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Fondement de la Foi | ראש אמנה
Chapitre 4. Des trois objections faites exclusivement par Hasdaï, à propos des « principes » auxquels Maïmonide donne le nom de « préceptes »
Traduction R. Benjamin Mossé (1884)
À part les objections qui précèdent, la théorie de Maïmonide donne lieu à trois autres objections faites exclusivement par le Rabbin Hasdaï, et qui portent sur le caractère de préceptes, attribué par Maïmonide, aux deux premiers principes qu’il formule. Voici ces objections:
Dix-huitième objection : C’est celle par laquelle Hasdaï commence son livre. Elle est dirigée contre Maïmonide, bien qu’elle ne désigne pas son nom.
Celui, dit Hasdaï, qui a appelé préceptes, ces paroles : « Je suis l’Éternel, ton Dieu, » a fait une erreur complète parce que tout précepte est une chose relative et implique nécessairement le Dieu qui l’ordonne, de sorte qu’affirmer que la croyance à l’Existence de Dieu est un précepte, c’est comme si l’on affirmait que la croyance à l’Existence de Dieu précède la Croyance à l’existence de Dieu : ce qui n’est autre chose qu’un cercle vicieux, que le comble de l’absurde et de l’erreur.
Dix-neuvième objection : Le nom de préceptes ne peut s’appliquer qu’aux choses qui sont du ressort de la volonté et de la liberté.
Or, ce sage (Maïmonide) a démontré (Livre II, règle II, chapitre V de son ouvrage), que dans le ressort de la liberté et de la volonté, n’entrent nullement les croyances et les opinions, parce que d’une part, la croyance ou l’opinion n’est que la forme d’une chose intelligible (l’impression faite sur l’esprit par une chose intelligible), qui se trouve en dehors de l’âme comme dans l’âme elle-même, et que, d’autre part, le croyant est amené forcément à l’obligation ou à la nécessité de croire, soit par un argument rationnel, soit par un acte miraculeux, d’où il résulte que le nom de précepte ne peut s’appliquer ni aux croyances ni aux opinions.
Celui-là donc a fait erreur, qui a considéré comme préceptes positifs, l’Existence de Dieu et son Unité.
Vingtième objection : Maïmonide compte au nombre des préceptes positifs, les paroles du Décalogue : « Je suis l’Éternel, ton Dieu !» et il se fonde sur cette assertion du rabbin Simlaï, rapportée à la fin du traité Maccoth, f. XXIII, à savoir, que ces mots : « Je suis l’Éternel, ton Dieu ! » ont été prononcés par Dieu lui-même. Hasdaï prétend que cette explication est sans fondement.
Il établit d’abord que ces paroles : « Je suis l’Éternel ton Dieu ! » et celles-ci : « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi ! » commencent le discours divin qui s’étend jusqu’à ces mots : « Ceux qui m’aiment et qui observent mes préceptes », parce que jusqu’à ces mots, l’Écriture parle à la première personne, et qu’à partir de ces mots, elle parle à la troisième, en ces termes : « Car l’Éternel ne laissera pas impuni celui qui prononce son nom en vain ». — « Car l’Éternel a fait en six jours, le ciel et la terre. » — « Il a cessé son œuvre et s’est reposé le septième jour. » Ce qui a fait dire aux sages, que les premières paroles : « Je suis l’Éternel, ton Dieu » et « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi » ont été seules prononcées par la bouche du Tout-Puissant.
Or, ajoute-t-il, d’après ceux qui ont fixé le nombre des préceptes et qui comptent parmi les paroles prononcées par Dieu, celles-ci: « Tu ne feras point d’images !» » Tu ne te prosterneras point devant elles ! » : — paroles dont ils font deux préceptes de défense, — si nous comptions encore comme précepte, ces paroles : « Je suis l’Éternel, ton Dieu ! », il en résulterait que trois préceptes, et non deux, auraient été prononcés par le Tout-Puissant, et, qu’ainsi au lieu de s’élever à 613, le nombre des préceptes s’élèverait à 614 ; et si, en outre, nous considérons les autres paroles : « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi, » comme la défense de renier notre Dieu pour un autre, selon que l’enseigne Maïmonide, le nombre des préceptes s’élèverait alors à 615, ce que l’on ne saurait admettre.
Il ressort de ce qui précède que lorsque le rabbin Simlaï affirme que ces paroles : « Je suis l’Éternel, ton Dieu » et « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi », ont été prononcées par le Tout-Puissant, il ne veut pas dire que chacune de ces propositions constitue un précepte, mais il veut nous enseigner que dans ces paroles : « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi » sont compris deux préceptes, à savoir: « Tu ne te feras point d’images » et « Tu ne te prosterneras point devant elles. » Car, ce texte : « Tu n’auras point d’autre Dieu que moi ! », formant l’objet d’une croyance, ne saurait être compté au nombre des préceptes, d’autant moins qu’il n’entre point dans le ressort de la volonté, de la liberté.
Quant à ce texte : « Je suis l’Éternel, ton Dieu », loin d’être lui-même un précepte, il constitue la base fondamentale de tous les préceptes.
Le principe de la foi ou la discussion des croyances fondamentales du Judaïsme par Don Isaac Abarbanel. Traduit par M. le Grand Rabbin Benjamin Mossé. Impr. Amédée Gros (Avignon), 1884. [Version numérisée : Google].