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Traité de Logique de Maïmonide | מילות הגיון
Chapitre 3
Traduction Moïse Ventura (1935)
Toute proposition dont le prédicat est un verbe, seul ou accompagné d’autres mots [1], est une proposition binaire — qu’elle soit affirmative ou négative — Ex. : Ruben se leva ou Ruben tua Siméon ou bien Ruben ne se lèvera pas ou enfin Ruben ne tuera pas Siméon. Toutes ces propositions s’appellent binaires ; parce qu’elles n’ont pas besoin d’un troisième terme pour lier le prédicat au sujet. Mais la proposition dont le prédicat est un nom [2], nous l’appelons trinaire. Ex. : Ruben …….. riche [3]. Ce dernier terme n’indique pas le temps pendant lequel le prédicat s’applique au sujet ; si Ruben est riche maintenant, s’il le fut dans le temps passé, ou s’il le sera dans l’avenir ; ce qui est impossible de savoir sans l’intervention d’un troisième terme liant le prédicat au sujet. Ex. : Ruben est riche, Ruben fut riche, Ruben sera riche [3].
Il est indifférent pour nous que cet élément soit exprimé ou sous-entendu [4]. C’est pourquoi ces propositions se nomment trinaires [5] et le terme qui lie le prédicat au sujet, en exprimant l’idée du temps, est une copule. Tels les mots fut, est, sera, devient, se trouve et ceux qui en dérivent, lesquels indiquent le temps où le prédicat s’applique au sujet.
Parfois, le prédicat est accompagné de quelques termes indiquant la modalité de la liaison du prédicat au sujet ; tels que : possible, impossible, probable, nécessairement, forcé, nécessaire, blâmable, agréable, convenable, il faut, etc., termes qu’on emploie dans les propositions binaires ou dans les propositions trinaires. Nous les appelons modes. Ex. : Il est possible que l’homme écrive ; l’expression il est possible, c’est un mode [6]. De même dans la proposition : l’homme est nécessairement animal, le terme nécessairement est un mode. Il en est enfin de même lorsque nous disons : Il faut que Ruben se lève. Il est blâmable que Ruben maudisse. Il convient que Ruben apprenne. Il est probable qu’il agisse ainsi. Les termes il faut, il est blâmable, etc., sont des modes.
Quant au verbe nous l’appelons le mot attributif ; les verbes, les mots attributifs [7].
Les termes interprétés dans ce chapitre sont au nombre de cinq : La proposition binaire, la proposition trinaire, le mode, le mot attributif, la copule.
Notes
[1] Nous avons adopté, d’après quelques manuscrits, une version conforme à l’original. Dans les éditions les mots פעל או הפעל sont orthographiés de diverses façons, ce qui a donné naissance à de longues discussions. Comtino lit פעלה או הפעלה (qu’il interprète dans le sens de verbe intransitif et de verbe transitif), Mendelssohn lit פעולה או הפעלה (dans le sens d’action et de passion). Cette controverse repose sur une simple fantaisie des copistes.
[2] Entendez : substantif, adjectif, participe, etc… Voir Ch. I, Note 1.
[3] Le texte dit : Ruben est se levant ; le participe עומד (se levant) étant considéré comme un nom. Nous avons préféré remplacer, dans notre traduction, ce participe par un adjectif.
[4] En effet, en hébreu ainsi qu’en arabe, le présent du verbe être ne s’exprime pas. La proposition n’en est pas moins une trinaire.
[5] Cette distinction entre propositions binaires et propositions trinaires, chère aux logiciens arabes, a sa source dans le livre de l’Interprétation, ch. 10, où Aristote distingue entre la proposition simple du type substantif-verbe, et celle où un troisième élément est nécessaire, ex. L’homme est juste. En fait, l’élément existentiel ou copulatif se trouve sous-entendu dans la première proposition. L’homme marcha, signifie L’homme fut marchant.
Dans les Premiers Analytiques où la proposition est considérée en tant que prémisse de syllogisme, Aristote formule toutes les propositions sous la forme A est B, ou A appartient à B. La copule y est complètement dégagée du prédicat. D’ailleurs, sans cela, le prédicat ne pourrait pas devenir le sujet d’une autre proposition dans le syllogisme.
[6] Voir le livre de l’Interprétation, ch. 12.
[7] D’après la définition d’Aristote, un verbe est ce qui, tout en exprimant comme le substantif un sens défini, est relatif au temps et indique quelque chose d’affirmé de quelque autre chose. (Voir le livre de l’Interprétation, ch. 3.)
Maïmonide. Makala Fi Sana’at Al-Mantik. מילות הגיון. Terminologie Logique. Edition critique par Moïse Ventura. Librairie Lipschutz, Paris, 1935.[Version numérisée : Alliance israélite universelle].