Commentaire sur le Séfer Yeṣira ou Livre de la Création par Saadia Gaon

Chapitre 1

Trad. Mayer Lambert (1891)


Premier paragraphe

Traduction

C’est par trente-deux voies que les mystères de la sagesse ont été tracés par l’Éternel, le Maître des armées, Dieu d’Israël, le Dieu vivant, tout-puissant et suffisant, élevé et sublime, qui habite l’éternité et dont le nom est saint. Il a créé son monde sous trois espèces[1] : l’écriture, le nombre et la parole. Et (ces trente-deux voies) sont les dix nombres fermés[2] et les vingt-deux lettres. Parmi elles[3] il y a trois principales, sept doubles et douze simples.

Commentaire

Je commencerai par fixer le sens des mots et je dirai : J’ai traduit pelaôt mystères comme : La science est mystérieuse (peliâh) pour moi[4]. Trois choses sont des mystères (nifle’û) pour moi[5]. Et j’ai traduit séfer « écriture » comme il est dit : Pour leur enseigner l’écriture (séfer) et la langue des Chaldéens[6], sefâr, « nombre et compte », comme il est dit de Salomon : Après le dénombrement (sefar) qu’avait fait David son père[7] ; et sippûr c’est la parole[8]. J’ai traduit ummôt « principales » d’après ce que j’ai dit précédemment que les éléments s’appellent principes, mères, matières premières, essences (στοιχεῖα). Ensuite, je me mettrai à expliquer les idées et je dirai :

Premièrement, pourquoi l’objet de cette recherche a-t-il été appelé : Mystère de sagesse ? Je répondrai : La sagesse est de deux sortes ; l’une est une science qu’atteignent les êtres raisonnables, et l’autre est une science qu’ils n’atteignent pas. Celle qu’ils n’atteignent pas, c’est la science de la création des choses : à savoir comment le Créateur les a créées de rien, et comment il a donné à chacun de leurs éléments la nature qui lui est propre. C’est là une sagesse qu’il n’y a pas moyen de chercher ni de posséder. Et les sages se sont fait gloire d’avouer qu’ils ne la connaissaient pas, comme Job a dit : Et la sagesse d’où vient-elle ? Quel est le lieu de l’intelligence ? Elle est cachée aux yeux de tout vivant, elle échappe aux oiseaux du ciel. La ruine et la mort ont dit : Nous avons appris sa renommée par ouï-dire[9].

Job commence par dire : D’où vient-elle ? Quel est le lieu de l’intelligence, parce que les intuitions se font de deux manières : ou bien elles se présentent d’elles-mêmes à celui qui les cherche, ou bien elles amènent celui qui les cherche vers elles. Or cette sagesse ne court pas à nous, et n’a pas de place où nous allions vers elle. En ajoutant : l’oiseau du ciel, après avoir mentionné tout vivant, il a en vue les efforts suprêmes, puisqu’il n’y a pas d’animal qui s’élève plus haut que l’oiseau. Il dit donc : Si même il était possible que l’oiseau fût raisonnable, outre qu’il s’élève (dans l’air), son élévation ne lui donnerait pas une faculté de plus pour arriver à (la sagesse). Quelquefois on dit que (Job) a entendu par oiseau du ciel les anges, parce que d’eux il est dit : L’un des Séraphins vola vers moi[10]. Enfin s’il dit : La ruine et la mort ont dit, ce n’est pas que la mort et la ruine parlent et disent rien, mais cela signifie : les gens de la ruine et de la mort, c’est-à-dire que celui qui est mort et a disparu d’entre nous a eu à l’égard de cette sagesse le même sort que nous[11] ; que l’on ne croie donc pas que les anciens qui sont morts l’ont saisie.

Le résultat étant que (Job) la dénie aux hommes, il l’attribue au Créateur — qu’il soit exalté ! — et il dit : Dieu en a compris la voie et lui en a connu la place, car son regard pénètre jusqu’aux extrémités de la terre, il voit tous les cieux, pour donner un poids au vent, et il a réglé l’eau d’après une mesure[12]. En disant de Dieu qu’il a connu la voie qui mène à la sagesse et la place qu’elle occupe, il n’entend pas que la sagesse soit une substance quelconque, située dans un endroit et que le Créateur ait connu cet endroit ; car il est absurde que la sagesse et sa place soient deux choses en dehors du Créateur. Mais comme il a dit des hommes qu’ils n’en connaissaient ni le chemin ni la place, il prend l’inverse par comparaison et dit : Mais le Créateur la connaît, en ce sens qu’il la possède, qu’il en est la source et qu’elle n’est pas autre chose que lui-même. Et il a réuni dans les deux versets : Car lui voit aux extrémités de la terre, etc., — pour donner au vent, etc., les quatre éléments, et il a mentionné la terre, le ciel, l’air et l’eau pour nous faire savoir que, en produisant ces principes et en donnant à chacun une nature propre, il l’a fait avec une sagesse que ne peut saisir aucun des êtres raisonnables.

Agur a dit sur le même sujet : Je n’ai pas appris la sagesse, de façon à connaître la science des Saints[13]. L’explication de ceci est qu’il ne connaît pas la science du Créateur, car Qedoshim (saints) est mis ici à la place de Qadosch (saint), de même que Elohim est à la place de Éloah et adonim à la place de adon. Ensuite il a rapporté que cette sagesse, que les docteurs avouent ignorer, c’est la connaissance de la nature des éléments et de leur spécification. En effet, si l’on faisait au plus savant des savants la question suivante : « Sais-tu pourquoi la nature du feu est de s’élever, pourquoi celle de l’eau est de descendre, celle de l’air d’être insaisissable, celle de la terre d’être inerte ? » il ne saurait répondre autre chose que : Ils ont été créés ainsi et telle est leur nature.

De même Agur (a dit)[14] : Je ne sais pas qui est monté au ciel et en est descendu[15]. Il veut dire par là : Qui[16] a donné au feu la propriété d’être le plus élevé des éléments, de façon que rien ne le dépasse en hauteur. Je ne sais pas non plus qui a recueilli l’air dans ses poings, c’est-à-dire qui pourrait tenir l’air dans ses poings, alors qu’il est par nature insaisissable, ni qui a enveloppé l’eau dans un manteau (c’est-à-dire qui pourrait enfermer l’eau dans un manteau, alors qu’elle est fluide et coulante ; ni qui a établi les extrémités de la terre, c’est-à-dire qui a fixé les extrémités de la terre au centre (du monde). Il ajoute : Si quelqu’un prétend connaître un tel homme, qu’il nous fasse savoir quel est (cet homme) et où est sa trace. (Agur) dit en effet à la fin du verset : Quel est son nom et quel est le nom de son fils ? Il n’a pas dit : Quel est son nom et le nom de son père ? parce qu’il veut parler de la trace qui subsiste après lui, il n’a pas voulu parler de ce qui était avant lui.

Et comme il appelle tous ces quatre actes la science du Saint, il faut les attribuer tous au Créateur ; c’est lui qui est monté au ciel et en est descendu, comme il est dit ailleurs : Élève-toi au-dessus des cieux, ô Dieu[17] ; c’est lui qui a recueilli l’air dans ses poings, comme il est dit ailleurs : Qui tient dans sa main le souffle de tout vivant[18] ; c’est lui qui a enveloppé l’eau dans un manteau, comme il est dit : Il enveloppe l’eau dans ses nuages[19]. Et c’est lui qui a établi toutes les extrémités de la terre, ainsi qu’il est dit : Il a fondé la terre sur ses supports et elle ne chancelle jamais[20]. Et les gens pieux sont ceux qui lui attribuent ces actes, comme (Agur) a dit : Quel est son nom et le nom de son fils ?[21] Mais celui qui pénètre dans sa science sort de leur communion, comme il est dit : Si je racontais de telles choses, j’aurais trahi par là même la génération de tes enfants[22].

Quelquefois on explique tout ce passage (en l’appliquant) à l’encouragement de l’étude de la sagesse. (Agur) dirait donc : Ne vous fiez pas, à son égard, sur ce qu’un père la transmet à son enfant, car nous avons vu une génération (d’hommes) que leurs enfants n’ont pas égalés[23] pour la sagesse ; en effet, parmi ceux-ci, qui est allé au ciel et en est descendu ? allusion à Moïse, comme il est dit : Et Moïse monta vers Dieu[24] ; et parmi ceux qui a recueilli l’air dans ses poings ? allusion à Aharon dont il est dit : Il courut au milieu de l’assemblée, car le fléau avait commencé dans le peuple, il mit l’encens et fit l’expiation pour le peuple[25] ; et parmi ceux qui a enfermé l’eau dans un manteau ? allusion à Élie, de qui il est dit : Élie prit son manteau, il le plia, il en frappa l’eau et elle se sépara de côté et d’autre[26] ; et parmi ceux qui a établi toutes les extrémités de la terre ? allusion à Josué, comme il est dit : De ses cornes il frappa les peuples ensemble, aux extrémités de la terre[27]. Puis il dit avec étonnement : Regarde vers chacun de ces (hommes illustres), quel est son nom et quel est le nom de son fils ?[28] Et de même qu’il est possible qu’un père ait un fils qui ne le vaille pas, de même il est possible qu’il y ait un fils que son père n’a pas égalé. Ce qui confirme cette assertion, c’est que le peuple a employé cette comparaison lorsque Saül a prophétisé devant lui. (On a demandé) : Qu’a donc le fils de Qisch, est-ce que Saül lui-même ferait partie des prophètes ?[29] Et quelqu’un a répondu : Et qui est donc leur père ?[30] En voulant leur dire : La sagesse se transmet-elle donc par héritage ? n’est-il pas dit à son propos : Quel est son nom et quel est le nom de son fils, que tu le connaisses ? Bien que cette explication soit aussi admissible, la première est plus naturelle[31], parce qu’elle rend bien l’idée que renferme le texte[32].

Une fois que chacun d’eux — j’entends Job et Agur — a eu fini de parler de la sagesse qui n’est pas accessible, il a passé à la description de la sagesse qui peut être atteinte, et il a rapporté que c’est la connaissance des commandements et des défenses, rationnels et révélés. Ainsi (Job) a dit à la fin de son discours : (Dieu) a dit à l’homme : Oui, la crainte de l’Éternel c’est la sagesse[33], ce qui désigne le chapitre des commandements, et se détourner du mal, c’est là l’intelligence[34], ce qui désigne le chapitre des défenses[35]. Agur a dit : Toute parole de Dieu est éprouvée[36], faisant allusion aux commandements, et il ajoute la récompense : Il est un bouclier pour ceux qui se confient en lui[37]. Ensuite : N’ajoutez pas à ses paroles[38], ce qui fait allusion aux défenses, et il ajoute la punition en disant : Parce qu’il te châtierait et tu serais convaincu de mensonge[39]. Et cette seconde sagesse, c’est celle dont le prophète a dit dès l’origine qu’elle est facile au lieu d’être difficile, proche au lieu d’être éloignée, puisqu’il a dit : Car cette loi… n’est pas dans le ciel… ni de l’autre côté de la mer…, mais elle est proche de toi, etc.[40]. Et comme la connaissance des préceptes n’est pas mystérieuse[41], la science de la création a été appelée : mystères de la sagesse, et comme celle-là n’est pas éloignée, celle-ci est éloignée[42].

Et si quelqu’un demande : Mais puisque Job et Agur disent expressément que cette sagesse ne peut pas être atteinte et Moïse notre maître y fait allusion, comment Abraham notre père a-t-il prétendu qu’il y est arrivé ? Nous répondrons qu’il n’a pas prétendu avoir constaté comment dans la réalité la création active s’est produite. Il a seulement énoncé que dans son imagination il a conçu l’apparence de la création, de même que nous nous représentons dans notre imagination que (Dieu) a créé les choses de rien, or nous ne voyons pas comment quelque chose peut se réaliser de rien ; de même (Abraham) s’est représenté que l’étincellement de la parole et les formes des lettres dans l’air produisaient des lignes, formaient des figures diverses, et que quelques-unes de ces lignes et de ces figures condensaient des parties de l’air et les exprimaient de façon que l’eau en a été produite, que d’autres faisaient évaporer l’eau, et il en restait quelque chose comme l’écume d’où venait la terre ; d’autres enfin échauffaient l’air, l’amincissaient, l’affinaient et il en sortait le feu. Tout cela par les actes de notre Créateur et non par nos actes, comme nous admettons que la création est de son pouvoir et non du nôtre, et c’est pourquoi (l’auteur) a dit que : les mystères de la sagesse se sont réalisés par trente-deux voies. Il a exprimé la réalisation par le mot il a tracé, bien qu’il veuille dire : il a créé, comme il est dit après : il a créé le monde, parce que le nombre et la parole sont des quantités discontinues, ils n’existent que par série et gradation ; c’est pourquoi il désigne l’emploi des deux par le mot : il a tracé, voulant dire par là qu’ils n’ont que des traits. Il y a, en effet, sept sortes de quantités ; cinq sont continues : le volume, la surface, la ligne, l’espace et le temps ; deux sont discontinues : le nombre et la parole ; donc d’après cette explication les dix nombres et les vingt-deux lettres n’ont que des traits et une série, et leurs parties ne sont pas liées l’une à l’autre : c’est pourquoi (l’auteur) dit : Il a tracé.

Puis nous demanderons : Que signifie l’énumération de ces dix noms (de Dieu) au commencement de ce livre et pourquoi l’auteur ne s’est-il pas borné à un seul d’entre eux ? Nous répondrons à cela que les noms (de Dieu) comme ceux de tout (être) nommé sont employés en tout temps d’après l’événement qui a eu lieu ou qui est rapporté de lui ; ainsi tu sais que Dieu se nomme dans l’œuvre de la création Élohîm, nom d’essence[43] ; il ne s’est pas appelé Adonaï avant que les créatures n’aient été achevées, car le maître est le maître d’un sujet[44], et les Sages ont dit : Il a mentionné un nom plein pour un monde plein[45]. Il s’est appelé El Shaddaï[46] lorsqu’il a résolu d’ordonner à Abraham la circoncision, en lui disant : Compte sur moi [47] qui t’aide et te sauve.

Il s’est appelé : Je suis qui je suis[48] quand il a résolu de produire des miracles et des merveilles pareils aux phénomènes de la création, à savoir les dix plaies et le reste ; il est donc celui qui réalise les choses, sans que lui-même soit réalisé (par autrui). Il s’est appelé Yah[49] quand il a produit des miracles éclatants sur la mer (Rouge)[50]. Il s’est appelé Dieu vivant quand il a exposé que le peuple a entendu sa voix et n’est pas mort, et que lui l’a fait vivre, comme il est dit : Car quelle est toute chair qui ait entendu la voix du Dieu vivant[51]. Il s’est appelé Éternel Sebaot[52] lorsqu’on a raconté le pèlerinage du peuple et son rassemblement (pour se rendre) au sanctuaire, comme il est dit : Et l’homme montait à la ville d’année en année pour se prosterner devant le roi Éternel Sebaot à Shilo[53]. Il s’est appelé Élevé et sublime lorsque (Isaïe) a fait mention d’Uzziyyahu roi de Juda en disant : Dans l’année de la mort d’Uzziyyahu, je vis l’Éternel assis sur un trône, élevé et sublime[54], car d’Uzziyyahu il a été dit : Lorsqu’il devint puissant, son cœur s’enorgueillit de façon à se pervertir, il fut infidèle à l’Éternel son Dieu[55]. Il s’est appelé Seigneur, lorsqu’il a annoncé qu’il enlèverait les grands du peuple puisqu’il est dit : Car voici que le Seigneur Ṣevaot va enlever de Jérusalem, etc.[56]. Il est appelé le plus souvent, dans les livres de Jérémie et d’Ézéchiel, Éternel Dieu, et on n’a pas dit : Éternel Sebaot, à cause de la dispersion des légions d’Israël et le fractionnement de sa totalité, mais lorsque (les Israélites sont retournés dans le second temple, l’appellation a été toujours Éternel Sebaot, et en effet, dans toutes les prophéties d’Aggée, Zacharie et Malachie, il y a toujours Éternel Sebaot. Il n’y a qu’une seule fois : Éternel Dieu d’Israël, et c’est le verset : Car il est odieux de divorcer, a dit l’Éternel, Dieu d’Israël[57]. Cette (parole) peut se prendre au sens étroit et au sens large. Au sens étroit, c’est que la règle du divorce ne peut être appliquée à l’Israélite que par un Israélite, non par les païens, et si (les païens) contraignent au divorce (ce divorce) est nul[58]. Au sens large, bien qu’Israël ait été chassé et expulsé, lui, le Seigneur, ne l’abandonne pas et ne le délaisse pas, et il le considère toujours comme sien[59]. Il a été appelé : Changeant les temps et les époques[60], lorsqu’il s’est agi de changer l’ère de la domination en ère de servitude. Il a été nommé détrônant les rois et relevant les rois[61] lorsqu’il a détrôné Sédécias et fait régner Nabuchodonosor. Il a été appelé donnant la sagesse aux sages[62] pour la sagesse qu’il a enseignée à Daniel ; il a été appelé : Découvrant les choses profondes et les mystères[63], alors qu’il lui a révélé la nature de la vision. Il est dit enfin : Esdras bénit l’Éternel Dieu grand[64], parce que Dieu a dit : Plus grande sera la gloire de ce dernier temple[65].

De même, les noms des anges varient suivant les événements qu’ils sont chargés d’accomplir. Lorsque Dieu les a envoyés à Abraham pour (annoncer) la bonne nouvelle (et qu’ils étaient) comme des hommes, ils ont été appelés hommes[66]. (Lorsqu’il les a envoyés) à Sodome par son décret[67] pour la détruire, ils ont été appelés envoyés[68]. Et (lorsqu’il les a envoyés vers Isaïe, pour le brûler avec le tison ardent, en raison de la négligence qu’il avait mise à avertir [Israël]), ils ont été appelés Séraphins comme il est dit : Un des Séraphins vola vers moi, il avait en main un tison, et en toucha ma bouche[69]. Lorsque Ézéchiel les a vus, comme ils ressemblaient en partie à l’animal non raisonnable, ils ont été appelés Hayyot[70] (animaux), et ceux d’entre eux qui se tournaient de son côté ont été appelés Ofanim[71] (roues), et les plus élevés d’entre eux étaient appelés Keroubim[72], parce que tout être élevé, parmi les hommes s’appelle keroub, comme il est dit au roi de Tyr : Tu es un chérubin qui couvre une grande étendue[73] et le reste du passage.

De même encore les noms des astres varient selon leurs particularités. Celui d’entre eux qui a un éclat puissant s’appelle Maor (luminaire), comme il est dit : Tous les luminaires brillants[74], d’après la désignation du soleil. Ce qui a un éclat moyen s’appelle nogah (clarté) d’après l’appellation de la lune comme il est dit : Et à la clarté de la lune, tu ne verras pas clair[75], bien que le nom de Vénus, en hébreu, soit le même[76]. Ceux qui sont chauds de nature s’appellent Kesilim (Orions) comme il est dit : Car les étoiles du ciel et leurs Orions[77]. À cause du nom de l’Orion qui est Kesil et de ses feux. Ceux qui sont froids de nature s’appellent Mazzarot (Pléiades) comme il est dit : Est-ce toi qui fais sortir les Pléiades dans leur temps ? etc.[78]. De même les différents noms d’Israël : Jacob, Israël et Jesurun[79] et les autres noms élogieux : d’autre part Rébellion[80], Traîtresse[81], Oholah[82] et Oholibah[83], et les autres noms de blâme, chacun suivant les événements. Pour les noms des anges, des astres et de la nation, c’est une interprétation de leur nature réelle, tandis que les noms du Créateur ne sont qu’une indication et une sorte d’extrait de ses actions puissantes — qu’il soit loué et exalté !

Or, d’après ces préliminaires, le but de l’auteur de ce livre étant de représenter comment les choses se sont réalisées, en sorte que les êtres ont existé, lorsque la science des savants les saisit, et que la pensée de ceux qui raisonnent les embrasse, ils trouvent que (toutes choses) rentrent dans dix catégories[84] ni moins, ni plus, et ce sont : la substance, la quantité, la qualité, la relation, le lieu, le temps, la possession, la position, l’activité et la passivité. Et lorsque les savants établissent exactement ces dix catégories, il ne reste point de conception qui ne s’y ramène, si ce n’est l’idée du Créateur, car il est au-dessus de toute intuition et de toute compréhension[85]. (L’auteur) a donc mis au début de ce livre des noms correspondant à ces dix catégories d’une façon approximative et matérielle. Il fait allusion par le nom de Yah à la substance, parce qu’il le traduit : Éternel et le dérive du mot héyoth (être) et hayu (ils ont été) ; (ce nom s’applique) donc à l’éternité, et (Dieu) est le créateur des substances. Le nom de l’Éternel Sebaot se rapporte à l’activité et à la passivité : l’actif c’est l’Éternel, comme il est dit : C’est moi l’Éternel qui fais tout[86], et le passif est en grande quantité, et c’est pour cela qu’il l’appelle « légion »[87]. Il fait allusion, par le nom de Dieu vivant, à ce qu’il est le créateur de la quantité, puisque la mesure de la vie fait partie de la quantité. Il indique par le nom de Dieu tout-puissant qu’il est le créateur de la qualité, puisque le nom de shadday dérive de day (suffisant) et dayyâm (suffisamment). Il est fait allusion par le nom de Dieu d’Israël à la relation, par le nom d’élevé à ce que le bien a été créé par lui, et par le nom de sublime à ce qu’il a produit la notion de la position ; par le nom de l’habitant de l’éternité au temps avant et après lequel il est ; enfin par le nom de : Son nom est saint à la possession et aux attributs nobles qui donnent à notre intelligence une idée approchante de lui. Il est donc clair que ces dix noms conviennent aux dix catégories de façon qu’il ne reste rien qui n’ait été donné, dans ce livre, comme étant créé par Dieu.

Et grâce à un examen approfondi et à une analyse détaillée[88], nos recherches nous ont amené à ce résultat que les dix commandements[89] que nos pères ont entendus devant le mont Sinaï répondent à ces dix catégories, de sorte qu’il ne reste aucun précepte qui ne s’y ramène. Nous nous expliquons :

— Le commandement : Je suis l’Éternel fait allusion à l’activité, comme il est dit : Je suis l’Éternel qui fais tout[90].
— Le commandement : Il n’y aura pas pour toi fait allusion aux substances, parce qu’il les réunit dans le mot : ce qui est dans le ciel et qui est sur la terre et ce qui est dans l’eau.
— Le commandement : Tu ne proféreras pas s’applique aux qualités, puisque la plupart des serments ne portent que sur les façons d’être.
— Le commandement : Souviens-toi du jour de sabbat vise explicitement une partie du temps.
— Le commandement : Honore ton père et ta mère, c’est la relation même[91].
— Le commandement : Tu ne tueras pas fait allusion à la passivité comme il est dit : Car c’est à l’image divine que (Dieu) a fait l’homme[92].
— Le commandement : Tu ne commettras pas d’adultère désigne la position, car cet acte n’est qu’une position et un contact.
— Le commandement : Tu ne voleras pas se rapporte absolument à la possession et à l’acquisition.
— Le commandement : Tu ne témoigneras pas vise la quantité, puisque la plupart des témoignages ne s’appliquent qu’aux mesures.
— Enfin le commandement : Tu ne convoiteras pas désigne l’endroit et tout ce qui s’y rattache, et c’est pourquoi il a commencé par la maison de ton prochain.

Il est donc clair que le décalogue comprend toutes les notions qui sont au monde, et puisqu’il en est ainsi et que les 613 préceptes ne se rapportent qu’à ce qui est au monde, il faut que ces 613 préceptes rentrent dans le décalogue sans qu’aucun en soit exclu[93]. Et m’étant mis à les coordonner et à les rattacher à chaque commandement qui leur est analogue, j’ai trouvé qu’il faut réunir au premier commandement 80 préceptes, au deuxième 60, au troisième 48, au quatrième 75, au cinquième 77, au sixième 50, au septième 58, au huitième 59, au neuvième 52, au dixième 54, ce qui fait 613[94]. Et j’ai trouvé aussi, en supputant le nombre de lettres du décalogue, 620 lettres dont 613 répondent aux 613 préceptes, et il reste (les deux derniers mots) ’ashèr lerê’ak’a (ce qui est à ton prochain), qui ont sept lettres, mais tu reconnais que lorsqu’il est dit : Son bœuf, son âne et tout, cela comprend toute chose[95]. — Qu’il soit donc béni, le Sage qui fait entrer tant (de choses) en si peu (de mots) !

L’expression : Il a créé son monde dans trois livres veut dire que toutes choses peuvent être enregistrées de trois façons. Or, nous trouvons que les savants en comptent quatre, puisqu’ils ont dit que les choses se trouvent sous quatre aspects, soit dans leur substance, comme lorsque nous voyons un homme ; soit en paroles, comme lorsque nous disons : un homme ; soit dans l’écriture, comme lorsque nous écrivons les lettres h, o, m, m, e ; soit dans la pensée, comme lorsque nous nous représentons un homme ; comment donc l’auteur de ce livre ne compte-t-il que trois (aspects) ? Nous répondrons qu’il a laissé de côté la mention de l’existence de la chose en elle-même, parce que c’est la notion la plus claire ; il s’en est donc dispensé et s’est mis à parler de ce qui sert à l’enregistrer et à l’exprimer, tout en étant en dehors d’elle ; il trouve qu’il y a trois façons de le faire et c’est ce qu’il appelle trois livres, trois divans, et ce sont l’écriture, le nombre et la parole, qui se joignent à l’essence, ce qui fait en tout quatre. De ces quatre modes deux ne varient pas, ce sont la substance et la pensée, car ce qui existe sous l’une et l’autre (forme) fait sur tous les hommes la même impression. Et deux d’entre eux varient : ce sont l’écriture et la parole, car nous voyons que les langues et les écritures diffèrent. Mais bien qu’elles diffèrent, les idées ne diffèrent pas.

Ce sont ces quatre (modes) que l’Écriture a en vue en disant que la sagesse peut être atteinte sous ces différents modes, selon le texte : Alors il l’a vue, il l’a décrite, il l’a affermie, il l’a approfondie[96]. Par le mot il l’a vue, elle désigne les substances visibles ; par le mot il l’a décrite, les paroles articulées ; par le mot il l’a affermie, l’écriture qui est stable, et par le mot il l’a approfondie la pensée qui discerne et qui scrute. (L’Écriture) y a fait allusion à un autre endroit et en a tiré la preuve que (Dieu) est le Créateur de l’univers, en disant : Afin qu’ils voient, qu’ils sachent, qu’ils fassent attention et qu’ils réfléchissent ensemble que la main de l’Éternel l’a fait et que le Saint d’Israël l’a créé[97]. Le mot qu’ils voient désigne l’expérience visible ; qu’ils sachent désigne l’écriture, comme il est dit : Connaissant l’écriture[98] ; qu’ils la mettent (leur attention) désigne la parole, comme il est dit : Il mit son nom Abimélech[99], et qu’ils réfléchissent indique l’esprit, au sens littéral du mot. Puis nous demanderons : Pourquoi l’auteur du livre n’a-t-il pas dit : L’écriture, la pensée et la parole et pourquoi a-t-il mis le nombre qui est une des espèces de la pensée au lieu de la pensée entière ? Nous répondrons qu’il ne l’a fait que pour donner trois noms semblables sous le rapport du son et des lettres séfer, usfâr et vesippûr et les savants ont toujours fait ainsi. Déjà un premier exemple se trouve dans les écrits des prophètes : Terreur, fosse, piège (paḥad, ufaḥat, ufaḥ) sont contre toi, habitant du pays[100]. (Isaïe) a choisi trois mots qui ont un même son. Puis dans les paroles des docteurs : On reconnaît l’homme à trois choses : à son verre, à sa bourse, à sa colère[101] (bekôsô, bekîsô, ubka’asô). Ensuite dans les paroles des poètes, Éléazar a dit : Pour m’abriter, pour me protéger, pour me faire dominer par la domination du Saint (lesôkekî lemoskî lehassîkî binsîkat kadôsch)[102]. Et nous, nous écrivons toujours dans nos lettres : Louanges (schibḥê) de paix, liens (ḥibschê) de bénédictions, pensées (ḥischbê) d’intelligence ; ou assurances (mibtaḥê) de paix, espérances (mabbâtê) de bénédictions, et jets (metaḥàvê) de sagesse ; ou éternités (niṣḥê) de paix, faisceaux (ḥiṣnê) de bénédictions et boucliers (ṣinnê) de grâce[103].

Puis l’auteur explique les trente-deux (voies) et il dit que ce sont les dix nombres et les vingt-deux lettres, et le mot même : belîmâ, nous l’avons traduit : fermés ; le sens propre est : munis d’un frein ; comme il est dit : Il faut le serrer (belôm) par le frein et le mors, son ornement[104].

Puis il dit : Yesod schalôsch ummôt : Le sens du mot (ummôt) est : mères, et c’est un terme de la Mishna ; on dit : Il y a une mère (ôm) pour la tradition et une mère pour la lecture[105], ce qui veut dire que l’interprétation (de la Loi) se fait de deux façons, d’après le principe de l’écriture et d’après le principe de la lecture. On appelle aussi ôm le fonds primitif de la partie du corps où il y a une lèpre, dans le passage : Soit que le fonds primitif (ôm) (de la plaie) ait disparu ou ait diminué[106]. Et usant de cette métaphore, il a dit : Base des trois mères. Le sens propre du mot schébâ‘ kefûlôt est : sept doubles, comme il est dit que la science (se compose) de deux sciences : Car il y a le double (kiflayim) pour la sagesse[107], la science du Créateur et celle de la créature. Il est dit aussi que la punition (se compose de) deux punitions : Car Jérusalem a reçu de l’Éternel (une punition) double[108], dans la personne et dans la fortune, dans le sacré et dans le profane, dans le roi et dans la multitude, dans l’homme distingué et dans le vulgaire.

Le mot schetêm ‘esré peschûṭôt signifie : douze simples. Toute chose séparée et isolée, qu’avoisine un objet qui est composé, s’appelle simple, pour qu’elle se distingue de ce qui l’avoisine, comme on dit : une année simple, parce qu’il y a des années qu’on appelle embolysmiques. L’(année) douze (mois) et l’(année) embolysmique de treize. On dit aussi : aîné et simple : Celui qui a deux parts s’appelle aîné et celui qui n’a qu’une part s’appelle simple. On parle aussi, en astronomie, dans toutes les tables, d’années complexes, c’est la mesure approximative de la révolution de telle étoile, et d’années simples qui sont la moyenne de sa marche dans chaque année (solaire). De même comme sept lettres étaient doubles, elles ont fait que les douze lettres restantes ont été appelées simples, parce qu’il y a dans les premières une composition.

Deuxième paragraphe

Traduction

Et les dix nombres fermés répondent aux dix doigts, cinq en face de cinq, et un seul corps est en équilibre au milieu par le mot, la langue et la bouche ; et ils correspondent à dix choses qui n’ont pas de limite : limite du commencement et limite de la fin, limite du bien et limite du mal, limite du haut et limite du bas, limite de l’orient et limite de l’occident, limite du nord et limite du sud. Et le Seigneur, l’unique, le puissant, le roi, le véridique domine le tout de l’endroit de sa sainteté et dans l’éternité des éternités.

Commentaire

— (L’auteur) dit ici que le nombre exige une science triple : la science de son principe, de sa division et de la comparaison de ses parties l’une avec l’autre. C’est pourquoi il a commencé par le nombre même et il a dit : Dix nombres fermés. Puis il les a divisés et ils deviennent cinq et cinq, puis il les oppose et ils deviennent cinq en face de cinq. S’il les divise en deux moitiés, plutôt qu’en d’autres (fractions), c’est pour qu’on sache qu’il n’y a jamais deux choses symétriques, absolument égales, à moins que ce ne soient des égalités de nombres[109], mais pour tout le reste, il y a accord sous un rapport et différence sous un autre, il y a excédent d’un côté et déficit de l’autre. Et le sens caché de cette parole est que la symétrie dans les œuvres de Dieu produit l’équivalence parfaite, comme nous le voyons pour les dix doigts, de même tout ce qui a été fait (par Lui), comme il est dit : Dieu a fait telle chose répondant à telle autre, en sorte que l’homme n’invente rien après lui[110]. Et ce même procédé qu’il emploie dans la création il s’en sert aussi pour le commandement et la défense, pour la récompense et la punition, qui sont d’une équivalence parfaite et d’une symétrie véritable, comme il est dit : La voie de Dieu est parfaite, la parole de l’Éternel est éprouvée, il est un bouclier pour ceux qui se fient en lui[111]. En sorte que s’il aime et pardonne, et s’il punit, tout est juste et équilibré d’après certaines règles qu’il a posées, et si quelqu’un soutient le contraire, c’est l’opinion de celui-ci qui n’est pas équilibrée ni approfondie, comme il est dit : Et vous dites : La conduite de l’Éternel n’est pas réglée ! Écoutez donc, maison d’Israël : Est-ce que les voies de l’Éternel ne sont pas réglées ? C’est votre conduite qui n’est pas réglée[112].

Par le mot : Et la création de l’Unique est placée juste au milieu (l’auteur) veut dire que le Sage — qu’il soit exalté ! — embrasse la création entière de tous côtés[113], comme ces dix (infinis) embrassent l’homme et l’homme est entre eux, sans qu’il puisse se soustraire à son ordre, comme cela est expliqué dans le psaume[114] (qui commence par les mots) : Tu m’as sondé et tu m’as connu jusqu’à la fin ; il en est de même pour le monde entier. — Parfois on se trompe ici et on lit berît, en rapportant (ce mot) à l’alliance (de la circoncision)[115], mais ce n’est pas juste.

L’énumération de : mot, langue, bouche, a deux significations : d’après l’une (l’auteur) veut dire que l’idée ne s’exprime qu’au moyen de trois choses : le son, le mot, la phrase. Le son c’est ce qui n’est pas compréhensible, comme lorsqu’on prononce a ou d’autres sons. Le mot, (c’est) lorsque quelqu’un dit : homme, et ceci aussi n’a pas de sens intelligible, (on ne sait) ce qu’il a en vue quand il dit : homme. Mais au moyen de la phrase, le sens est complet, et c’est quand quelqu’un dit : Un homme m’a rencontré ou : J’ai vu un homme. C’est de ces trois (choses) que l’Écriture dit : Il n’y a pas de phrase, ni de parole, et l’on n’entend par leur son[116]. Le son c’est ce qui n’est pas intelligible, la parole ce sont des mots isolés, et la phrase c’est une composition de deux ou trois mots comme nous en avons donné des exemples. Or les cieux et le firmament, la nuit et le jour prouvent la divinité de l’être Un, sans aucune de ces trois choses qui sont : La phrase, le mot, le son. Mais grâce à ce que l’homme intelligent voit en eux, il le démontre. C’est aussi pour cela qu’on a employé quatre livres pour la logique, outre l’introduction[117] ; trois d’entre eux se rapportent à ces trois objets, l’introduction traite au commencement des sons, le premier (des deux autres) livres traite des mots isolés, et le second traite des phrases composées de deux mots, et détermine le rôle de chacun d’eux dans les affirmations. Et après ces trois livres le troisième a été employé pour les prémisses et les conclusions, et le quatrième pour les preuves.

Dans la seconde signification que l’auteur attache à l’énumération de mot, langue et bouche, il est à supposer qu’il a voulu désigner ces trois choses nobles contenues dans le corps de l’homme : la première est la pensée, qui est le siège de la raison, et qui se trouve au milieu du cerveau, et c’est à elle que le mot mot fait allusion, parce qu’elle est le jugement qui affirme. — Ensuite la parole en quelque dialecte que ce soit et qui a son siège au milieu de la langue et le mot langue y fait allusion. — Enfin la nutrition par laquelle se maintient la complexité de la personne, et qui a son siège dans la bouche et dans les autres organes, à quoi il est fait allusion par le mot bouche. Il reste, il est vrai, deux autres choses nobles qui sont au milieu (du corps humain), et ce sont le nombril et l’organe viril. Mais peut-être ne les a-t-il pas mentionnés parce que de chacun d’eux, il faut nécessairement couper une partie : le nombril, car si l’on n’en coupe pas une partie, l’homme ne vit pas de la vie matérielle, et l’organe viril, car si le prépuce n’en est pas coupé, l’homme ne vit pas de la vie religieuse. Si (l’auteur) donne pour équivalent aux dix (nombres) dix infinis, il veut dire par là que ce qui est composé des nombres eux-mêmes n’a pas de limites chez les hommes, mais (les nombres) sont limités chez le Créateur, de même que nous ne connaissons pas de limites au commencement et à la fin du temps, tandis que (Dieu) le connaît, comme il est dit : (Dieu) annonce dès le commencement la fin[118] ; et nous n’arrivons pas aux limites des six côtés : le haut, le bas, l’est, l’ouest, le nord et le sud, mais Lui les atteint, comme il est dit : Car lui voit jusqu’aux extrémités de la terre[119]. Et nous ne déterminons pas les points extrêmes du bien et du mal en toutes choses et Lui les détermine, comme il est dit : Je fais le bonheur et crée le mal ; moi l’Éternel je fais tout cela[120]. Ces dix choses sont donc infinies pour les créatures, mais elles ont une limite chez leur Créateur, comme (l’auteur) dit à la fin : Et le Seigneur, l’Unique, Dieu, Roi fidèle, domine le tout. Il entend par le mot Seigneur Celui qui embrasse le tout, ce qui se rapporte au mot cinq en face de cinq[121]. Il entend par le mot Unique Celui qui est l’Unique dans la réalité, par rapport à : Création de l’Unique ; et il a en vue dans les mots Dieu, Roi fidèle (le nombre) des mots : Mot, langue, bouche, qui est aussi le nombre des consonnes d’amen[122] (ʾ, m, n). En ajoutant : Du séjour de sa sainteté, il a en vue la situation centrale (de Dieu), parce que Lui — qu’il soit glorifié et exalté ! — est au milieu de l’Univers tout en l’embrassant, car le séjour de sa sainteté c’est le milieu de la terre, comme il est dit : Ainsi a dit le Seigneur l’Éternel : Voici Jérusalem que j’ai placée au milieu des nations, et qu’entourent les peuples[123]. Et (le temple) est à peu près au point culminant et à l’endroit le plus élevé du pays, comme il est dit : Sur la montagne de ma sainteté, sur la montagne de la hauteur d’Israël[124], et ailleurs : Tu te lèveras et tu monteras vers l’endroit[125]. Et l’époque de construction a été environ dans la moitié de la vie du monde, à savoir, soixante-douze ans avant l’an trois mille, car depuis le commencement de la création jusqu’à la sortie d’Égypte il y a 2 448 ans et depuis lors jusqu’à la construction du temple il y a eu 480 ans, ce qui fait 2 928 ans, il reste de la moitié 72 ans. C’est donc pour cela qu’il a ajouté : du séjour de sa sainteté.

Troisième paragraphe

Traduction

Les vingt-deux lettres, dont trois principales, sept doubles et douze simples. Les trois principales sont alef, mem, schîn ; elles correspondent à trois choses (qui sont) des principes, dont deux différents et un mettant l’équilibre comme le fléau de la balance entre les deux plateaux. Et les sept doubles sont bê, guimel, dalet, kaf, pé, resch et tav, et elles correspondent à sept privilèges que l’homme reçoit (de Dieu) : la vie, la paix, la sagesse, la richesse, la postérité, la félicité et la puissance. Les douze simples sont hé, vau, zajin, ḥet, ṭet, yod, lamed, noun, samekh, ‘ayin, ṣadé, qof, et elles correspondent aux douze facultés indispensables à l’homme : la vue, l’odorat, la parole, la nutrition, la copulation, le travail, la marche, la colère, le rire, la réflexion et le sommeil.

Commentaire

— L’auteur divise les vingt-deux lettres en trois parties. La première partie se compose de alef, mem et schîn. L’alef est le premier son prononcé ; le schîn est au milieu de la bouche et le mem est tout au bout des lèvres. Et elles sont placées d’une façon analogue dans la suite des lettres. L’alef est la première des lettres, le mem est au milieu et le schîn est à la fin[126]. Et ce qu’il donne comme y correspondant, c’est que deux choses sont toujours séparées par une troisième qui met l’équilibre entre elles. Parmi les exemples généraux de ce (fait), on trouve que l’air sépare le ciel et la terre ; parmi les exemples spéciaux, le fléau de la balance met l’équilibre entre les plateaux, et parmi les prescriptions légales, il y a que les affaires d’argent se jugent par trois personnes, de sorte que, si deux (juges) sont d’avis différent, le troisième décide, comme les anciens ont dit : Comme le tribunal ne doit pas avoir un nombre pair de juges, on en ajoute encore un[127].

La seconde partie (comprend) sept lettres et ce sont les lettres doubles bet, guimel, dalet, kaf, pé, resch, tav, parce que chacune d’elles se prononce de deux façons avec un son dur et avec un son doux comme nous l’expliquerons, et les septaines correspondantes ne peuvent être énumérées, tant il y en a, aussi (l’auteur) s’est-il borné aux sept privilèges dont les anciens ont parlé : La beauté, la force, la richesse, la sagesse, la vieillesse, les cheveux blancs et les enfants des justes sont leur honneur et l’honneur du monde[128]. La richesse, la sagesse, la vieillesse se retrouvent littéralement dans les sept (privilèges indiqués par l’auteur). Puis la beauté c’est la grâce, la force c’est en quelque sorte la domination, la vieillesse c’est la vie, les cheveux blancs c’est la paix. Nous les retrouvons également réunis dans un même passage relatif aux justes, puisqu’il est dit : Heureux l’homme qui craint l’Éternel… ; sa postérité sera puissante dans le pays ; elle sera bénie comme génération de justes. L’opulence et la richesse sont dans sa maison ; [sa vertu subsiste à jamais] ; la lumière brille dans les ténèbres [pour les hommes justes, pour l’homme clément, miséricordieux][129]. La qualité de la force est rendue par le mot tout-puissant, les enfants par le mot sa postérité, la vie par le mot génération, l’opulence et la richesse s’y retrouvent explicitement ; la vertu est accompagnée de la paix comme il est dit : L’effet de la vertu sera la paix[130] ; la sagesse est exprimée par la lumière, et clément (ḥannoun) est dérivé de clémence (ḥên).

La troisième partie, ce sont les douzaines restantes simples : hé, vau, zajin, ḥet, ṭet, qof, lamed, noun, samekh, ‘ayin, ṣadé, qof, et il a laissé les douzaines connues qui y répondent et a pris les douze facultés propres à l’homme, dont cinq sont les sens, et le reste, ce sont les facultés que (l’homme) possède pour son utilité. Nos docteurs appellent les cinq sens ḥamesch hargachot, et dans la Bible, ils se trouvent, à propos de la description des idoles, mêlés aux sept autres facultés ; le Pentateuque en a mentionné quatre, en disant : Qui ne voient pas, qui n’entendent pas, qui ne mangent pas et qui ne sentent pas[131], et David en a ajouté quatre autres : la parole, le toucher, la marche et la réflexion, puisqu’il dit : Ils ont une bouche et ne parlent pas, des mains et ne touchent pas, des pieds et ne marchent pas, ils ne murmurent pas dans leur gorge[132]. Jérémie en a ajouté deux : la colère et le rire, puisqu’il est dit : Ne les craignez pas, car ils ne font pas de mal, et il ne dépend pas d’eux de faire du bien[133], et Isaïe en a mentionné deux : le travail et le sommeil, en disant : Ils le lèvent et le portent sur l’épaule, etc.[134]. Et des gens se sont trompés sur la description que fait l’Écriture des idoles (en disant) qu’elles ne possèdent pas ces facultés ; car ils ont supposé que cela implique que ces facultés appartiennent au Créateur — qu’il soit loué et exalté ! — et cette supposition les a amenés à toutes sortes d’erreurs. Mais nous dirons que l’Écriture n’a fait cette énumération que par rapport aux hommes en leur disant : Vous valez mieux que ces idoles, puisque vous, vous avez ces douze facultés et qu’elles n’en ont aucune.

Quatrième paragraphe

Traduction

Avec lesquelles l’Éternel, le Maître des armées, Dieu d’Israël, Dieu vivant, puissant, indépendant, noble, sublime, subsistant jusque dans l’éternité, dont le nom est saint, a tracé trois mères et ce qu’elles ont enfanté, sept chefs et leurs armées et douze limites d’angles. La preuve en est (fournie par) des témoins dignes de foi : le monde, l’année et la personne. Pour chacun il y a la règle des dix, trois, sept et douze, auxquels sont préposés la sphère, le dragon et le cœur,

Commentaire

J’ai traduit abot : mères[135], car j’ai dit précédemment que les mots : pères, mères, principes, matière première, éléments, substance initiale, ont tous un même sens. J’ai traduit kobeschin : chefs, parce qu’ils conquirent les pays, comme il est dit : Et la terre sera soumise (venik-beschla) devant l’Éternel[136]. Et ailleurs : De toutes les nations qu’il avait soumises[137]. J’ai traduit gebulê alakson : limites des angles, car ce mot se trouve fréquemment dans le Talmud ; on dit : Toute coudée (forme) une coudée et deux cinquièmes en diagonale (alakson)[138] ; ce qui veut dire que dans tout carré où le (côté) simple est d’une coudée, la diagonale[139] est d’une coudée et deux cinquièmes, ce qui n’est pas tout à fait exact ; la mesure exacte de la diagonale est la racine carrée de deux.

J’ai traduit teli : le dragon, et j’entends par là l’endroit d’intersection des deux orbites, à savoir l’orbite du soleil et l’orbite de la lune, qui se coupent comme se coupent[140] l’équateur et l’orbite du soleil. En effet, le cercle de l’orbite[141] du soleil est incliné sur le cercle de l’équateur de 23° et une fraction, et lorsque nous supposons les deux orbites ajustées l’une à l’autre, elles se coupent nécessairement en deux points opposés, et l’un des deux points s’appelle équinoxe de printemps et l’autre équinoxe d’automne. De même les orbites du soleil [et de la lune] se coupent en deux points opposés, et l’endroit de chaque point est appelé dragon, seulement l’un est la tête et l’autre est la queue ; c’est ainsi que s’explique cette dénomination de dragon, et ce n’est pas du tout une constellation ressemblant à un dragon ni à (un) autre (animal), mais il a été appelé ainsi à cause des replis et des courbures qui se forment quand on prend l’une des sphères au nord et l’autre au sud, et les Hébreux lui donnent aussi un nom semblable, puisqu’il est dit : Par son souffle le ciel se rassérène et sa main blesse le dragon fuyant[142]. Je reviens à l’explication des idées. La raison pour laquelle (l’auteur) répète les dix noms (divins), en disant : Avec lesquelles a créé, etc., c’est qu’il les a mentionnés d’abord pour le (principe) général, en disant : Par trente-deux voies. Il les a alors mentionnés aussi pour le détail, en disant : La règle des dix, trois, sept et douze ; il les répétera encore une troisième fois au sujet des compositions et des combinaisons, et il les répétera une quatrième fois dans l’explication des noms, chaque énumération ayant une raison. S’il a caractérisé les dérivés des trois par le mot postérité et les dérivés des sept par le mot armées, c’est que tout ce qui dérive des trois ne leur ressemble pas, car (le dérivé) se transforme lorsqu’on les combine et les mélange, mais tout ce qui dérive des sept leur ressemble, car ce qui dérive de la vie, c’est la vie, de la sagesse, c’est la sagesse, et ainsi de suite pour les autres[143]. Quant aux douze limites des angles nous les expliquerons dans le troisième chapitre où se trouve leur commentaire.

En disant : La preuve de la chose est (fournie par) des témoins dignes de foi, il entend par la chose l’affirmation (de l’existence) du Créateur — qu’il soit loué et exalté ! — Il dit donc : La preuve de son existence[144] est donnée par trois témoins : le monde, l’année et la personne ; il entend par monde ce bas monde, par année les divisions (du temps), et par personne la personne humaine. Chacun des trois témoigne que le Miséricordieux — qu’il soit béni et exalté ! — est le Créateur en vertu de trois arguments ayant chacun des corollaires innombrables, et ce sont : la trace de la création, la finitude et les accidents[145].

Pour la trace de la création du monde, tu n’as qu’à regarder les astres, tu les vois séparés ; c’est qu’il y a un auteur qui s’est mis à les diviser et en a fait des grands et des petits ; il en a aussi établi de très brillants et de peu brillants, les uns dans un rang élevé, les autres dans des rangs inférieurs[146], les uns ayant un mouvement rapide, les autres un mouvement lent. Et les Écritures aussi disent que (les astres) sont des témoins pour Dieu, par leur séparation, comme il est dit : Lorsque je vois ton ciel, l’œuvre de tes doigts, la lune et les étoiles que tu as établies[147] ; par leur lumière, selon le texte : Levez les yeux vers la hauteur et voyez : Qui a créé ceux-ci ? Qui est celui qui fait sortir leur légion en grand nombre[148]? ; par leur élévation, comme il est dit : N’est-ce pas Dieu (qui atteste) la hauteur du ciel ? et vois le sommet des astres, comme ils sont élevés[149] ; par leur mouvement, selon le texte : Connais-tu les lois des cieux ? Imposes-tu une règle (comme Dieu) à la terre[150] ?

Pour la trace de la création dans l’année, tu vois le soleil s’élever dans l’été, le jour s’augmenter, la nuit diminuer ; tu vois (le soleil) s’abaisser en hiver, la nuit s’augmenter et le jour diminuer ; c’est ce qui se voit dans ces régions-ci de la terre habitée, au point que le jour devient de seize heures et la nuit de huit heures et inversement. De plus, la raison conçoit et les figures géométriques[151] démontrent que ce (phénomène) arrive parfois à ce point, qu’il y a un jour entier où il fait clair en été et respectivement un jour tout entier où il fait nuit en hiver ; puis au point qu’il fait jour un mois entier dans l’été et nuit un mois entier en hiver ; il arrive même que six mois entiers il fait nuit, de sorte que l’année entière devient un seul jour dont la journée dure six mois et la nuit six mois. À propos des augmentations de la nuit et du jour mentionnées en premier lieu, l’Écriture dit : Tu as posé les limites de la terre, c’est toi qui as formé l’été et l’hiver[152].

Et sur la perpétuité du jour pendant une moitié de l’année et la durée de l’obscurité pendant l’autre moitié, il est dit : Quel est le chemin de la résidence de la lumière, et où est le lieu des ténèbres[153] ?

Quant à la trace de la création dans l’âme, tu vois qu’elle est divisée en trois facultés : la raison, la concupiscence et la colère.[154] C’est par la raison que tu discutes tout ce que tu as besoin de savoir, et à cause d’elle l’âme est appelée neschama[155] comme il est dit : L’esprit (nischmat) du Tout-Puissant les rend intelligents[156]. C’est par la concupiscence que tu désires la nourriture et le commerce sexuel, à cause d’elle (l’âme) est appelée néfesch, comme il est dit : Et son âme (nafscho) le dégoûte de la nourriture désirable[157]. Enfin c’est par la colère que tu t’irrites et que tu punis, et pour cela l’âme est appelée rouaḥ, comme il est dit : Ne te presse pas dans ton âme (beroulakha) de te mettre en colère[158].

Quant aux deux autres noms ḥayya (vivante) et yeḥida (unique), ils viennent de ce que (l’âme) est vivante, et qu’aucune créature ne lui ressemble ; elle est donc unique. Et les Écritures ont pris ces (facultés) comme preuves (de l’existence de Dieu), puisqu’il est dit : Et qui forme l’âme (rouaḥ) de l’homme dans son intérieur[159], et les ancêtres juraient (en disant) : Par le Dieu vivant qui nous a fait cette âme (néfesch)[160].

La preuve pour le Créateur du côté des (êtres) finis, c’est qu’il est constant pour nous que le ciel et la terre sont limités ; en effet, de la révolution des astres avec le ciel et la lune nous concluons que quelqu’un les a limités, les a entourés et enveloppés. Les Écritures disent là-dessus que les limites du soleil et de la terre sont ses preuves : Sur toute la terre, la ligne (du ciel) s’étend, ses paroles sont au bout du globe, (Dieu) a dressé là une tente au soleil ; sa sortie (se fait) à une extrémité du ciel et son évolution à l’autre extrémité[161]. Ceci donc atteste que le monde est limité.

La limite de l’année est connue, car les milliers d’années se divisent toujours année par année ; elles sont donc douées de limites et de termes, et l’Écriture dit là-dessus : Le soleil va au sud et se tourne vers le nord (en une année)[162].

La limite de l’âme et de ses actes est claire ; l’Écriture dit là-dessus : Celui qui garde ton âme, lui le sait[163].

La preuve (de l’existence) de l’Auteur, tirée des accidents, c’est que les cieux, la terre et la mer sont inséparables de phénomènes se produisant en tout temps, ce qui prouve qu’il y a quelqu’un qui les y produit perpétuellement[164], et là-dessus, l’Écriture dit : Tout ce que l’Éternel a voulu, il l’a fait dans le ciel, sur la terre, dans les mers et dans tous les océans[165].

De même les phénomènes inséparables de l’année dans les quatre saisons : été, hiver, printemps et automne, et les autres (divisions) comme il est dit : Toutes les époques de la terre, les semailles, la moisson, le froid, la chaleur, l’été et l’hiver, le jour et la nuit ne cesseront plus[166].

De même enfin la personne de l’homme n’est pas exempte de phénomènes accidentels, tant qu’il vit il se transforme. Et les Écritures attestent que c’est un témoignage (de l’existence de Dieu) en disant : Comme l’argile dans les mains du potier, de même vous êtes dans ma main, maison d’Israël[167].

L’auteur de ce livre ajoute des exemples des trente-deux (modes) pour chacun de ces trois (objets) en disant : (Chacun) a la règle des dix, trois, sept et douze, car nous voyons que tous trois sont enveloppés forcément par ces trente-deux modes, sans pouvoir s’en séparer, sans pouvoir y ajouter ni en retrancher ; nous savons donc que quelqu’un les a façonnés sur eux et que quelqu’un les en a enveloppés. Mais ce qui est (un argument) plus fort que tout cela, ce sont les trente-deux modes eux-mêmes abstraits auxquels ont été comparés les êtres concrets ; j’entends les dix nombres et les vingt-deux lettres ; car là, la contrainte (des hommes) se montre clairement et l’impuissance de tout savant à les augmenter est évidente ; et en cela consiste la certitude de l’autorité de l’Auteur sur les créatures, et l’élévation du Créateur au-dessus de tout être, car personne ne peut sortir de la limite que (Dieu) lui a assignée, de la règle qu’il lui a tracée, des conditions qu’il lui a imposées, et du cercle dans lequel il l’a enfermé. Mais Lui — qu’il soit béni et sanctifié ! — n’est pas fermé, n’est pas contraint, ni astreint, n’a aucun besoin et ne change pas.

Quant à la fin du paragraphe, qui est : Auxquels sont préposés le dragon, la sphère et le cœur, (l’auteur) veut dire par là que les trente-deux (modes) qui, multipliés par le monde, l’année et la personne, font quatre-vingt-seize, sont garantis par trois choses. Les trente-deux qui sont dans le monde sont garantis par la sphère, galgal, puisqu’elle les embrasse[168] ; les trente-deux qui sont dans l’année sont garantis par le dragon, puisque le mouvement du soleil se fait par lui[169], et les trente-deux qui sont dans l’homme sont garantis par le cœur, et c’est pourquoi tous ses actes sont attribués au cœur : Le cœur voit[170], le cœur entend[171], le cœur va[172], et les quinze autres qualifications du cœur, jusqu’à ce qu’on arrive finalement à : Le cœur est mort, comme il est dit : Le cœur mourut en lui[173], le cœur vit, ainsi qu’il est dit : Que votre cœur vive toujours[174].


[1] Litt. : Trois choses. Dans le commentaire S. traduit : Trois livres.

[2] C’est-à-dire après lesquels il n’y a pas d’autre nombre, car après dix on recommence de nouveau la même série et ainsi de suite.

[3] Saadya ne traduit pas le mot יסוד, qui était pourtant dans son texte, car il se retrouve dans le commentaire, où il est joint à שלש אמות : Peut-être Saadya entend-il par יסוד la base, le principal, et alors il ferait rentrer ce sens dans أصول. Les éditions rapportent avec raison יסוד à שתים ועשרים אותיות et il faut traduire : vingt-deux lettres fondamentales.

[4] Psaumes, cxxxix, 6.

[5] Proverbes, xxx, 18.

[6] Daniel, i, 4.

[7] II Chroniques, ii, 16.

[8] Ces deux mots sont suppléés d’après M.

[9] Job, xxviii, 20-23.

[10] Isaïe, vi, 6.

[11] Litt. : Sa voie a été notre voie.

[12] Job, xxviii, 23-26.

[13] Proverbes, xxix, 3. S., dans son commentaire sur ce passage, développe les mêmes idées qu’ici.

[14] Yehuda ben Barzilaï cite et paraphrase cette explication (p. 155).

[15] Ibid., 4.

[16] Il faut sous-entendre : En dehors de Dieu, quel est l’homme qui pourrait donner une propriété particulière aux éléments ? ou même quel homme pourrait comprendre comment les éléments ont ces propriétés ?

[17] Psaumes, lvii, 6.

[18] Job, xii, 10.

[19] Ibid., xxvi, 8.

[20] Psaumes, civ, 5.

[21] Puisque cette science est refusée aux hommes, c’est qu’elle est attribuée à Dieu seul.

[22] Ibid., lxxiii, 15. Saadya fait de ce verset la réponse au verset 11 : Ils disent : Comment Dieu sait-il, et y a-t-il une science dans le Très-Haut ?

[23] H. שלא היתה ביניהם בינה ; il a lu بينهم فهم pour بنوهم كهم. C.בהם l.כהם

[24] Exode, xix, 3.

[25] Nombres, xvii, 12.

[26] II Rois, ii, 8.

[27] Deutéronome, xxxiii, 17. Ces mots sont appliqués à la tribu de Joseph.

[28] Les pères étaient des hommes illustres, et les fils sont des inconnus.

[29] I Samuel, x, 11. Saadya appelle l’attention sur le mot בן קיש. Kisch n’ayant jamais été prophète, comment Saül le serait-il ?

[30] Ibid., 12. Quel est le père des autres prophètes ?

[31] اطبع est ici un synonyme de اخلق. Ce sens n’est pas donné par les dictionnaires arabes.

[32] La question qu’agite Agur, c’est celle de la science de la création, de la science divine, qu’il reconnaît ignorer. La seconde explication serait donc moins en rapport avec le contexte.

[33] Job, xxviii, 28.

[34] Ibid.

[35] H. ajoute : Et Salomon a dit des préceptes positifs : Car ils sont la vie pour ceux qui les trouvent (Proverbes, iv, 24), ce qui est le chapitre du commandement, et des préceptes négatifs : De toute chose interdite garde ton cœur (ibid., 23), c’est le chapitre de la défense. C’est une addition du traducteur, car Saadya ne parle que de Job et d’Agur.

[36] Proverbes, xxx, 5.

[37] Ibid.

[38] Ibid., 6.

[39] Ibid.

[40] Deutéronome, xxx, 11-14.

[41] Ibid.

[42] M. ajoute : Et comme celle-ci a été appelée proche de toi, celle-là a été appelée non proche (?). C’est une seconde addition assez maladroite du traducteur.

[43] Plus loin (p. 40) Saadya dira, à propos des dix catégories, que c’est יה qui est le nom d’essence. On ne voit guère comment אלהים serait le nom d’essence.

[44] C’est-à-dire que Dieu n’est véritablement Dieu que s’il y a des créatures pour l’adorer.

[45] Bereshit Rabba, xiii.

[46] Genèse, xvii, 1.

[47] Le mot اكتف « contente-toi de moi » répond alors à كاف, par lequel S. traduit שדי.

[48] Exode, iii, 14. S. paraît avoir pris ici אהיה אשר אהיה comme des hifil : « Je fais exister ce que je fais exister », ce qui donne un sens bien plus satisfaisant que l’interprétation ordinaire et plus conforme aux habitudes de la langue hébraïque ; cf. וחנותי את אשר אחן. Pour notre part, nous serions portés à croire que יהוה, qu’on a supposé être aussi un hifil, c’est l’abrégé de יהוה צבאות = « celui qui donne l’existence au monde ».

[49] Ibid., xv, 2.

[50] S. verrait-il un rapport entre יה et ים ?

[51] Deutéronome, v, 23.

[52] Sebaot désigne alors les légions du peuple qui va en pèlerinage.

[53] I Samuel, i, 3.

[54] Isaïe, vi, 1. Il faut remarquer que Saadya rapporte רם ונשא à יהוה, non à כסא. Les accents sont conformes à cette interprétation.

[55] II Chroniques, xxvi, 16. Le targum explique שנת מות par l’année où Ozias fut frappé de la lèpre. C’est pourquoi Saadya met en rapport le mot נשא avec le גבה לבו qui est dit à propos d’Ozias.

[56] Isaïe, iii, 1.

[57] Malachie, ii, 16.

[58] Voyez Y. Qiddusin, 58c ; Bereshit Rabba, xviii. Si Dieu, à propos du divorce, est appelé Dieu d’Israël, cela prouve que le divorce ne concerne que les Israélites.

[59] שנא שלח signifie alors : (Dieu) n’aime pas d’exiler.

[60] Daniel, ii, 21.

[61] Ibid.

[62] Ibid.

[63] Ibid., 22.

[64] Néhémie, viii, 6.

[65] Haggaï, ii, 9.

[66] Genèse, xviii, 2.

[67] Nous prenons بغبررة dans le sens de جبر « contrainte » ; peut-être faudrait-il lire بصبره « dans sa longanimité ».

[68] Ibid., xix, 1.

[69] Isaïe, vi, 6-7.

[70] Ézéchiel, i, 5.

[71] Ibid., 15.

[72] Ibid., x, 1.

[73] Ézéchiel, xxviii, 14. Saadya prend la cause pour l’effet, car si le nom de keroub est appliqué à un homme, c’est par une figure tirée de son application aux anges. Remarquons à ce propos que כרוב pourrait être en rapport avec le כרב et le מכרב des inscriptions sabéennes.

[74] Ézéchiel, xxiii, 8.

[75] Isaïe, lx, 19.

[76] Bien que נגה s’applique à un astre brillant comme Vénus, cependant on l’emploie surtout pour les astres d’un éclat moyen.

[77] Isaïe, xiii, 10. On croyait que l’Orion était un astre chaud, tandis que les Pléiades sont des astres froids. Voyez Berakhot, 58 b.

[78] Job, xxxviii, 32. מזרות paraît être, d’après Saadya, synonyme de כימה, qui, d’après le Talmud, est de nature froide (ibid.).

[79] Deutéronome, xxxii, 15.

[80] Jérémie, iii, 6.

[81] Ibid., 8.

[82] Ézéchiel, xxiii, 4.

[83] Ibid.

[84] Ce sont les dix catégories d’Aristote.

[85] Litt. : Toute chose comprise et embrassée.

[86] Isaïe, xliv, 24.

[87] C’est une nouvelle explication de צבאות ; plus haut, c’était la foule des Israélites allant en pèlerinage ; ici, c’est la foule des êtres créés en général.

[88] Litt. : Grâce à un examen supérieur et à une analyse abondante.

[89] Exode, xx, 2-17.

[90] Isaïe, xliv, 24.

[91] Il ne peut pas y avoir de relation plus étroite que celle qui existe entre les enfants et les parents : ce commandement est donc le type de la relation. Le manuscrit porte مضاعف au lieu de مضاف, et de même les traductions C. הכפול, H. הטפול, I. הכפול.

[92] Genèse, ix, 6. Ce verset est dit à propos de la défense du meurtre faite aux Noachides.

[93] Le raisonnement de Saadya est celui-ci : Tout ce qui existe au monde rentre dans les catégories, les dix commandements correspondent aux catégories, donc ils comprennent tout ce qui existe ; et comme les 613 préceptes ne s’appliquent qu’à des choses existantes, forcément ils doivent rentrer dans les dix commandements.

[94] Ces chiffres se retrouvent dans les Azharot de Saadya imprimées dans le Qobeṣ Maasé yedé haggeonim, p. 39.

[95] Donc les mots אשר לרעך sont inutiles et ne doivent pas entrer en ligne de compte.

[96] Job, xxviii, 27.

[97] Isaïe, xli, 20.

[98] Ibid., xxix, 11.

[99] Juges, viii, 31.

[100] Isaïe, xxiv, 17.

[101] Erubim, 65b.

[102] Piout d’Éléazar Haqallir, dans le Querubots du second jour de Soukot. M. Munk a cité ce passage dans sa notice sur Ibn Djanach, Journal asiatique, 1850, 2ᵉ vol., p. 19.

[103] Dans cette dernière phrase nous avons changé הצני en נצחי. Nous avons pris le mot חצן au sens talmudique de « faisceau », qui peut-être se trouve déjà dans Psaumes, cxix, 7. Le mot צני רצון est tiré de Psaumes, v, 13.

[104] Psaumes, xxxii, 9.

[105] Pesahim, 6 b ; Sukkah, 6 b et passim.

[106] Negaïm, i, 5.

[107] Job, xi, 6.

[108] Isaïe, xl, 2.

[109] Litt. : Il n’y a aucune opposition où les deux termes opposés s’égalent de toute façon, si ce n’est l’opposition des nombres. En effet, un nombre est absolument semblable à un autre même nombre, tandis que deux objets quelconques, si pareils qu’ils soient, ne peuvent être absolument égaux ; en d’autres termes, deux quantités abstraites peuvent être tout à fait égales entre elles, deux quantités concrètes jamais.

[110] Ecclésiaste, vii, 14.

[111] Psaumes, xviii, 31.

[112] Ézéchiel, xviii, 25.

[113] Pour Saadya, Dieu est le centre de l’univers et néanmoins il embrasse le monde entier et est partout présent. Voyez à la fin de ce paragraphe, p. 48.

[114] Psaume cxxxix.

[115] C’est l’explication de presque tous les commentateurs, qui d’ailleurs avaient dans leur texte במלת הלשוז ובמלת המעור.

[116] Psaumes, xix, 4.

[117] La Logique d’Aristote ou Ὄργανον comprend en effet quatre livres : les Catégories, l’Hermeneia, les deux Analytiques, plus une introduction (de Porphyre).

[118] Isaïe, xlvi, 10.

[119] Job, xxviii, 24.

[120] Isaïe, xlv, 7.

[121] C’est parce que Dieu embrasse le monde qu’il le maintient en équilibre.

[122]
Saadya omet de dire ou peut-être veut dire que אמן est composé des trois initiales des mots אל, מלך, נאמן

[123] Ézéchiel, v, 5.

[124] Ibid., xx, 40.

[125]Deutéronome, xvii, 8.

[126] Saadya ne paraît pas s’être aperçu que le mem et le schîn n’occupent pas le même rang dans l’alphabet que dans l’émission.

[127] Sanhédrin, i, 6.

[128] Tosefta de Sanhédrin, xi, 7 (Pirqé Abot, vi, 8).

[129] Psaumes, cxii, 1-4.

[130] Isaïe, xxxii, 17.

[131] Deutéronome, iv, 28.

[132] Psaumes, cxv, 5–7.

[133] Jérémie, x, 5.

[134] Isaïe, xlvi, 7. Le sommeil est ici l’inertie de l’idole décrite dans la suite du verset : Ils l’abandonnent à lui-même, il reste coi, il ne bouge pas de sa place.

[135] Si l’auteur du Séfer Yesira emploie le mot אבות, c’est par allusion aux trois patriarches.

[136] Deutéronome, xxxii, 22.

[137] II Samuel, viii, 11.

[138] Baba Batra, 101 b.

[139] Le mot مزواء ne se trouve pas dans les dictionnaires.

[140] Nous avons ajouté ces mots qui sont absolument indispensables. Cf. Ibn Djanach Ousoul s. v. נחש, qui se sert à peu près des mêmes termes que Saadya. Sans cette addition, les mots وكذلك يتقاطع qui viennent un peu plus loin seraient incompréhensibles. Nous avons suppléé là القمر avec d’autant plus de raison que le manuscrit porte فلكا au duel ; à part cela, ni le manuscrit ni les traductions (H. et C., p. 109) n’en ont gardé trace.

[141] Saadya écrit فلك البروج, mais ces mots désignent d’ordinaire le zodiaque ; or ici il ne peut s’agir du zodiaque, car le zodiaque n’est pas autre chose que l’ensemble des constellations traversées par l’écliptique ou orbite du soleil. Il ne peut donc couper l’orbite du soleil. Plus loin Saadya donne aussi au mot منقلب le sens d’« équinoxe » ; or منقلب n’est donné par les dictionnaires que dans le sens de « solstice ».

[142] Job, xxvi, 13. נחש בריח a le même sens que תנין. Cf. Isaïe, li, 9.

[143] Le mot תולדות indique ce qui dérive et peut différer de l’origine, mais צבאותיהן désigne ce qui accompagne le chef et lui ressemble.

[144] L’existence de Dieu est prouvée par la création, car s’il y a une création, il y a forcément un créateur.

[145] Pour ces différentes preuves, cf. Amanah, p. 32–35 ; Guttmann, o. c., p. 35–42.

[146] C’est-à-dire dans les sphères supérieures et inférieures, chaque planète ayant la sienne.

[147] Psaumes, viii, 4.

[148] Isaïe, xl, 26. C’est peut-être dans la fin du verset : מרב אונים ואמיץ כח que Saadya voit une indication de l’intensité de la lumière.

[149] Job, xxii, 12. Nous traduisons selon le sens probable que Saadya attache au verset. Le sens véritable paraît être : Certes, Dieu est (dans) la hauteur des cieux, etc. On sait que S. ne s’attache pas au sens littéral en dehors de ses ouvrages spécialement exégétiques, et qu’il interprète les versets selon le besoin du moment. (Voir l’Introduction, p. viii.)

[150] Ibid., xxxviii, 33.

[151] Appliquées à la cosmographie.

[152] Psaumes, lxxiv, 17.

[153] Job, xxxviii, 19.

[154] Traduction des noms grecs des trois facultés de l’âme chez Platon : νοῦς, ἐπιθυμία, θυμός.

[155] Les cinq noms de l’âme sont donnés Beréshit Rabba, xiv, 9. Cf. Amanah, p. 105.

[156] Job, xxxii, 8.

[157] Ibid., xxxiii, 20.

[158] Ecclésiaste, vii, 9.

[159] Zacharie, xii, 1.

[160] Jérémie, xxxviii, 16.

[161] Psaumes, xix, 5, 7.

[162] Ecclésiaste, i, 6.

[163] Proverbes, xxiv, 12.

[164] Pour Saadya, Dieu crée perpétuellement les accidents ; la création a produit la substance, mais l’activité de Dieu n’a pas cessé et continue à se manifester dans les phénomènes. Plus loin, ch. IV, § 1, Saadya accentuera et développera cette théorie. (Voyez Introduction, p. VII.)

[165] Psaumes, cxxxv, 6.

[166] Genèse, viii, 22.

[167] Jérémie, xviii, 6.

[168] La sphère embrasse les dix infinis, les trois éléments, les sept planètes et les douze signes du zodiaque.

[169] L’écliptique passant par la tête et la queue du dragon.

[170] Ecclésiaste, 1, 16.

[171] I Rois, iii, 9.

[172] I Rois, v, 26.

[173] I Samuel, xxv, 37.

[174] Psaumes, xxii, 27.

Commentaire sur le Séfer Yeṣira ou Livre de la Création par le Gaon Saadya de Fayyoum. Publié et traduit par Mayer Lambert. Paris, 1891. [Version numérisée : Google].

Retour en haut