Commentaire sur le Séfer Yeṣira ou Livre de la Création par Saadia Gaon

Chapitre 2

Trad. Mayer Lambert (1891)


Premier paragraphe

Traduction

Tu trouves que les dix nombres fermés sont dix et non neuf, ni onze ; comprends cela avec sagesse et raisonne sur eux avec intelligence ; sache, réfléchis et crois, place la chose selon son évidence et établis le Créateur d’après sa qualité. (Les nombres) correspondent à dix infinis qui, au commencement, brillent comme un éclair ; mais quand on recherche leur limite, on ne leur trouve pas de fin ; et l’ordre du Créateur les rend semblables aux anges qui s’élancent et reviennent ; eux donc se précipitent à son ordre comme un tourbillon, et c’est comme s’ils se prosternaient devant son trône.

Commentaire

L’auteur de ce livre commence dans ce chapitre par ce qu’il a dit auparavant, car il nous a déjà fait savoir dans le premier chapitre que les trente-deux modes, dont dix sont les dix nombres, sont les origines des créatures, comme nous l’avons expliqué. Il montre ici, dans trois propositions, qu’ils sont créés, et il y ajoute deux comparaisons appropriées.

La première des trois propositions est : Comprends avec sagesse et raisonne avec intelligence. Quel est le sens de ces deux paroles ? Nous répondrons que la sagesse consiste à constater la chose présente, et l’intelligence à comprendre la chose future, comme il est dit à propos de ces deux (qualités) ensemble : S’ils étaient sages, ils discerneraient ceci, ils comprendraient leur avenir[1]. Pourquoi l’auteur a-t-il accouplé réciproquement (ces deux mots) l’un à l’autre ? Nous répondrons qu’il veut (faire entendre) par là que ce qui viendra ressemble à ce qui est présent ; et que ce qui est présent, avant qu’il fût présent, était futur. Et tout raisonnement qui s’applique à l’un d’eux s’applique aussi à l’autre, et que (sous ce rapport) toutes les choses sont comme une seule, comme il est dit : Ce qui a été est ce qui sera, et ce qui a été fait est ce qui sera fait[2]. De même, les prodiges et les miracles que le Sage a faits pour les ancêtres, il les fera également pour les descendants, ainsi qu’il est dit : Comme au jour de la sortie d’Égypte, je lui montrerai des miracles[3]. Et de même que les nombres existants prouvent un Créateur qui les a construits, car ils apparaissent comme un mur dont les pierres sont superposées à la façon des couches de la terre et des autres composés ; de même tout ce qui est créé à l’aide de ces nombres est construit, composé, constitué, complexe, et prouve un Auteur pour soi et pour les autres choses.

La seconde proposition sur ce sujet est : Examine-les et sonde-les. L’auteur veut dire par là que celui qui parle, quand il parle, celui qui compte, quand il compte, et tous les autres agents quand ils agissent, combinent et composent, ne sortent pas de l’ensemble des (dix nombres), mais font tout cela d’après eux, comme il est dit : Avec eux et d’eux (bahen et méhen). Et il n’y a pas moyen de sortir de dix dans le nombre et de vingt-deux dans la parole, et c’est ce qui prouve que les créatures sont enfermées, sans pouvoir en sortir, dans la ligne que leur a tracée le Créateur — qu’il soit exalté et célébré ! — C’est pour cela qu’il dit : Sache, pense et crois. Le sens de ces trois mots est que l’homme d’abord doit savoir, ensuite qu’il réfléchisse et discerne, puis qu’il croie ce que la raison saine lui certifie comme vrai. Or, je vais expliquer ici un chapitre important de l’entendement et je dirai : Il n’y a pas moyen de discerner une chose avant d’avoir embrassé tous les points qui la caractérisent, et le moyen pour cela consiste à les embrasser par la faculté de la synthèse, et lorsque tu les as tous présents et que tu n’as rien omis, alors c’est la faculté d’analyse qui les dispose, et elle annule ce qui est faux et affirme ce qui est vrai, ou elle approuve ce qui est bien et désapprouve ce qui est mal. Et lorsque l’œuvre de la faculté analytique est achevée, la faculté de la croyance accueille cette chose discernée et jugée, l’adopte et la garde. C’est pour cela que l’auteur dit : Sache, pense et crois.

Le sens de : Place la chose d’après son évidence, et établis le Créateur d’après sa qualité, est que le seul moyen d’établir (l’existence) du Créateur, le Sage, consiste à établir d’abord les réalités (des choses). En effet, nous, la communauté des croyants, reconnaissons en premier lieu que nos sens nous donnent toujours la vérité, par exemple : Telle lumière est une lumière réelle, de même l’ombre ; tel objet chaud est chaud véritablement, de même le froid, et telle substance ne comporte aucun doute, de même l’accident. En général, la science consiste à arranger les choses dans leur ordre, et à les mesurer selon leur mesure. Et ce faisant, il est juste que ce que nous en déduisons par notre raison et notre esprit soit une vérité certaine, à savoir que (les choses) ont un Auteur sage — qu’il soit exalté ! — ainsi que tout ce qu’ont besoin (de croire) ceux qui s’attachent à leur foi. C’est pourquoi (l’auteur) a mis : Place la chose selon son évidence et établis le Créateur d’après sa qualité. Et c’est pour cette raison que la loi a mentionné la création avant le Créateur, en disant : Au commencement créa Dieu[4]. Mais celui qui prétend que les sensations ne lui paraissent pas établies et qu’elles ne sont pas certaines pour sa raison, n’a aucun moyen d’en tirer une vérité cachée ou d’en déduire un fait ignoré.

Dans la troisième proposition l’auteur dit : (Les nombres) correspondent à dix infinis dont le début est semblable à l’éclair et dont la fin est sans limite. Il veut dire par là que les origines des choses ne font d’abord que donner une lueur à la raison, c’est comme si elles lançaient des éclairs devant elle, puis elles se révèlent à (la raison) et se manifestent, comme si elles étaient placées devant elle. Puis elles s’augmentent et s’agrandissent au point qu’on n’en peut atteindre les extrémités. Tout homme intelligent constate ce fait quand il se met à réfléchir. Il trouve que sa réflexion fait, en quelque sorte, sortir quelque chose de l’ombre à la lumière, comme il est dit : Il met en lumière ce qui est caché[5]. Ou c’est comme si l’on puisait de l’eau dans un puits profond, ainsi qu’il est dit : (La réflexion est une eau profonde dans le cœur de l’homme); mais l’homme intelligent sait la puiser[6]. Ou comme si l’on était échauffé[7] par l’odeur d’une plante, et qu’on poursuivait cette odeur selon la comparaison qu’en fait (l’Écriture) : Les mandragores ont répandu leur odeur[8]. Ou comme si l’on avait vu briller quelque chose de lumineux et qu’on voulait l’atteindre, comme il est dit : Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière de l’Éternel[9]. Pour ces raisons il convient que le maître fasse aller graduellement son élève dans l’étude et le fasse marcher doucement, de façon à l’élever successivement aux divers états de la connaissance, et qu’il ne lui découvre pas d’un coup les mystères de la science, car cela lui serait trop difficile en raison de son ignorance. Mais qu’il le traite comme on traite l’enfant qu’on sèvre, pour qu’il passe peu à peu du lait à la nourriture (solide), et comme on traite celui qui est resté plusieurs jours sans boire d’eau ou qui n’a pas goûté de nourriture, ou qui n’a pas vu la lumière, ou qui n’a pas fait de travail. Pour tous, la règle est d’aller doucement pour qu’ils reprennent leurs sens. C’est pourquoi on a mis (d’abord) les lettres séparées, puis l’épellation, puis la Bible, puis la Mischna, puis le Talmud, et enfin ce qui est composé du tout. Et de même dans tous les travaux scientifiques ou dans les ouvrages domestiques, il y a des préparations[10], des introductions et des préliminaires par où l’on s’élève d’un objet à l’autre. Il en est de même pour les actes du Sage : Lorsqu’il a voulu montrer sa lumière[11] à Moïse, il a traité doucement sa vue, en l’élevant peu à peu. Il lui a donc fait apparaître un feu terrestre dans le buisson, comme il est dit : Il vit que le buisson était embrasé par le feu[12] ; une fois qu’il a supporté cette (lumière), il lui a fait apparaître la lumière de l’ange comme il est dit : Un ange de l’Éternel lui apparut[13], bien que cette (chose) se trouve avant (l’autre) dans le texte ; et quand il l’a supportée, il lui a montré la lumière, appelée schekina (résidence), comme il est dit : Dieu l’appela du milieu du buisson[14]. Et de même lorsqu’il a voulu faire entendre aux ancêtres sa voix sur le mont Sinaï, il a agi doucement avec leur ouïe, et il les a élevés de degré en degré, comme il est dit : Le son de la trompette allait toujours en augmentant d’intensité[15]. Et, auparavant, il avait déjà employé pour Adam cette gradation, comme il est dit : Ils entendirent la voix de l’Éternel se répandant dans le jardin, à la façon (de la clarté) du jour (lerouaḥ hayyom)[16]. Le sens de lerouaḥ hayyom est : Avec lenteur, à la manière dont le soleil se meut dans le jour au-dessus de la terre, de façon à ne pas les surprendre. Donc, d’après ces principes, l’éclat des nombres et des lettres est comme l’éclair au commencement, et sans bornes à la fin ; mais ce sont seulement les créatures qui ne peuvent en atteindre les limites ; mais pour le Créateur ils sont limités. C’est ainsi qu’il est dit : Il a mis un terme aux ténèbres, il approfondit toute limite, la pierre d’obscurité et d’ombre[17]. Il veut dire par ces mots pierre d’obscurité et d’ombre : de manière à ramener (toutes choses) au principe[18] d’où elles ont surgi pour les hommes, à savoir l’inconnu et le caché, qui ressemble au noir et au sombre.

Les deux paroles qui suivent ces trois (premières propositions) sont (les suivantes) ; d’abord : On a dit d’eux qu’ils s’élancent et retournent. (L’auteur) veut dire par là que toutes les fois que les nombres arrivent à dix, ils retournent et recommencent éternellement et sans fin pour nous, de même qu’il est dit des anges : Les hayyot s’élancent et reviennent selon l’apparence de l’éclair[19]. Ils retournent, vont et viennent et c’est comme s’ils ne quittaient pas leur place[20], comme il est dit : Envoies-tu des éclairs qui partent et qui te disent : Nous voici[21] ? Et cela parce qu’ils ont des visages de tous les côtés, et c’est pourquoi il est dit : Voici que l’ange qui me parlait sortait et un autre ange sortait devant lui[22]. Il n’est pas dit derrière lui, parce que partout où l’ange se tourne, il est en face. Et ce qui existe pour les nombres existe pour les lettres ; elles se répètent toujours, se suivent et se succèdent sans fin pour nous.

La seconde parole est : Et à sa parole ils se précipitent comme un tourbillon ; il veut par là nous faire entrer dans l’esprit comment les lettres et les nombres se sont formés dans l’air, et il dit : C’est ainsi que tu vois comme les tourbillons ont des figures et des formes dans l’air, et en outre ils diffèrent, bien que tous soient ronds, et parmi leurs formes matérielles les unes sont plus longues que larges, les autres ont le cercle combiné avec le carré, et d’autres l’ont combiné avec le triangle ; d’autres sont composées de sphères superposées ; d’autres, de sphères rentrant en partie l’une dans l’autre, toutes étant des espèces de tourbillons. Cette analogie donc nous explique comment les lettres et les nombres se sont formés et ont surgi dans l’air, c’est pourquoi il est dit : L’Éternel (fraya) sa route dans le tourbillon et la tempête[23], et ailleurs : Car voici que l’Éternel viendra dans le feu, et ses chars seront comme le tourbillon[24]. C’est ainsi qu’Ézéchiel a montré, à propos des ofanîm et des hayyot, que les cercles pénètrent dans les cercles comme les tubes dans les tubes. De même a lieu la jonction d’un tourbillon avec un autre tourbillon et d’un ouragan avec un autre ouragan. C’est pourquoi on a vu que (Dieu) — qu’il soit célébré et exalté ! — de même qu’il a révélé aux prophètes la lumière des hayyot et des ofanîm, qui ont des formes circulaires, leur a fait voir de même des vents qui avaient cette forme circulaire, puisqu’il est dit : L’Éternel répondit à Job (du milieu) de l’ouragan[25], et ailleurs : d’un ouragan[26]. Et si tu as bien compris la formation des lettres dans le vent et l’air, comme nous l’avons expliqué, ceci ne te paraîtra pas difficile. Quant au mot : Ils se prosternent devant son trône, il fait seulement allusion par là à ce que (les nombres) lui obéissent et exécutent ses ordres. Et de même, toutes les fois que revient (le mot) prosternation, il ne faut pas le prendre au sens littéral.

Deuxième paragraphe

Traduction

Les vingt-deux lettres dont trois principales, sept doubles et douze simples. Les trois principales sont alef, mem, schin, et elles ont un mystère puissant, admirable et sublime. De là se produisent le feu, l’air et l’eau, avec lesquels (Dieu) a créé l’univers. Les sept doubles sont : bet, guimel, dalet, kaf, pé, resch, tav, qui ont deux prononciations, l’une forte, l’autre douce, ressemblant à la nature du puissant et du faible ; et elles correspondent à ces sept facultés qui se transforment (en leur contraire). Ce qui succède à la vie, c’est la mort ; ce qui succède à la paix, c’est le mal ; ce qui succède à la science, c’est l’ignorance ; ce qui succède à la richesse, c’est la pauvreté ; ce qui succède à la culture, c’est le désert ; ce qui succède à la beauté, c’est la laideur, et ce qui succède à la domination, c’est la servitude.

Commentaire[27]

Nous devons expliquer en cet endroit le nombre des lettres en détail. Car il nous est revenu que des gens disent qu’il y en a quarante-deux. En effet, ils commencent par nos vingt-deux et ils y ajoutent les sept doubles, puis ils y ajoutent les sept voyelles à savoir : qemâṣ, peṭâḥ, ḥalâm, seqôl, ḥarâq, serây et scherâq[28], ce qui fait trente-six, et ils y ajoutent le dhad et le ṭha, le comme lorsqu’on dit appadno[29], le lam dans le mot allah[30], le djîm dans le mot djâbir et le schîn tel qu’il existe en persan[31], ce qui fait quarante-deux sons. J’ai examiné ces vingt sons supplémentaires et j’ai trouvé pour chaque groupe un caractère spécial. Pour les sept lettres doubles, l’auteur du livre les a mentionnées ; quant aux sept voyelles, elles sont comme de l’air entre les consonnes avec lesquelles on parle et se cachent sous leur enveloppe et leur abri. Quant aux six (sons) restants, j’ai trouvé que chacun d’eux était emprunté[32] à deux sons. Le dhad et le ṭha sont empruntés au dal doux[33] (le dh d’une part) et au ṣad et au ṭa (d’autre part). Quant au lam emphatique il tient du lam doux et du nun. Le dur tient du bet et du avec daguesch. Le djîm tient du guimel et du yod, c’est pourquoi les Palestiniens le rendent par le yod avec daguesch[34], et quelques Arabes l’employaient à la place du ya[35], puisqu’ils disent : Nous sommes les enfants d’Alidj pour les enfants d’Aliy ; nous mangeons des dattes barnidj pour barniy[36]. Cela se trouve dans quelques livres de la langue arabe. Et le schîn lourd tient du schîn et du djim. Puisque donc ces (sons) sont empruntés à deux consonnes, ils sont en quelque sorte falsifiés, et il n’est pas nécessaire de les comparer avec les vingt-deux consonnes qui sont fondamentales. Et de la même façon, si quelqu’un s’avisait d’emprunter à toutes les autres couples de consonnes une consonne qui ne soit spécialement ni l’une ni l’autre, certes, il le pourrait ; par exemple, un composé du kaf et du qof ne ressemblant à aucun d’eux, un intermédiaire entre la qamaṣa (l’o) et la petaḥa (l’a) ou entre le ḥalâm (aou) et le scherâq (ou), auquel ne ressemblerait aucun des deux. De telles altérations[37] sont nombreuses. Par exemple, le teinturier fait une teinte intermédiaire entre deux sortes de couleurs comme le rouge, le jaune, le vert. Et tu trouves que les gens du métier disent : Ceci n’est ni pistache, ni myrte, ceci n’est ni jaune, ni carthame, et de même dans les autres travaux, et comme nous l’avons expliqué, au sujet des lois de Niddah, qu’il y a une couleur intermédiaire entre le brun[38] et le safran, de même entre le safran et la couleur du vin, de même entre la couleur du vin et le rouge, de même entre le rouge et le noir[39], et parce qu’il est difficile de les distinguer, nous les déclarons toutes impures, je veux dire les (couleurs) intermédiaires[40]. Et si on examine les autres phénomènes, tu trouves qu’ils peuvent se combiner de façon que leurs espèces se multiplient et qu’elles deviennent innombrables.

Ensuite nous parlerons d’alef, mem, schîn. Comment l’auteur de ce livre a-t-il pris comme leur correspondant trois éléments, le feu, l’air et l’eau, et pourquoi a-t-il omis le quatrième élément, la terre ? Nous donnerons à cela plusieurs réponses : d’abord le but (de l’auteur) n’est que de mentionner les origines du monde ; or, le feu, l’air et l’eau sont les éléments sur lesquels les hommes ont discuté, et qui, chacun, ont été donnés comme origine du monde[41] ; il les a donc mentionnés. Mais il n’a pas mentionné la terre, qui n’a été donnée par personne comme origine (du monde).

De plus, comme la terre est le centre de l’univers et le supporte, il était inutile de la mentionner. C’est ainsi que l’Écriture a dit : Lorsque la poussière était fondue pour (devenir) la base (du monde) et que les mottes de terre s’attachaient ensemble[42]. Ensuite, comme l’eau recouvra la plus grande partie (de la terre) en l’entourant, il a mentionné ce qui est visible et a fait rentrer ce qui est caché dans son enveloppe, comme il est dit : Tu as recouvert (la terre) avec l’Océan comme avec un vêtement, les eaux s’arrêtent sur les montagnes[43]. Ensuite comme les mathématiciens n’ont pas pu séparer la mesure de l’eau de la mesure de la terre, de façon à connaître l’étendue de chacune à part comme ils connaissent l’étendue spéciale des sphères et la mesure spéciale de l’air qui est entre nous et la lune, et qu’ils ont seulement donné la mesure de l’eau et de la terre ensemble, cet homme aussi les a réunis à peu près comme la Torah a mis que l’eau et l’air sont rattachés à la terre[44], ainsi que nous l’avons expliqué pour le mot : Et la terre était informe et vide[45]. En outre, aucun des éléments ne se transforme naturellement (en un autre) et n’est le produit naturel d’une transformation, si ce n’est la terre seule[46]. En effet, quand le feu agit sur ses propres forces, de façon à les dédoubler, il se transforme naturellement en terre[47], et lorsque le froid augmente dans la profondeur de la terre, elle coule et devient physiquement de l’humidité. Et puisque sa nature, comme nous l’avons exposé, est de se transformer naturellement et d’être le produit naturel d’une transformation, (l’auteur) s’est dispensé de la mentionner.

Enfin, l’auteur de ce livre se conforme à (certaines) habitudes. En effet, de même qu’il a dit que les choses se trouvent (sous) trois (formes), l’écriture, le nombre et la parole, et il a omis de mentionner leur existence en elles-mêmes[48] ; de même il a mentionné ces trois éléments qui sont portés (par la terre) et a laissé le quatrième qui se tient par lui-même. Et ce que nous avons dit suffit pour (expliquer) cette abréviation[49].

Puis nous passerons aux lettres doubles ; nous en séparerons le resch et nous parlerons des six autres, je veux dire bet, guimel, dalet, kaf, pé, tav. Nous dirons que chacune d’elles peut être forte ou faible lorsqu’elle se trouve dans le corps des mots pour des raisons dont l’explication serait trop longue ici. Tantôt cela dépend de l’affirmation ou de la négation[50]. (Ex.) : Véhaddam[51] (et le sang) avec un daguesch pour l’affirmation, mais hadham[52] (est-ce que le sang ?) avec un dalet rafé pour la négation ; tantôt de la détermination et de l’indétermination ; on dit : babbayit (dans la maison)[53] avec le daguesch, pour la détermination, et on dit : bebhayit (dans une maison)[54], avec le bet rafé pour l’indétermination ; tantôt de l’absolu et du construit[55], exemple : bakkol (dans le tout)[56], avec (le kaf) daguesch à l’absolu, et bekhol haareṣ (sur toute la terre)[57], avec kaf rafé au construit, et d’autres cas semblables ; mais nous les laisserons de côté, parce que les autres lettres ont les mêmes règles, comme nous l’avons expliqué dans le livre du daguesch et du rafé, et nous nous occuperons des (règles spéciales) aux begadkéfat, et nous dirons que la loi de la langue de nos pères est que lorsqu’un mot quelconque se termine par une des six voyelles, la petaḥa étant exceptée, si la consonne qui suit est une des begadkéfat, elle doit être rafé[58]. Cela n’est pas seulement dans la Bible mais dans toutes les paroles et dans toutes les prononciations, même chez les femmes, comme on a raconté qu’une femme est allée chez le maître d’école et lui a dit : Yé safera afné bheri[59] (avec le bet) rafé, c’est-à-dire : Ô maître, laisse partir mon fils, et elle n’a pas prononcé beri avec un daguesch (dans le bet), et une autre a appelé son fils GadGad, avec un daguesch (dans le guimel), et il ne lui a pas répondu ; mais yé ghad (à le guimel rafé) par suite de l’addition de . Dans la Bible toute (lettre) parmi les begadkéfat, précédée d’une des six voyelles, la petaḥa étant exceptée, est rafé. Nous ne nous étendrons pas sur les exemples, mais nous dirons : Il n’y a d’exception à ces règles que cinq (cas) généraux et dix (cas) isolés. Les cinq (cas) généraux sont :

1° Toute petaḥa qui est suivie des begadkéfat, par exemple : ma bbéṣa’[60], uma bbar[61].

2° Chaque fois que deux bet se trouvent avec un scheva, par exemple : wayhi bebho’am[62], nischkebha bebhosténu[63].

3° Lorsque deux kaf se suivent avec un scheva, par exemple : halo’ kekharkemisch[64], ketanna kekhaf[65].

4° Chaque fois que le bet et le sont joints par un scheva, par exemple : samti befikha[66].

5° Tous les vayhi kischmoa’[67] en particulier.

Les dix cas isolés sont :

1°-2° les deux ga’oh gga’a[68] ;

mi kkamokha né’édar[69] ;

yiddemu kka’abhen[70] ;

5°-8° ggedabherayya ddethabherayya[71] ;

venil’éthi kkalkél[72] ;

10° vesamti kkadkod[73].

Pour les lettres begadkefat non précédées d’un mot terminé par une voyelle, il y a trois exemples où elles n’ont pas de daguesch : missinay bhaqqodesch[74], qav thohu[75], schalev blah[76]. Parfois on explique que le kaf soit rafé dans mi kkamokha ba’élim et ait un daguesch dans mi kkamokha né’édar pour une cause qu’il n’y a pas lieu d’exposer ici.

Quant à la double prononciation du resch, elle existe pour les Tibéraniens dans la Bible, et pour les Babyloniens dans leur parole, non dans l’Écriture ; et ils disent : Voici un resch grasseyé et un resch qui n’est pas grasseyé. Nous avons cherché les règles des Babyloniens en cette matière, et nous ne leur avons pas trouvé de règle générale. Quant aux règles des Tibéraniens, nous les mentionnerons dans l’explication du quatrième chapitre de ce livre à propos de la division des vingt-deux lettres en cinq groupes, avec l’aide du Miséricordieux[77].

Quant au sens de doubles qui sont des contraires, nous l’avons déjà expliqué précédemment[78].

Troisième paragraphe

Traduction

Les sept doubles qui sont : bet, guimel, dalet, kaf, pé, resch, tav, sont sept et non six, et non huit, parce qu’elles correspondent à ce qui est placé entre six côtés, à savoir : le haut, le bas, l’est, l’ouest, le sud et le nord, et au milieu est le sanctuaire. Et de même nous disons que le Créateur est au milieu de son univers, il le supporte et le maintient, mais son univers ne le supporte pas et ne le maintient pas[79].

Commentaire

(L’auteur) s’occupe maintenant de trouver les raisons des sept lettres doubles (en disant) que tout lieu est nécessairement composé de sept choses, d’abord de ce qui est placé, puis des six côtés qui l’entourent. En effet, quand tu parles du haut, du bas et des quatre côtés, le tout se rapporte à l’objet central, le haut est son haut, le bas est son bas, et les côtés sont ses côtés ; la septième chose est donc nécessairement liée à eux. Et bien que cette proposition soit commune à tout objet placé, l’auteur de ce livre n’a pris comme exemple que le sanctuaire en particulier, parce qu’il est au milieu de l’espace et du temps[80]. Sur sa position centrale dans l’espace il est dit : Voici Jérusalem que j’ai mise au milieu des nations, et les pays autour d’elle[81]. Et pour sa position centrale dans le temps, il a été bâti à peu près à la moitié des six mille ans, qui sont, d’après beaucoup de gens, la durée du monde. En effet, il est dit : Or, dans l’année 480 de la sortie des enfants d’Israël du pays d’Égypte, il bâtit le temple pour l’Éternel[82]. Et il s’était passé avant cela 2448 ans, en tout 2928 ans. Il est juste qu’il ait été placé ainsi, pour qu’il supporte ce qui est avant lui et ce qui est après lui[83]. De même, l’arche sainte était au milieu du peuple, comme il est dit : Le camp des lévites est au milieu des autres camps. Et de même le Créateur est au centre de sa création de façon à la soutenir, comme il est dit : Car, moi, l’Éternel, je réside au milieu des enfants d’Israël[84]. Ce n’est pas seulement au milieu du peuple d’Israël, mais au milieu de tous les habitants de la terre, comme il est dit : Car, moi l’Éternel, je suis au milieu de la terre[85]. Cette opinion des croyants que le Créateur est à l’intérieur de l’univers, a une haute signification et mérite qu’on y croie fermement. Nous en parlerons dans l’explication du quatrième chapitre[86] de ce livre, avec l’aide de Dieu.

Quatrième paragraphe

Traduction

Les douze simples sont douze et non onze, ni treize ; elles correspondent aux douze lignes qui appartiennent à tout cube, et leur compte s’établit par la rencontre de l’est avec le nord, le haut et le bas, puis par la rencontre du nord avec l’ouest, le haut et le bas, puis par la rencontre de l’ouest avec le sud, le haut et le bas, puis par la rencontre du sud avec l’est, le haut et le bas.

Commentaire

Tout corps cubique a douze arêtes, et si tu prends pour comparaison une chambre ou une boutique, tu le comprendras, car le plafond se rencontre avec les quatre côtés, et le sol avec les quatre côtés, puis les quatre côtés l’un avec l’autre, ce qui fait en tout douze (lignes).

Si quelqu’un demande : Mais alors nous voyons que l’auteur de ce livre a prétendu que le ciel est carré, et qu’il n’y a pas de ciel sous la terre. Or, ce sont deux propositions contraires à ce qu’admettent les savants !

Nous répondrons d’abord qu’il est possible que cette parole soit une comparaison, non une affirmation ; il compare en quelque sorte avec le ciel et la terre comme nous avons comparé avec une chambre ou une boutique[87]. Puis, nous dirons : Si même cette parole était une affirmation, (l’auteur) ne se mettrait pas par là en conflit avec les théories des savants sur aucun des deux points. En effet, quelques savants ont dit que la terre est carrée ; on a même dit qu’il n’y a pas d’autre forme dans le monde que le carré, et que tout corps triangulaire ou sphérique que nous voyons est composé de petites parties carrées encastrées de façon que les sens ne parviennent pas à les distinguer. (L’auteur) ne repousse pas ce (système) puisqu’il dit une chose semblable.

Que le ciel serait au-dessus de la terre, mais non au-dessous, c’est ce que Rabbi Éliézer et Rabbi Josué admettent tous deux[88], et ils discutent sur le tour que fait le soleil, tout en étant d’accord sur ce principe. Tous deux admettent que des deux côtés de l’orient et de l’occident il y a des portes par où le soleil entre chaque matin et par où il sort chaque soir. Leur point de discussion est seulement ceci, que Rabbi Éliézer croit que, lorsque (le soleil) sort par une des portes de l’occident, le soir, il s’élève au-dessus du ciel, dans sa marche circulaire, de sorte qu’il rentre de nouveau par les portes de l’orient, le matin ; et Rabbi Josué est d’avis que, lorsque (le soleil) sort par une des portes de l’occident, le soir, il tourne autour du nord et ne cesse de marcher là-bas, et il rentre par une des portes orientales. Tous deux admettent aussi que le ciel, tant dans la partie verticale que dans la partie qui forme la voûte, est comme un intermédiaire opaque qui empêche la lumière du soleil de pénétrer au-dessous, sans cela le soleil ne nous serait pas caché la nuit. Voici leurs termes : R. Éliézer dit : Le monde ressemble à une galerie, et le côté nord n’est pas fermé, et quand le soleil arrive à l’angle nord-ouest, il tourne et s’élève au-dessus du firmament. Rabbi Josué dit : Le monde ressemble à une voûte, et le côté nord est fermé, et quand le soleil arrive à l’angle nord-ouest, il fait le tour et revient derrière la voûte. Et bien que l’opinion reçue chez nous soit que la sphère (céleste) et la terre sont toutes deux comme une boule, et que la terre est à l’intérieur du ciel comme un point ; que le soleil tourne le jour au-dessus de la terre, et la nuit au-dessous de la terre, et que c’est l’opacité de la terre qui empêche de voir le soleil pendant la nuit et la moitié de la sphère céleste perpétuellement, et bien que cette opinion aussi ait été mentionnée par les anciens puisqu’ils disent : Les savants des nations du monde disent : Le soleil marche le jour au-dessus de la terre, et la nuit au-dessous de la terre. Rabbi dit : Leurs paroles sont plus acceptables que les nôtres[90] ; cependant l’opinion de l’auteur de ce livre a été émise par beaucoup d’anciens.

Parfois les gens se trompent sur ce point, et augmentent les limites jusqu’à en donner seize, et cela parce que tout en disant : La limite est-nord, ils disent aussi : La limite nord-est ; or c’est la même ligne ; et de même qu’ils disent : La limite nord-ouest, ils disent aussi : La limite ouest-nord ; or c’est la même, les mots seuls étant intervertis. Ils font de même pour la limite ouest-sud et pour la limite sud-est, en intervertissant les mots : Si tu trouves quelque chose de semblable dans les textes, efface-en ces additions pour les conformer à ce que nous avons écrit.

Cinquième paragraphe

Traduction

Si nous disons que c’est avec elles que l’Éternel Maître des légions, Dieu d’Israël, Dieu vivant, puissant, suffisant, noble et sublime, subsistant dans l’éternité, dont le nom est saint, a tracé les vingt-deux lettres d’après la construction de la sphère, c’est que de même que la sphère en tournant met derrière ce qui était devant, de même les lettres, quand on les intervertit, mettent derrière ce qui était devant. La preuve en est que tu dis ‘onèg (délices) et c’est (une chose) désirable, et tu dis néga’ (plaie) et c’est (une chose) détestable, les lettres sont les mêmes, seulement elles sont interverties.

Commentaire

Cette parole — que Dieu t’ait dans sa grâce ! — est le pivot sur lequel tourne ce livre, à savoir que le Créateur — son nom soit béni ! — a disposé quelques-unes de ces lettres et quelques-uns de ces chiffres d’une certaine façon et a produit par cette disposition un corps quelconque ; ensuite il les a disposés d’une seconde façon, en transposant les places des parties d’un endroit à l’autre, et il a créé par-là un corps diffèrent du premier. Et d’après cela tu te représenteras que les diverses dispositions, dont l’une diffère de l’autre, produisent des corps divers dont l’un ne ressemble pas à l’autre. (L’auteur) a fait pour cela deux comparaisons, tirées l’une de la révolution de la sphère, et l’autre de la révolution des lettres, et nous pourrions faire encore plus de comparaisons, mais nous commencerons par celles qu’il a faites et nous dirons que si nous réunissons trois lettres : ḥet, ṣadé, resch, et que nous les laissions composées de cette façon (aṣer), le sens en est « cour », et si nous disons ḥaraṣ (le sens) change et devient « couper », et si nous disons réṣaḥ, il devient « meurtre » ; ce sont toujours les mêmes lettres, et si nous disons ṣoḥar, cela devient « blancheur » et ce sont les mêmes lettres, si ce n’est que l’une est mise à la place de l’autre. Parmi les différentes sortes d’interversions il en est qui ne donnent pas de sens ; par exemple, si tu réunis (les lettres) qof, schin, resch (qaschar), cela signifie « lier », et si tu le changes en qéresch, cela devient « poutre »[91], et schéqer signifie « faux », et scharaq « siffler », reschaq « bonheur » dans le langage du Targum, mais rqsch ne signifie rien du tout dans cette langue. Si tu supposes un mot formé de quatre lettres, les transformations et ce qui en résulte se multiplient un certain nombre de fois. Et si tu le prends de cinq lettres, elles se multiplient encore davantage d’après ce que nous expliquerons dans le troisième chapitre[92]. Puis nous dirons (qu’il en est) de même dans l’interversion des mots, par exemple on dit : Cent mille et un dinars ; si l’on transpose un (mot) avec l’autre cela fait un mille cent dinars. Compare à cela ce qui y ressemble. De même on dit dans la logique : Tout vivant est une substance, c’est juste ; toute substance est vivante, c’est faux. Et de même tu transposes : Tout homme est vivant et tout vivant est homme. D’après cela on enseigne[93] les trois figures[94] pour tout attribut, sujet et conclusion[95] par l’interversion. De même on lit dans l’Écriture : Abanim schahaqu mayim[96] dont le sens est que l’eau broie les pierres, et ailleurs : ‘Ohker bétho boṣéa‘ béṣa‘[97] qui signifie : Celui qui est avide de gain fait honte aux gens de sa maison. Et on dit dans la Mischna[98] que l’interversion défend et permet : Il est permis d’épouser la parente de la rivale de la belle-sœur qu’on a refusé d’épouser, et il est défendu d’épouser la rivale de la parente de la belle-sœur refusée, c’est-à-dire qu’une parente de la rivale de la femme refusée (par son beau-frère)[99] est permise à ce beau-frère : Ruben est décédé et il a laissé deux femmes, Siméon (son frère) a refusé d’épouser l’une d’elles, il peut épouser la sœur de la rivale (de cette femme) mais il ne lui est pas permis d’épouser la sœur de cette femme qu’il a refusée, ni d’épouser la rivale de cette sœur, puisque c’est la rivale de la parente de la femme refusée. Et on dit dans le Talmud que l’interversion condamne à payer de l’argent et empêche de payer de l’argent[100] : La moitié que j’ai de la terre, c’est la moitié ; la moitié de la terre que j’ai, c’est le quart. Voici ce que cela signifie : Deux frères se sont partagé un champ, l’un d’eux a certifié à quelqu’un : Je t’ai vendu la moitié que j’ai de la terre, il lui doit la moitié, mais s’il lui dit : La moitié de la terre que j’ai (il ne lui doit que) le quart. La même différence existe en géométrie entre le mot : un triangle dans un carré et : un carré dans un triangle, et dans les autres dispositions des figures. Cela est très clair surtout pour celui qui est versé dans la science de la révolution de la sphère ; toutes les fois qu’elle tourne de la mesure d’un signe (du zodiaque), il en résulte des figures dont l’une ne ressemble pas à l’autre, et elles ont des influences correspondantes selon les données de cette science. Ainsi nous avons représenté l’image de la sphère pour la moitié de ce jour présent qui est le mardi, douze sivan de l’année 1242[101] ; le soleil était au septième degré des Gémeaux, et la lune au deuxième du Scorpion, Saturne au quinzième du Capricorne, Jupiter au vingt-cinquième des Poissons, Mars au quatrième des Poissons, Vénus au vingt-cinquième du Cancer et Mercure au vingtième du Taureau. Et si notre travail est pour la première heure et pour la seconde de la journée, (les astres) les plus puissants dans la sphère céleste sont le soleil, puisqu’il est à l’horizon[102], et Jupiter et Mars, puisqu’ils sont tous deux au milieu du ciel ; quant aux quatre autres planètes, elles sont cachées, puisque Vénus est au deuxième degré, la lune au sixième, Saturne au huitième et Mercure au douzième. Et toute chose qui est sous l’influence des trois premières planètes est forte, parce que leur lumière tombe sur l’horizon, et toute chose qui est sous l’influence des quatre autres planètes est faible, puisque l’horizon ne reçoit pas leur lumière. Si nous faisons (ce travail) pour les troisième et quatrième (heures) environ, alors que déjà la sphère a tourné d’un signe, c’est alors le Cancer qui est à l’horizon, et toutes les planètes regardent l’horizon, excepté le soleil seul, car Vénus est à l’horizon, la lune est au cinquième (degré), Saturne au septième, Jupiter et Mars sont au neuvième, Mercure au onzième et l’influence de chacun d’eux dépend de sa force à son endroit. Si nous faisons (le travail) pour les cinquième et sixième heures et que déjà deux signes ont tourné, ce qui est à l’horizon c’est le Lion ; les (astres) puissants, dans la sphère, sont le soleil, parce qu’il est au onzième (degré), Mercure parce qu’il est au dixième et la lune parce qu’elle est au quatrième. Quant à Vénus, à Saturne, à Jupiter et à Mars, ils sont tous cachés, et ce qui est sous leur influence s’en ressent. Si nous faisons le travail pour la septième heure et la huitième environ, alors que le quart de la sphère a tourné, ce qui est à l’horizon, c’est la Vierge et il n’y a aucune des planètes qui soit cachée, parce que la lune est au troisième (degré), Saturne au cinquième, Jupiter et Mars au sixième, Mercure au neuvième, Vénus est au onzième, et de cette façon toutes les influences se compensent. Si nous le faisons pour les neuvième et dixième heures, alors qu’un tiers de la sphère a tourné, le Scorpion apparaît et la lune y est, et la sphère prend une autre forme contraire à celle que nous avons exposée. De même les figures changent dans les deux dernières heures, et dans la suite, selon la révolution (de la sphère). De cette façon se transforment les influences des rayons, les horoscopes et les autres conditions (astronomiques). De même aussi les étoiles fixes, les étoiles changeantes et celles qui ont deux corps marquent comment se fait cette transformation dans chacun des quarts de la journée, ce qui fait six heures, pour recommencer de nouveau. Je n’ai développé ici ces exemples particuliers que parce que l’auteur de ce livre a appuyé là-dessus en disant : La sphère tourne devant derrière, la sphère tourne devant derrière, d’après ce qui a été écrit.

Quant au sens intime de la proposition elle-même, c’est la croyance que le Créateur a disposé les éléments d’une certaine façon, et il en est résulté ce qui est chaud et humide, puis d’une autre façon, et il en est résulté ce qui est le chaud sec, de même le froid humide et le froid sec. Et là où cette observation est surtout profonde, c’est à propos des particularités (des corps) ; en effet, nous trouvons du chaud sec qui fortifie son semblable, et du chaud sec qui affaiblit son semblable, comme la scammonée affaiblit l’or et le dissout. La cause de ce fait réside, d’après nous, dans les spécifications, c’est-à-dire la différence des nombres des parties. Par exemple, supposons (un corps composé de) vingt parties, si (ce corps) est composé de cinq parties de chaque élément, ceci est une spécification ; si deux (éléments fournissent quatre parties) et deux six ou (les) deux (premiers) six et (les) deux (autres) quatre, ceci donne deux (autres) spécifications, et si deux (éléments) donnent sept et deux trois, ou (les) deux

Sixième paragraphe

Traduction

Et la preuve en (est fournie par) des témoignages sûrs : le monde, l’année et la personne. Quant au monde, il est compté par dix, et les trois y sont le feu, l’eau et l’air, les sept sont les sept planètes et les douze sont les douze signes (du zodiaque). Pour l’année, elle est comptée par dix, et les trois y sont l’hiver, l’été, la demi-saison ; les sept sont les sept jours de la semaine ; les douze sont les douze mois. La personne compté[103] par dix, les trois y sont : la tête, le tronc et le reste du corps ; les sept sont les sept ouvertures dans la tête et les douze sont les douze (facultés) directrices.

Commentaire

Voici d’après (l’auteur) tous les trente-deux objets qu’il dit se trouver dans les trois principes[104], comme il l’a détaillé. Et de même qu’il a réuni là-bas[105] l’eau et la terre en un seul mot, de même il a compté ici les deux saisons comme une seule, et il a entendu par là (l’époque) où le jour et la nuit sont égaux, et où le froid et le chaud s’équivalent.


[1] Deutéronome, xxxii, 29.

[2] Ecclésiaste, i, 9.

[3] Michée, vii, 15.

[4] Genèse, i, 1.

[5] Job, xxviii, 11.

[6] Proverbes, xx, 5.

[7] Litt. : A été brûlé. Saadya emploie ici le verbe لفح parce que لفاح signifie « mandragore ». Cette plante passait pour aphrodisiaque, d’où le nom de דודאים, amours.

[8] Cantiques, vii, 14.

[9] Isaïe, ii, 1.

[10] Litt. : Des vestibules.

[11] Nous corrigeons d’après le contexte. Le texte porte : Quand Dieu a voulu faire entendre sa voix à Moïse.

[12] Exode, iii, 2.

[13] Ibid.

[14] Ibid., 4. Cette explication se retrouve dans le commentaire de S. sur l’Exode.

[15] Ibid., xix, 19.

[16] Genèse, iii, 8. Nous traduisons dans le sens que donne Saadya, et qui est confirmé par la traduction et le commentaire de S. sur la Genèse.

[18] Job, xxviii, 3. Saadya applique ces mots à Dieu. Il est plus naturel de les rapporter à celui qui creuse une mine.

[19] C’est-à-dire que Dieu connaît le principe des phénomènes qui se présentent aux hommes.

[20] Ézéchiel, i, 14.

[21] Tout en s’éloignant, ils restent présents.

[21] Job, xxxviii, 35.

[22] Zacharie, ii, 7.

[23] Nahum, i, 3.

[24] Isaïe, lxvi, 15.

[24] Job, xxxviii, 1.

[26] Ibid., xl, 7. En citant les deux expressions, Saadya veut sans doute dire que les ouragans étaient différents.

[27] Ce passage jusqu’à في سائر الصنائع a déjà été publié par M. J. Derenbourg dans son Manuel du lecteur, p. 207-210, auquel nous empruntons quelques notes. Comparez aussi le passage du commentaire de Dunasch Ben Tamim, qui a été publié par M. Dukes, Konteres Hammaasoreth, p. 5 et p. 72.

[27] V. Revue des Études juives, t. XVIII, p. 123.

[29] « Les hommes dont parle Saadya distinguaient donc un en dehors de deux , avec ou sans daguech, qui complèterait la série des lettres muettes, dont le qof représente la palatale, ṭet la dentale, et dont ce serait la labiale. Ceci rappelle le syriaque que M. l’abbé Martin a fait connaître (Journal asiatique, 1869, i, 676 et suiv., d’après Bar Hébræus et Jacques d’Édesse), et qui se présente avec un point dans son intérieur, tandis que les deux autres ont le point au-dessus ou au-dessous de la lettre. On ne saurait dire pour quelle raison le mot appadnô est distingué par ce . Dans la version hébraïque (H), cet exemple est remplacé par אפטרופא (ἐπιτρόπος), ce qui n’est pas clair » [D.]. Nous pensons qu’il faut aussi rapprocher de ce le paït éthiopien. Comme M. D. le remarque, le mot אפדנו est cité par un ancien (Isaac Israëli, chez Dunasch Ben Tamim, l. c.) comme exemple du mot où le dalet équivaut au ظ arabe, ce qui pourrait faire supposer qu’il y a une influence du ד sur le פ.

[30] Très probablement un l mouillé.

[31] « Le ج ou le ز » [D.]. La version H a compris qu’il s’agit du schîn (ou du sîn d’après une variante) dans le mot فرس(?).

[32] Litt. : Dérobé.

[33] Nous croyons qu’il faut lire الدالרפי comme dans C et non الدال والרפי comme l’ont M et H. Le ض est formé du ذ et du ص, le ظ du ذ et du ط. Saadya n’a pas pu dire que le ض serait formé du د et du ذ, et le ظ du ص et du ط ; de plus, s’il n’y avait pas eu quelque chose de commun aux deux lettres, à savoir le ذ, Saadya ne les aurait pas réunies dans une même phrase.

[34] Litt. : Ont mis (le djim) dans le ya daguesché. M. D. a compris que les gens de Tibériade prononçaient le yod double comme le djim. Il pourrait peut-être s’agir là d’une transcription du djim. En écrivant de l’arabe en caractères hébraïques, les Juifs palestiniens se servaient du yod avec un point pour exprimer le djim.

[35] « Voyez de Sacy : Anthologie grammaticale, p. 126 ; Djauhari, Siḥaḥ, s. v. برن. Zamakhschârî, Almufassal. Christianis, 1859, p. 176. Au commencement d’un mot, le nom de يعفر, usité en Yémen, est certainement identique avec celui de جعفر qu’on emploie dans le reste de l’Arabie [D.] ». V. aussi le Kitâb de Sibawaihi, t. II, p. 842. (Paris, 1888.)

[36] Espèce identifiée de dattes.

[37] Litt. : Des falsifications. Le son est faux, parce qu’il n’a pas de caractère propre.

[38] Litt. : Couleur de poussière.

[39] Les différentes couleurs sont énumérées Niddah, II, 6.

[40] Le mot بينى que nous croyons devoir mettre à la place de بين ne se trouve pas dans les dictionnaires.

[41] Voyez dans l’Introduction de S. les quatrième, cinquième et sixième systèmes.

[42] Job, xxviii, 38.

[43] Psaumes, civ, 6.

[44] V. p. 22.

[45] Genèse, I, 2.

[46] La terre seule peut à la fois être produite par un autre élément et produire un autre élément, tandis que les autres éléments n’ont que l’une ou l’autre propriété.

[47] En devenant de la cendre.

[48] V. p. 42.

[49] A partir de là commence la lacune de la traduction de Munich.

[50] Saadya entend, par négation, l’interrogation.

[51] Exode, XII, 13.

[52] II Samuel, xxiii, 17.

[53] I Rois, iii, 15.

[54] Exode, xii, 26.

[55] Litt. : Le maintien dans son essence ou dans autre chose que son essence.

[56] Psaumes, ciii, 19.

[57] Ibid., xix, 5.

[58] Il s’agit bien entendu du cas où les deux mots sont joints par un accent conjonctif.

[59] La prononciation bheri (veri) a dû produire un malentendu comique ; mais nous ne pouvons deviner ce que c’est. Dans la seconde histoire, ce qu’il y a de piquant, c’est que l’enfant étant habitué à être appelé Yé Ghad (prononcé Rhad) n’a pas répondu quand sa mère l’a appelé Gad.

[60] Psaumes, xxv, 10. La règle s’applique à toutes les lettres non gutturales.

[61] Proverbes, xxxi, 2.

[62] I Samuel, xvi, 6 ; XVIII, 6. Quelques éditions ont à tort ויהי בבואהם.

[63] Jérémie, iii, 25. Nos éditions ont à tort בבשתנו.

[64] Isaïe, i, 11.

[65] I Rois, xviii, 44.

[66] Isaïe, lix, 21.

[67] Gen., xxix, 13 ; xxxix, 19 ; Josué, ix, 1 ; Juges, vii, 15 ; I Rois, xiii, 4 ; II Rois, vi, 30. Nos éditions portent כשמע. V. Minhat schay sur Juges, vii, 15.

[68] Exode, xv, 2-21.

[69] Ibid., 11.

[70] Ibid., 16.

[71] Daniel, iii, 2-3. Voyez Minhat schay. On remarquera que, dans les dix derniers exemples, la syllabe commençant par une des lettres begadkefat est entre deux syllabes accentuées. Saadya a omis la règle générale du dehiq, qui, en réalité, s’applique aux cas qu’il a cités.

[72] Jérémie, xx, 9. V. Minhat schay.

[73] Isaïe, liv, 12.

[74] Psaumes, lxviii, 18.

[75] Isaïe, xxxiv, 11.

[76] Ézéchiel, xxxii, 42.

[77] § 3, à la fin.

[78] S. veut sans doute dire dans la traduction qu’il en a donnée, car il n’en a pas autrement parlé.

[79] V. Berésit Rabba, s. 68.

[80] Saadya l’a déjà expliqué à la fin de I, 2. (V. p. 48-49.)

[81] Ézéchiel, v, 5.

[82] I Rois, vi, 1.

[83] Le temple, étant au milieu du temps et de l’espace, semble le supporter, comme le centre supporte la sphère et comme Dieu, qu’il représente, supporte le monde.

[84] Nombres, xxxv, 34.

[85] Exode, viii, 18. Le mot הארץ désigne plutôt le pays d’Égypte.

[86] § 1.

[87] L’auteur ne prétendrait pas que le ciel soit cubique dans la réalité, il le considérerait seulement comme tel, pour y mettre les douze lignes formées par les six côtés dans tout corps cubique.

[88] Baba Batra, 25a, b.

[89] Nous avons corrigé la citation, conformément au texte du Talmud. R. Éliézer dit que le monde ressemble à une galerie et R. Josué le compare à une voûte fermée. Cela est conforme à leur théorie sur la marche du soleil. D’après R. Josué, le côté nord est fermé et c’est lui qui empêche le soleil d’être vu pendant la nuit.

[90] Pesahim 94b.

[91] La traduction dans Yehuda Barceloni donne : קרשי המשכן.

[92] § 4.

[93] Le verbe ورى, montrer, appartient au dialecte vulgaire.

[94] Saadya a en vue les figures præ præ, sub præ et præ sub, c’est-à-dire que dans un syllogisme le moyen terme peut être attribut du sujet dans la majeure et dans la mineure, ou sujet dans l’une et attribut dans l’autre. Saadya ne compte que trois figures, sans doute parce que le quatrième sub sub se ramène à la première.

[95] On ne voit pas ce que vient faire ici le mot « conclusion » ; on attendrait plutôt فى النتيج, ce qui signifierait alors « dans le syllogisme ».

[96] Job, xiv, 19. Litt. : Les pierres broient les eaux.

[97] Proverbes, xv, 27.

[98] Yebamôt, iv, 7. D’après la législation mosaïque (Deutéronome, xxv, 5), lorsqu’un homme mourait laissant une femme sans enfants, le frère du défunt devait l’épouser, ou, s’il refusait, il devait accomplir une cérémonie humiliante pour lui, appelée halisa. Si le défunt avait plusieurs femmes, et que le frère donnait halisa à l’une d’elles, il lui était interdit d’épouser non seulement les parentes de la femme qui avait reçu halisa, mais même les rivales des parentes de cette femme. Mais rien ne l’empêchait d’épouser les parentes des rivales de cette femme.

[99] Saadya fait de חלץ un verbe arabe.

[100] Baba Batra, 68 b.

[101] Des Séleucides, ou 4691 de la création du monde. Le 12 sivan répond au 31 mai 931. Comme les Juifs datent l’ère des Séleucides tantôt de l’année 3448 de la création du monde, tantôt de l’année 3449, on pourrait se demander si l’année 1242 correspond à l’année 4690 ou 4691. Mais le 13 mai 930, 12 sivan 4690, n’était pas un mardi, tandis que le 31 mai 931 était un mardi. Cela prouve donc que Saadya datait l’ère des Séleucides de 3449.

[102] الطالع, c’est la partie du ciel où l’on voit briller les astres, l’horizon.

[103] Ici le manuscrit porte תחצי (تحصى), tandis que pour le monde et l’année il y a תחצא (تحصى).

[104] Le monde, l’année et l’âme.

[105] Ch. ii, 2.

Commentaire sur le Séfer Yeṣira ou Livre de la Création par le Gaon Saadya de Fayyoum. Publié et traduit par Mayer Lambert. Paris, 1891. [Version numérisée : Google].

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