Bibliothèque numérique ► Traité de Logique de Maïmonide ► Avant-propos de Moïse Ventura ► Introduction de Moïse Ventura ► Préface de Maïmonide ► Chap. 1 ► Chap. 2 ► Chap. 3 ► Chap. 4 ► Chap. 5 ► Chap. 6 ► Chap. 7 ► Chap. 8 ► Chap. 8 Appendice par M. Ventura ► Chap. 9 ► Chap. 10 ► Chap. 11 ► Chap. 12 ► Chap. 13 ► Chap. 14
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Traité de Logique de Maïmonide | מילות הגיון
Chapitre 1
Traduction Moïse Ventura (1935)
Le nom [1] que le grammairien arabe appelle al-mubtada (le commencement), le logicien le nomme sujet ; ce que le grammairien appelle habar’al-mubtada (l’attribut du commencement), le logicien le nomme prédicat [2]. L’attribut peut être un nom, un verbe, une particule [3] ou une phrase [4] ; c’est toujours un prédicat.
Il peut être affirmé ou nié du sujet. Ex. : dans l’assertion Ruben se lève, Ruben est le sujet ; se lève, le prédicat. Dans celle-ci : Ruben ne se lève pas, Ruben est le sujet ; ne se lève pas, le prédicat. Il en est de même des assertions Ruben se leva ou se lèvera ; Ruben est le sujet ; se leva ou se lèvera, le prédicat. Ou encore dans celle-ci : Ruben est dans la maison, Ruben est le sujet ; dans la maison, le prédicat [5].
Il en est enfin de même lorsque l’attribut consiste en une phrase composée d’un nom ou d’un verbe et des mots qui les accompagnent [6]. Tout cela s’appelle prédicat.
L’ensemble de l’assertion composée de l’attribut et du sujet — qu’il s’agisse d’une affirmation ou d’une négation — c’est à dire le sujet et le prédicat ensemble forment une proposition [7]. Cela s’appelle aussi phrase énonciative [8].
Une proposition, quel que soit le nombre des mots qui la composent, est toujours formée de deux membres : le sujet et le prédicat. Ex. dans une phrase comme celle-ci : Ruben l’hébreu qui se trouvait dans la maison de Siméon tua le
fils de Laban l’araméen [9], les mots : Ruben l’hébreu qui se trouvait dans la maison de Siméon, constituent le sujet ; tandis que les mots tua le fils de Laban l’araméen, constituent le prédicat. Tu peux juger par analogie sur d’autres cas.
Les termes interprétés dans ce chapitre sont au nombre de quatre : Le sujet, le prédicat, la proposition, la phrase énonciative.
Notes
[1] Neumann traduit par Begriff (Notion). Il explique dans son commentaire qu’il ne peut être ici question du Nom seulement, étant donné qu’un infinitif ou un pronom peuvent aussi bien servir de sujet. Cette remarque repose sur la méprise de l’étendue du Nom dans les langues sémitiques. Il comprend, en effet, le substantif, l’adjectif, le participe, le nom d’action qui correspond, à peu près, à l’infinitif français, employé comme substantif et enfin le nom de nombre et le pronom. On a ainsi groupé sous le vocable Nom, toutes les parties du discours qui peuvent servir de sujet.
[2] Une proposition se compose de deux termes. Rigoureusement parlant, le mot terme signifie limite (terminus). Les deux termes de la proposition sont donc ses deux limites : le sujet, par lequel elle commence ; et le prédicat, par lequel elle finit. Mais en arabe, comme en hébreu, si le sujet est placé en tête dans les propositions nominales ; dans les propositions verbales, le contraire peut avoir lieu. Dans ce dernier cas, il faut interpréter le mot arabe mubtada, non pas dans le sens de terme commençant, mais plutôt dans le sens de terme prépondérant. C’est ce qu’exprime le mot Hauptsache allemand.
Le copiste du manuscrit 4 (970) nous explique en une note marginale que le sujet est antérieur, de par sa nature, au prédicat ; il en est pour ainsi dire la matière : ונקרא ההתחלה שהוא קודם בטבע : שכן הוא בדבור כאילו הנושא חומר תולו לנשוא לנשוא
[3] La particule comprend tout ce qui n’est ni nom (dans le sens large du mot. Voir Note 1) ni verbe. Nous verrons plus loin que la préposition peut, sous une certaine condition, former un prédicat.
[4] Phrase, c’est la traduction du terme arabe djumla que l’on trouve dans l’original. Le mot hébraïque כלל est ici employé par Ibn Tibbon, dans le sens spécial d’un ensemble de mots formant une phrase. Or, tel n’est pas le sens courant de ce mot. Aussi l’emploi de ce terme équivoque a-t-il induit en erreur Mendelssohn qui l’interprète dans le sens de sous-entendu, comme dans l’expression talmudique : לאו בפירושא אתמר אלא מכללא אתמר
Neumann en suivant Mendelssohn traduit également par versteckt (caché) et par enthalten (contenu). Voir son commentaire.
[5] L’auteur s’applique ici à donner des exemples de propositions ayant comme prédicat 1) un nom, 2) un verbe, ou 3) une particule.
Disons, pour comprendre le premier exemple, que l’hébreu et l’arabe emploient le participe présent dans le sens du présent. Pour dire : Ruben va, l’hébreu et l’arabe disent : Ruben est allant, juste comme l’anglais dirait : Ruben is going. Dans l’exemple cité par l’auteur que nous avons traduit par Ruben se lève, les textes arabe et hébreu disent littéralement : Ruben est se levant. Or, comme dans les langues sémitiques le participe est considéré comme un nom (Voir Note 1). On a ici une proposition dont le prédicat est un nom.
Les exemples suivants : Ruben se leva ou Ruben se lèvera ne présentent aucune difficulté. Ce sont-là des propositions qui ont le verbe comme prédicat.
Quant au dernier exemple : Ruben est dans la maison, c’est la particule dans (complétée par le nom maison qui en est le prédicat. Ceci a embarrassé Mendelssohn. Il déclare qu’en hébreu, cet exemple ne s’appliquerait qu’au nom et, croyant que dans l’original l’auteur a dû s’exprimer ici par l’équivalent de l’adverbe dedans, en un seul mot, à l’exemple de darin, daraus, oben ou unten allemands, il reproche au traducteur d’avoir rendu ce mot par une préposition et par un nom. En fait, on trouve dans l’original : fi al-dar qui signifie également dans la maison. L’auteur, en parlant de particule-prédicat, n’entend pas faire une distinction entre l’adverbe qui a relativement un sens complet et la préposition qui appelle un autre mot.
[6] Nous avons adopté ici une version conforme à l’original : או מה שהתבר עמו au lieu de מה שהתבר עמו. Il s’agit des mots qui accompagnent le nom ou le verbe pour former la phrase-prédicat. L’auteur en donnera plus loin un exemple lorsqu’il montrera qu’il n’y a que deux termes dans une proposition, quel que soit le nombre des mots qui la composent.
[7] Étymologiquement le mot michpat signifie plutôt jugement. Nous l’avons traduit par proposition parce qu’en Logique formelle, ce qui importe c’est moins le processus psychologique de la pensée que l’expression par laquelle on l’énonce. Ce mot est d’ailleurs le seul qui soit employé dans les chapitres suivants et toujours dans le sens de proposition.
[8] La phrase énonciative c’est, d’après Aristote, celle dans laquelle il y a vérité ou erreur. C’est la seule dont s’occupe la Logique. Une prière est aussi une phrase ; mais ne pouvant être ni vraie ni fausse, elle n’est pas énonciative (Voir le Livre de l’Interprétation, Ch. IV).
[9] On lit ici dans l’original : Zaid de Basra qui habitait la maison d’Omar tua son fils Abu-Bekr, l’égyptien. Achitouv conserva dans sa version certains de ces noms. Ibn-Tibbon les remplaça par des noms bibliques.
Maïmonide. Makala Fi Sana’at Al-Mantik. מילות הגיון. Terminologie Logique. Edition critique par Moïse Ventura. Librairie Lipschutz, Paris, 1935.[Version numérisée : Alliance israélite universelle].