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Fondement de la Foi | ראש אמנה
Chapitre 22. Autres opinions des Docteurs touchant les principes du Judaïsme
Traduction R. Benjamin Mossé (1884)
I
Les principes fondamentaux formulés par le rabbin Hasdaï, entrent en grande partie dans ceux qu’a posés Maïmonide, selon que je l’ai déjà démontré.
De plus, parmi ces principes, les uns sont des préceptes particuliers qu’il ne convenait pas de compter au nombre des principes fondamentaux, selon que cela ressort du septième préliminaire ; d’autres, examinés de près, sont reconnus ne pas être des fondements particuliers à la Loi divine en tant que Loi divine, puisqu’ils peuvent être mis au nombre des lois rationnelles et sociales, tels que le libre-arbitre et autres mentionnées par Hasdaï.
Or, il a été démontré dans le huitième préliminaire, que les fondements de la Loi divine doivent être particuliers à cette Loi, en tant que Loi divine, et non point se rapporter également à toute autre Loi.
Tels sont les principes fondamentaux posés par Maïmonide, qui apparaissent aux yeux de la critique la plus sérieuse comme étant particuliers à notre Loi divine, en tant que divine.
II
Quant aux trois principes établis par l’auteur du Livre des principes (Albo), lequel pense que la Mischna l’a fait allusion en ces termes :
« Voici ceux qui n’auront pas de part au monde futur :
1° Celui qui prétend que la Résurrection n’est pas enseignée par la Loi, niant par là la Rémunération divine ;
2° Celui qui nie que la Loi vienne du ciel : croyance qui fait l’objet du second principe ;
3° L’Épicurien qui nie l’Existence de Dieu. »
Ces trois principes apparaissent défectueux, à un sérieux examen.
Ainsi, le premier principe qui est celui de l’Existence de Dieu, est sous le coup de la première objection que le rabbin Hasdaï a soulevée contre Maïmonide.
Le second, qui est celui de la Divinité de la Loi, lequel est considéré par Albo comme le genre dont la prophétie et la supériorité prophétique de Moïse seraient les espèces, est erronée en ce sens que c’est au contraire, la prophétie qui est en réalité le genre dans lequel est contenue comme espèce la Divinité de la Loi.
Albo lui-même a pressenti cette objection (ch. IV, l. i), mais il n’y a pas victorieusement répondu. Quand même la Divinité de la Loi serait un principe dans le sens qu’Albo a voulu lui donner, ce ne serait là qu’un principe individuel, isolé, tandis que la définition que lui donne Maïmonide, à savoir: « Que la Loi que nous avons aujourd’hui en nos mains est divine » est véridique et inattaquable.
Ainsi en est-il du principe de la Rémunération, dans lequel sont contenus, d’après Albo, les principes de la Connaissance de Dieu et de sa Surveillance sur nos actes : il est incontestable que la Surveillance divine est ici le genre, et que la Rémunération est une des espèces qui y sont contenues.
Quant à la Mischna qu’Albo invoque à l’appui de sa théorie, elle n’a nullement le sens qu’il veut bien lui prêter.
En effet, la Résurrection ne saurait être le genre dans lequel la Rémunération entrerait comme espèce, car, pour quelle raison serait-elle un genre où seraient contenues à la fois la Connaissance de Dieu, sa Surveillance, et tous les autres attributs divins qui en découlent ?
De même, l’Épicurien ne nie pas seulement l’Existence de Dieu, mais encore sa Connaissance et sa Surveillance, ainsi que sa Rémunération, selon que Maïmonide l’a démontré dans son Guide des Égarés (liv. III, ch. XVII), et en maints endroits.
Il résulte de tout ce qui précède que le nombre de principes, établi par Albo, n’est pas exact.
III
Il est un Docteur qui prétend qu’il ne convient des donner à la Loi divine qu’un principe fondamental, à savoir: celui de l’Existence de Dieu, principe que cet auteur appelle l’Acceptation du royaume céleste.
Telle est l’opinion de l’auteur des Grandes Lois (Le Gaon Jehoudaï) : elle ressort de ses paroles que j’ai déjà rapportées précédemment dans ma réponse à la vingtième objection.
Selon ma pensée, ce Docteur a puisé cette opinion dans les paroles suivantes de Maïmonide, au commencement de son livre de la Connaissance :
« Le Fondement des fondements et la Colonne des Sciences, c’est l’idée de l’Existence d’un Premier Être. »
Le Docteur en question démontre que cette idée fondamentale sert de fondements aux autres fondements et qu’elle est par conséquent l’unique et premier fondement de la Loi tout entière.
Or, ce principe fondamental, réduit à lui seul, est insuffisant, parce que si à ce premier fondement tous les autres ne venaient se rattacher, il arriverait que l’on pourrait croire à l’Existence de Dieu et nier en même temps tous les autres points de la Loi.
IV
Une autre opinion prétend également que la Loi divine a un seul principe fondamental, à savoir : que la Loi vient du Ciel, la Loi étant, en effet, la raison de tous les autres principes fondamentaux et les embrassant tous.
Or, cela, bien que véridique, n’est pas admissible, car, il y aurait là un principe qui se servirait de principe à lui-même : le principe que la Loi est divine (vient du Ciel) reposerait sur celui que la Loi vient du Ciel, principe qui est l’équivalent du premier. Or, il est impossible qu’un principe se serve de principe à soi-même.
V
Si j’avais à établir des principes fondamentaux dans la Loi divine, je n’en formulerais qu’un seul, celui de la Création du monde, parce que c’est là la racine fondamentale sur laquelle repose la Loi divine, avec les points principaux et toutes les croyances qu’elle contient. En effet, soit le récit de la première création, soit celui qui concerne les patriarches, soit les prodiges et les merveilles rapportées par l’Écriture, ils n’ont de raison d’être que par la croyance à la Création du monde.
Cette croyance sert également de base à celles qui concernent la Connaissance de Dieu, sa Surveillance et la Rémunération, croyances que l’homme ne peut avoir parfaitement s’il ne croit tout d’abord au principe de la Création du monde, de la Création universelle et libre, selon que Nachmanide l’a déclaré au commencement de son Commentaire sur la Loi, en ces termes :
« La Création du monde est la racine de la croyance toute entière ; celui qui n’y croit pas et qui pense que le monde est éternel, nie le principe fondamental du Judaïsme et n’a plus de Loi. »
Maïmonide écrit également dans son Moré (chap. XIV, partie IIe,) : que la croyance à la Création du monde est incontestablement le fondement de la Loi de notre maître Moïse, d’heureuse mémoire ; qu’elle vient en seconde ligne après celle de l’Unité de Dieu ; et qu’Abraham, notre patriarche, a le premier découvert cette idée fondamentale vers laquelle le conduisit la réflexion, ce qu’indiquent les noms suivants qu’il applique à Dieu : « Éternel, Dieu du monde » et précédemment « Dieu suprême, maître du ciel et de la terre. » (Genèse 14, 19).
Il ressort évidemment des paroles des Docteurs précités, que la croyance à la Création du monde, est un grand principe fondamental de notre Loi, un principe qui me paraît Supérieur à tous les autres principes de la Loi, à ceux de l’Existence de Dieu, de son Unité, de son Incorporalité, ainsi qu’aux autres, démontrés également parle raisonnement, mais non particuliers à la Loi divine, en tant que divine, puisque les autres lois et les autres sciences s’appuient également sur ce principe.
La croyance à la Création du monde justifie donc, à plus forte raison, les autres fondements de la Loi, ou, au moins, leur plus grand nombre, qui sont aussi justifiés par la démonstration rationnelle, selon que l’établit Aboubchar, dans son livre intitulé : Haï-ben-Joktan.
C’est probablement ce principe auquel fait allusion et que veut enseigner l’Écriture, par ce premier verset de la Genèse : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.
Le mot Reschith : commencement, ayant le sens d’origine, principe, racine, c’est comme si le texte disait : que les paroles de la Loi divine doivent toutes être rapportées par les hommes, à une origine, à une racine, à un principe primordial, à savoir: « Que Dieu a créé le ciel et la terre. »
En effet, après l’expression de ce principe, l’Écriture rapporte le récit de la Création, de la vie des patriarches, l’exposé des préceptes et tout ce que la Bible contient. Or, le principe de la Création du monde, étant la racine, le principe primordial de la Loi, la Tradition et la Foi l’ont placé en tête de la Loi et antérieurement à toutes ses paroles, selon le droit des principes primordiaux.
Le principe de la foi ou la discussion des croyances fondamentales du Judaïsme par Don Isaac Abarbanel. Traduit par M. le Grand Rabbin Benjamin Mossé. Impr. Amédée Gros (Avignon), 1884. [Version numérisée : Google].