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Fondement de la Foi | ראש אמנה
Chapitre 8. Préliminaires explicatifs de la théorie de Maïmonide (3e partie)
Traduction R. Benjamin Mossé (1884)
Troisième préliminaire. — Des deux idées contenues dans chaque principe
Dans chacun des principes posés par Maïmonide sont contenues au moins deux idées, à savoir :
Premier principe : 1° Dieu existe, et 2° son existence est la plus parfaite possible.
Deuxième principe : 1° Dieu est unique, sans associé ni second, et 2° sans composition ni pluralité d’éléments.
Troisième principe: 1° Dieu est immatériel, sans corps, soit composé, soit simple, et 2° il n’est pas non plus une force se servant d’un corps, soit sous des formes accidentelles, soit sous des formes essentielles.
Quatrième principe : 1° Dieu est antérieur, c’est-à-dire, sans commencement et 2° tout autre être que lui ne saurait être antérieur à lui, c’est-à-dire, que tous les êtres, hormis lui, sont contingents et créés, et d’aucun d’eux nous ne pouvons dire qu’il est antérieur : (éternel),
— D’après ce principe, l’opinion d’Aristote sur l’antériorité du monde, et celle de Platon sur la coéternité de la matière, sont des idées fausses ; ce principe vient les détruire, en enracinant en nous la croyance que Dieu seul est antérieur, et que tout autre être que lui est contingent.
Cinquième principe : 1° Il convient de servir Dieu et de rendre hommage à son élévation, parce qu’à lui seul appartient la puissance infinie, et qu’il agit avec une libre volonté. À lui seul donc doivent être adressés le culte et la louange, et non aux sphères, ni aux étoiles, ni aux princes des régions sublimes, dont le pouvoir est limité par Dieu, et qui n’ont par eux-mêmes, ni puissance, ni sentiment, ni volonté : aussi toute prière élevée vers eux serait-elle inefficace, puisqu’ils sont aussi impuissants à faire le mal qu’à faire le bien.
Et même d’après l’opinion des sages qui pensent que les intelligences séparées agissent avec sentiment et volonté, et que les corps célestes sont des êtres doués de vie, d’intelligence et se meuvent par attraction, il n’y a pas de doute qu’ils n’ont pas la liberté de faire autre chose qu’ils ne font, car leur action est réglée par Dieu, et ils ne sauraient s’y soustraire.
2° Il ne convient pas d’établir des intermédiaires entre l’homme et son Créateur : c’est le Dieu suprême qui est le guide fidèle de notre nation, selon ce texte : « Jacob est la part de son héritage » (Deut. Xxxii) ; aussi la défense de l’idolâtrie découle-t-elle complètement de ce principe.
Sixième principe : C’est celui du Prophétisme ; il contient également deux idées, selon que l’explique Maïmonide, dans son Moré (Guide des égarés) : 1° l’une, c’est qu’il faut avoir, pour être prophète, les aptitudes physiques et intellectuelles spéciales pour la prophétie ; 2° l’autre, c’est qu’il faut que la volonté divine ne fasse point défaut à celui qui a ces aptitudes.
Aussi Maïmonide, en expliquant ce principe fondamental, dit-il : « l’intellect humain s’attache après cela, à l’intellectactif, duquel descend sur eux (les prophètes), une émanation importante qui ne pourrait leur venir sans la volonté divine. »
Septième principe : C’est celui de la Supériorité prophétique de Moïse ; il comprend deux croyances : 1° celle que Moïse s’est élevé au plus haut degré de la perfection humaine, soit en force physique, soit en intelligence ; 2° celle qu’il s’est élevé au plus haut degré de la prophétie, supérieurement à tous les autres prophètes : c’est pourquoi Maïmonide dans son Moré, dit que le nom de prophète ne peut réellement s’appliquer qu’à notre maître Moïse et que la prophétie est ce que les autres prophètes appellent l’association du nom sacré.
De là les quatre caractères distinctifs qui séparent Moïse des autres prophètes, et qui se trouvent développés dans le livre de la vision du Tout-Puissant : Mahzé Schadaï, dont je suis l’auteur.
Huitième principe : Ce principe, à savoir que la loi vient du ciel, renferme deux autres croyances : 1° celle que toute la loi écrite, qui se trouve en nos mains aujourd’hui, est bien la loi qui a été donnée à Moïse parla bouche du Tout-Puissant, c’est-à-dire, que Moïse a reçu de la bouche divine la loi toute entière par la perception appelée parole, et 2° que l’explication traditionnelle de la loi, qui constitue le Thalmud, émane aussi de la bouche du Tout-Puissant, que Moïse l’a reçue sur le Sinaï et l’a enseignée oralement aux enfants d’Israël, d’où lui vient son nom de loi orale.
Neuvième principe : Ce principe, qui est celui de l’Immutabilité de la loi, comprend deux autres enseignements, à savoir : 1° La loi ne saurait être modifiée, ni changée par la nation en général, c’est-à-dire, que les enfants d’Israël ne la changeront jamais de leur chef, et 2° aucune autre loi ne viendra point de la part du Créateur pour la modifier, soit dans son ensemble, soit dans aucune de ses parties, lesquelles ne sauraient être ni augmentées, ni diminuées.
Dixième principe : Ce principe qui est celui de l’Omniscience divine, renferme également deux croyances, à savoir : 1° Le Saint-béni-soit-il connaît toutes nos actions particulières, et 2° il ne détourne point les yeux de nos actions, mais, au contraire, il les observe, pour les rémunérer.
Le texte que Maïmonide apporte à l’appui de ce principe, sert à établir les deux croyances qu’il renferme.
Ces paroles : « Celui qui est grand dans ses desseins et magnanime dans ses œuvres, a les yeux ouverts sur toutes les voies des fils d’Adam » (Jérémie XXXII), indiquent clairement l’omniscience divine, et celles-ci, qui les suivent : « Pour donner à chacun selon ses voies, selon le fruit de ses œuvres » se rapportent à l’attention de Dieu et à sa justice, à l’égard des humains.
Tous les autres textes que Maïmonide cite à l’appui de ce principe, servent également à prouver la connaissance que Dieu a de nos œuvres et sa surveillance sur chacun de nous.
Onzième principe : Ce principe contient aussi deux enseignements, à savoir : 1° Le Saint-béni-soit-il donne leur récompense à ceux qui observent ses préceptes, et leur punition à ceux qui les transgressent ; 2° la grande récompense, c’est la vie du monde futur, et la grande punition, c’est le retranchement de l’âme.
L’objet de ce principe est d’enseigner « que toutes les voies de Dieu sont justes, qu’il est un Dieu véridique, qu’il n’y a pas en lui d’iniquité, qu’il est juste et équitable. »
Quant à ce qui constitue le monde futur, ainsi que le retranchement de l’âme, je l’expliquerai dans mon livre de la Justice éternelle, que je compose à ce sujet.
Douzième principe : Ce principe renferme encore deux enseignements, à savoir : 1° Il nous convient de croire que le Roi-Messie annoncé par les prophètes, viendra, sans nul doute, et que nous devons l’attendre, malgré son retard ; 2° à l’époque de sa venue, il ne régnera sur Israël qu’un roi de la maison de David et de la race de Salomon, et quiconque s’opposerait à la royauté de cette famille nierait, par cela même, Dieu et les paroles de ses prophètes, parce que tous les prophètes ont prophétisé sur lui, selon ces paroles : « Mon serviteur David sera leur prince pour toujours ! » (Isaïe).
Treizième principe : Ce dernier principe est celui de la Résurrection des morts. Maïmonide ne le développe point dans son Commentaire sur la Mischna, parce qu’il s’en remet à ce qu’il en a dit dans sa Préface de la Mischna, dans son Préliminaire du chapitre Heleq, ainsi que dans sa Lettre sur la Résurrection ; aussi se borne-t-il à dire ici : nous avons déjà expliqué ce sujet.
Toutefois, de ce qu’il écrit à cet égard dans sa Lettre sur la Résurrection, il résulte que ce principe renferme également de nombreux enseignements, dont voici les deux principaux: 1° Les Morts revivront en corps et en esprit ; 2° la Résurrection n’aura lieu que pour les justes, qui reprendront leurs sens corporels, revivront et mourront de nouveau, comme nous aujourd’hui, selon que je l’indiquerai ci-après.
— Ainsi se trouve expliquée la pensée de Maïmonide au sujet de ses principes fondamentaux. On voit qu’il n’en est pas un seul qui ne contienne au moins deux enseignements.
Le principe de la foi ou la discussion des croyances fondamentales du Judaïsme par Don Isaac Abarbanel. Traduit par M. le Grand Rabbin Benjamin Mossé. Impr. Amédée Gros (Avignon), 1884. [Version numérisée : Google].