Fondement de la Foi  | ראש אמנה

Chapitre 21. Réponse aux dernières objections portées contre les principes posés par Maïmonide

Traduction R. Benjamin Mossé (1884)


Réponse à la vingt-septième objection. — Raison pour laquelle Maïmonide a formulé séparément les deuxième, troisième et quatrième principes, bien qu’ils soient compris nécessairement dans le premier.

Cette objection est la septième que j’ai soulevée moi-même ; elle porte sur ce que Maïmonide a compté comme principes distincts, l’Unité et l’Incorporalité de Dieu, tandis que ces deux principes se trouvent nécessairement contenus dans le premier des principes qui est celui de l’Existence de Dieu.

Je réponds — en rappelant ce que j’ai déjà expliqué au IVe préliminaire, à savoir :

Que les treize principes que Maïmonide a formulés pour asseoir sur une base solide la Loi de l’Éternel, sont réellement contenus les uns dans les autres ; que, par exemple, le deuxième, le troisième et le quatrième, sont compris dans le premier ; et que si notre Docteur a cru devoir les formuler séparément et en faire autant de principes distincts, c’est qu’il n’écrivait pas seulement pour les savants, mais encore pour tout le peuple, depuis l’enfant jusqu’au vieillard, et que la haute importance des croyances contenues dans ces principes méritait une désignation spéciale.

Déjà, dans son Guide des Égarés, Maïmonide avait donné à ces croyances, le nom de Questions précieuses, et désigné, particulièrement, l’Existence de Dieu, son Unité, son Incorporalité et la Nouveauté (Création) du Monde.

C’est pour la même raison qu’il les a mises au nombre des principes, dans son Commentaire sur la Mischna, ainsi que dans son Livre de la Connaissance.

Réponse à la vingt-huitième objection. — Vrai sens du principe de la Résurrection des Morts.

Cette objection est la huitième de celles que j’ai soulevées : Pourquoi, ai-je dit Maïmonide pose-t-il, d’une façon absolue, comme principe fondamental de notre croyance, la Résurrection des Morts, tandis que ce principe consiste seulement à croire que la Résurrection des Morts est enseignée par la Loi, selon la déclaration suivante des Docteurs de la Mischna : « Quiconque nie que la Résurrection des Morts est enseignée par la Loi, n’aura point de part au monde futur. » (Sanhédrin, XIᵉ ch. : Héleq. — Thalmud, f. XC-a).

« Croirait-on, ajoute Raschi dans son Commentaire sur cette Mischna, croirait-on, par voie traditionnelle ou bien par démonstration rationnelle, à la Résurrection des Morts, si l’on nie l’authenticité biblique de cette croyance, on est considéré comme si l’on niait la croyance elle-même et l’on perd toute part au monde futur, car, continue Raschi, quelle serait la valeur d’une croyance qui ne serait pas puisée dans la Loi ? »

— À cela, nous répondons nous-même, tout d’abord, que l’explication de Raschi n’est pas plus admissible au point de vue rationnel qu’au point de vue du langage de la Mischna en question.

Il est certain, en effet, que le principe de la Résurrection des Morts n’est pas du ressort de la raison ; car la démonstration rationnelle qui se fonde sur les lois de la nature, la repousse ; il est donc impossible que l’on prétende puiser cette croyance dans la raison.

Quant à la tradition, il est également certain qu’en enseignant le principe de la Résurrection, elle le fonde sur la Loi, soit explicitement, soit implicitement. Aussi, aux yeux de Maïmonide, déclarer que le principe de la

Résurrection des Morts n’est pas enseigné par la Loi, ce ne serait pas nier qu’elle soit enseignée par la Loi, tout en croyant qu’elle est fondée sur la raison ou sur la tradition, mais ce serait prétendre que cette croyance ne doit être admise ni au nom de l’argumentation rationnelle qui la combat, ni au nom de la Loi qui est au-dessus de la raison et qui répudie cette croyance que nos Docteurs auraient tout simplement inventée d’eux-mêmes.

Tel est, d’après Maïmonide, le sens des paroles de l’incrédule qui nierait ce principe et qui prétendrait : que la Résurrection des Morts n’est pas enseignée par la Loi, qu’elle ne se fonde sur aucun texte ; que, parlant, elle ne saurait constituer une croyance traditionnelle, et que, d’autre part, ne pouvant être l’objet d’une croyance rationnelle, elle ne saurait être une croyance véridique.

Or, il ressort du développement talmudique qui se rapporte à la Mischna en question, que la pensée de cette Mischna est conforme à la pensée de Maïmonide, à savoir : qu’il s’agit ici d’un incrédule qui nierait d’une manière absolue la Résurrection des Morts.

Voici les termes de la Guémara : « Puisqu’il nie la Résurrection des Morts, il n’aura pas de part à cette résurrection. »

Ces paroles qu’aucun complément n’accompagne prouvent qu’à celui qui prétend que la Résurrection des Morts n’est pas enseignée par la Loi, on attribue uniquement la pensée de nier la Résurrection d’une manière absolue, et non point celle de lui contester seulement une authenticité biblique, selon que le ferait supposer l’explication de Raschi.

Ainsi se trouve justifiée la manière absolue dont Maïmonide a formulé ce principe fondamental.

Et ainsi se trouvent résolues les vingt-huit objections que nous avons rapportées contre les paroles du grand Maître, au sujet des principes fondamentaux et des préceptes qu’il a mentionnés dans ses œuvres.

Il résulte de nos explications que toutes ses paroles sont conformes à la vérité et que les treize principes fondamentaux qu’il a formulés ont été établis par lui avec sagesse, avec science, selon que nous l’avons démontré.

Le principe de la foi ou la discussion des croyances fondamentales du Judaïsme par Don Isaac Abarbanel. Traduit par M. le Grand Rabbin Benjamin Mossé. Impr. Amédée Gros (Avignon), 1884. [Version numérisée : Google].

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