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Traité de Logique de Maïmonide | מילות הגיון
Chapitre 12
Traduction Moïse Ventura (1935)
L’antériorité d’une chose par rapport à une autre se conçoit de cinq façons différentes : [1]
1. L’antériorité dans le temps. Ex. : Noé est antérieur à Abraham, dans le temps.
2. L’antériorité par nature. Ex. : L’animal par rapport à l’homme. En effet, si tu faisais abstraction de la notion animal, tu supprimerais du même coup la notion homme ; mais tu peux faire abstraction de la notion homme, la notion animal ne cesse pas, pour cela, de subsister [2]. Nous affirmons, par conséquent, que l’animal est antérieur à l’homme, par nature, et que l’homme est postérieur à l’animal, par nature.
3. L’antériorité par rang. Ex. : De deux hommes dont l’un, hiérarchiquement parlant, est plus élevé que l’autre [3], nous disons qu’il est antérieur par rang.
4. L’antériorité par mérite. Elle s’applique à un sujet qui est plus parfait et plus respectable qu’un autre. Soit que les deux sujets, en question, se livrent au même genre d’activité ; soit qu’ils se livrent à des genres d’activité différents. Ex. : De deux médecins ou de deux grammairiens dont l’un est plus habile que l’autre, nous disons du plus habile qu’il est antérieur à l’autre, par mérite. Il en est de même lorsqu’il s’agit de deux hommes exerçant des professions différentes ; p. ex. d’un savant moyen, d’une part ; et d’un danseur expert, d’autre part. Nous disons que le savant — bien que moyen — est antérieur au danseur expert, en mérite ; parce que l’exercice de la science est antérieure à l’art de la danse, par mérite.
5. L’antériorité par cause. Soit deux choses qui se rendent réciproquement la présupposition d’existence — l’une ne pouvant pas exister sans l’autre, — mais dont l’une est la cause de l’autre. Nous affirmons dans un tel cas, que la cause est antérieure à l’effet. Ex. : le lever du soleil est antérieur à la lumière du jour, bien que ces deux faits soient simultanés ; car, le lever du soleil est la cause de la lumière du jour.
Nous disons de deux choses, qu’elles sont simultanées [4] dans le temps, lorsqu’elles existent à une même époque ; qu’elles sont simultanées dans l’espace, lorsqu’elles coexistent dans la même place.
De même, nous disons de deux choses, se trouvant à égale distance d’un certain point de départ, qu’elles sont simultanées par rang. Quant à deux choses qui se rendent réciproquement la présupposition d’existence, sans que l’une soit la cause de l’autre, nous disons qu’elles sont simultanées par nature. Ex. le double et la moitié, ainsi que tous les termes corrélatifs, quand on se place au point de vue de la relation [5].
Les termes interprétés dans ce chapitre sont au nombre de neuf :
L’antérieur dans le temps, l’antérieur par nature, l’antérieur par mérite, l’antérieur par rang, l’antérieur par cause, simultané dans le temps, simultané dans l’espace, simultané par rang, simultané par nature.
Notes
[1] Cf. Aristote Catégories III, 12.
Le philosophe grec commence ici par affirmer qu’il y a quatre façons d’interpréter la notion d’antérieur et finit par en faire cinq, en y ajoutant l’antériorité par ordre causal.
Dans la Métaphysique (L. V. Ch. 11), Aristote se plaçant à un point de vue différent, n’énumère pas moins de sept façons de comprendre l’antériorité d’une chose. Mais c’est la version des Catégories que Maïmonide a adoptée en changeant les exemples par d’autres qui font mieux ressortir la distinction entre les différents cas.
[2] Autrement dit : la notion homme présuppose la notion animal, l’espèce présuppose le genre et, par conséquent, le genre est antérieur à l’espèce. Aristote donne ici comme exemple les nombres un et deux : un précède deux, parce que deux existant, il s’ensuit sur le champ qu’un existe ; mais la réciproque n’est pas vraie.
[3] Mot à mot : dont l’un est plus proche ; l’autre, plus éloigné du gouvernement. Maïmonide emploie ici un exemple analogue à celui qu’emploie Aristote dans la Métaph. (Chapitre cité) : le Coryphée est antérieur à l’homme du troisième rang. L’exemple correspondant des Catégories : les lettres précèdent les syllabes, n’est pas assez net et il pourrait s’appliquer aussi bien au deuxième cas.
[4] Cf. Catégories Sect. III – Ch. 13.
[5] Les termes סמוכים et סמיכות que le traducteur emploie ici ont les mêmes sens que מצטרפים et הצטרפות. Le père et le fils, termes corrélatifs, sont simultanés, quand on se place au point de vue de la relation ; mais le père est antérieur au fils quand on se place au point de vue de la causalité (voir commentaire Comtino).
Maïmonide. Makala Fi Sana’at Al-Mantik. מילות הגיון. Terminologie Logique. Edition critique par Moïse Ventura. Librairie Lipschutz, Paris, 1935.[Version numérisée : Alliance israélite universelle].