après le Traite des synonymies de M. Clément-Mullet. Traduit par le DrI. M. Rabbinowicz. Paris, Adrien Delayahe (éd.), 1865. [Version numérisée : archive.org]