Traité des Poisons de Maïmonide | ספר הסמים וההישמרות מפני הסממנים הקטלניים
Section I. Chapitre 4
Traduction I.-M. Rabbinowicz (1865)
Chapitre IV. Médicaments composés qu’on emploie avec succès dans l’espèce.
Le plus énergique de ce genre de médicaments c’est la grande thériaque, qu’on emploie depuis la quantité d’un quart de drachme jusqu’à celle de 1 mitskal. Vient ensuite le mithridate qu’on emploie à la dose d’un quart de mitskal ; la thériaque diatessaron qu’on prend depuis 1 drachme jusqu’à 4. Voici la recette pour la composition de cette thériaque : de la myrrhe, des baies de laurier (laurus nobilis, Linn.) décortiquées, de la gentiane grecque, de l’aristolochia longa. On pétrit toutes ces substances prises en parties égales avec du miel qu’on aura fait écumer, en quantité triple de toutes ces substances prises ensemble. Chacune de ces quatre substances est déjà par elle-même une thériaque contre tous les poisons. C’était la première composition que préparaient les anciens contre tous les poisons en général. On préparait aussi la thériaque d’asa fetida indiquée par Rhazès contre tous les poisons froids. Il ne faut pas négliger de la préparer. Voici sa composition : feuilles de ruta graveolens desséchées, du costus d’Arabie, de la menthe desséchée, du poivre noir, de la camomille pyrèthre : de chacune de ces choses 1 once ; de l’asa fetida 1 once et demie, qu’on fait dissoudre dans du vin. On pulvérise les substances sèches, on les passe au tamis, on pétrit le tout ensemble avec du miel dont on a enlevé l’écume. Cette thériaque acquiert de la qualité en prenant de la consistance. Dans les contrées chaudes, on en prend depuis 1 drachme jusqu’à 2 et dans les contrées froides depuis 2 jusqu’à 4. Il y a la thériaque à la noix, c’est la thériaque noble. Il ne faut pas négliger de la préparer pour en avoir toujours à sa disposition. Il y en a qui prétendent que l’individu qui aurait constamment l’attention de prendre de cette thériaque avant de manger, serait à l’épreuve de tous les poisons. Elle se compose du mélange des quatre substances suivantes : figue, sel, noix et rue. Les proportions de chacune sont celles indiquées par Galien : feuilles de rue, 20 parties ; amandes de noix, 2 ; sel, 5 ; figues sèches, 2. On effectue le mélange de ces choses, et on les pétrit ensemble. La préparation que préfère Rhazès est la suivante : noix sèche décortiquée, sel en gros grains, feuilles de rue sèches ; de chacune de ces choses 6 parties ; figues blanches en quantité suffisante pour agglutiner l’ensemble. On en fait des boulettes plus grosses qu’une noix et on n’en administre qu’une à la fois. Abou-Mervan Aben-Zohar (Dieu lui fasse miséricorde) dit avoir vérifié par l’expérience la thériaque de l’oignon, et avoir constaté son efficacité dans les piqûres et les morsures d’animaux venimeux. Voici sa composition : oignon pelé, 4 onces ; feuilles d’arbousier, gentiane, poivre noir et blanc, poivre long, gingembre, 1 once de chaque ; agaric femelle, lavandula stechas une demi-once de chaque ; opium, 2 drachmes qu’on fait dissoudre dans du vin. On réduit en poudre les substances sèches, on pétrit le tout avec du miel dont on a enlevé l’écume, et le meilleur est celui qui a été amené à un état de consistance. La quantité varie depuis 1 drachme jusqu’à 3. On prend toutes ces thériaques dans du vin ou dans une décoction d’anis comme je l’ai indiqué. Ces doses sont les plus faibles qu’on puisse prendre de chaque thériaque ; mais, pour les augmenter, on se réglera en raison de l’âge, de la gravité des accidents, de la saison et de la contrée où l’on est. En effet, par une température froide et dans des régions glacées, le corps humain supportera une médication énergique, tandis que ce sera tout le contraire dans des contrées brûlantes.
Avicenne décrit un remède électuaire très efficace contre toute espèce de piqûre ou morsure. Voici sa préparation : nigelle de Damas, de la graine d’harmala, du cumin, 3 drachmes et demi de chaque espèce ; de l’aristoloche ronde 1 drachme et demie ; du poivre blanc, de la myrrhe, de ces deux derniers un demi-quart de drachme. On pétrit le tout avec du miel qu’on a fait écumer. On en boit à la dose d’une demi-drachme. Galien fait mention d’un remède très utile contre la morsure de toute espèce d’animal venimeux, contre les douleurs opiniâtres et la suffocation hystérique. On le compose de la manière suivante : suc de ciguë et de jusquiame de chacun 4 mitskals ; du castoréum, du poivre blanc, du costus, de la myrrhe, de l’opium, de chacun 1 mitskal ; on pulvérise le tout , on verse dessus 3 onces de vin doux. On expose au soleil la préparation, on la laisse jusqu’à ce qu’elle ait pris de la consistance, on en fait des pilules de la grosseur d’une fève d’Égypte, on prend ensuite chaque pilule dans 3 onces de vin doux.
L’auteur ajoute : j’ai recueilli ces médicaments composés de l’usage le plus habituel, d’après les récits des médecins anciens et modernes, ce sont les plus faciles à préparer, les plus efficaces, les plus énergiques ; maintenant, chacun prendra ce qui lui conviendra le mieux.
Traité des poisons de Maïmonide (XIIe siècle). Avec une table alphabétique de noms pharmaceutiques arabes et hébreux d’après le Traite des synonymies de M. Clément-Mullet. Traduit par le DrI. M. Rabbinowicz. Paris, Adrien Delayahe (éd.), 1865. [Version numérisée : archive.org]