Fondement de la Foi  | ראש אמנה

Chapitre 12. Justification des treize principes de la croyance Israélite

Traduction R. Benjamin Mossé (1884)


Réfutation de la première objection. — Unité et Immatérialité de Dieu, comme principes fondamentaux de la Loi.

Cette objection consiste à demander, comment il se fait que Maïmonide ait mis au nombre des principes de la loi, l’Unité de Dieu et son Immatérialité, tandis que le maintien de la loi est indépendant de la négation de ces deux principes ?

Nous répondons, que déjà il a été prouvé clairement, dans le premier préliminaire, que le nom de Principe : Hikar, ne se dit pas seulement, comme celui de Racine : Schoresch, ou de Fondement : Yessod, d’une chose qui sert de fondement à une autre, qui en est la condition d’existence indispensable, mais bien encore d’une chose importante dans son espèce.

Il en est de même des croyances. Maïmonide a compté parmi les principes, les croyances hautement supérieures et importantes dans leur espèce. C’est ainsi que l’Unité de Dieu et son Immatérialité, sont placées par notre Docteur au nombre des principes, parce que ce sont là des croyances extrêmement nécessaires pour arriver à la perfection.

Le philosophe n’a-t-il pas dit que le peu que nous connaissons des choses divines est infiniment plus grand en élévation et en étendue, que tout ce que nous pouvons connaître des choses d’ici-bas ? De combien plus cela est-il vrai de la connaissance de l’Essence de Dieu, telle que son Unité, au sujet de laquelle notre maître Moïse a donné ce grand avertissement : « Écoute, ô Israël ! l’Éternel notre Dieu est l’Éternel un ! »

Car, cette croyance renverse celle de l’idolâtrie toute entière ; ce que fait également celle de son Immatérialité, au sujet de laquelle Moïse a donné cet autre avertissement sévère : « Prenez bien garde à vous, car vous n’avez vu aucune figure ! »

Déjà, au cinquième préliminaire, j’ai rappelé que ces deux principes ont pour objet d’enseigner que Dieu ne saurait être saisi ni circonscrit, soit en un lieu, soit par un nombre.

— Toutefois, le docteur Abraham-ben-David, d’heureuse mémoire, dans ses Observations sur Maïmonide, au sujet du principe posé par notre Docteur, à savoir, que : « attribuer un corps à Dieu, c’est être hérétique », écrit, au contraire, que « prétendre que le Saint-béni-soit-il-est corporel, en se fondant sur la littéralité des textes bibliques, ce n’est pas être hérétique. »

Voici ses paroles : Abraham dit : quoique le principe de notre foi soit tel que l’enseigne Maïmonide, néanmoins quiconque croit que Dieu est corporel, appuyant sa croyance sur le sens littéral des textes bibliques, ne mérite pas d’être appelé hérétique. Cela est confirmé par les paroles suivantes de nos sages, au sujet d’Elischa-ben-Abouya : « Revenez, ô enfants égarés, à l’exception d’Elischa, l’autre1 car, il connaissait son Maître, et il s’est révolté sciemment contre lui ! »

Il est clair que nos sages veulent dire par là que celui-là seul qui, connaissant la vérité, s’applique à la nier, mérite d’être placé dans la catégorie des impies, dont il ne convient pas d’accepter le repentir, tandis que celui qui, sans révolte, sans intention de se détourner du chemin de la vérité, de nier les enseignements de la Loi, de méconnaître la tradition, s’attache loyalement à la littéralité des textes, n’est point un hérétique, ni un négateur, s’il explique ces textes contrairement à leur sens véridique.

Telle est également à ce sujet l’opinion de l’auteur du Livre des Principes. Il ressort de ses paroles que quiconque nie un principe de foi quelconque, sans intention coupable, ne perdra pas sa part au monde futur.

Ainsi de la croyance des Saducéens2 qui expliquent les paroles de la Loi et des Prophètes selon leur littéralité, et qui croient en toute conscience que l’explication qu’ils en donnent est conforme au vrai sens du texte ; aussi ne les traitons-nous ni de négateurs ni d’hérétiques.

Il pourrait donc se rencontrer un homme qui ne croyant à aucun des principes, à aucune des croyances de la Loi, ne serait pas pour cela appelé hérétique, ni négateur, s’il arrivait qu’il fût conduit à son incrédulité par la folie, par l’aveuglement ou par l’ignorance de la Loi. »

— Or, la vraie croyance et la droite raison s’opposent à toutes ces choses^ ; car, l’intelligence qui se trompe au sujet de l’un des principes de la foi, par le seul fait de spn égarement, éloigne déjà l’âme de la vérité et ne peut la conduire à la vie du monde futur, bien qu’elle ne soit pas poussée par une intention coupable. De même que le poison mortel fait perdre à l’homme qui l’absorbe, la santé et la vie, bien que celui qui l’a mangé ait cru prendre une nourriture saine et convenable, ainsi la négation et la fausse croyance au sujet des principes de la Loi, troublent l’âme de l’homme et la privent certainement de la possession du monde futur.

Quant à l’exemple, invoqué, d’Elischa-ben-Abouya, qui, connaissant son Maître, s’est révolté intentionnellement contre lui, nous dirons que son hérésie était la plus honteuse des hérésies, car, son malicieux tempérament et sa poursuite des plaisirs matériels lui inspiraient des arguments odieux contre la vérité que nous portons en nous-mêmes ; son hérésie était donc très grande.

Mais celui qui professe des opinions erronées touchant la Loi, amené qu’il l’est par ses propres réflexions, ou par les leçons d’un maître qui se trompait, nul doute qu’il ne soit un négateur et un hérétique, puisque sa croyance renverse les principes de la Loi ; toutefois, il est plus excusable qu’Elischa-ben-Abouya qui poursuivait volontairement des mensonges.

C’est qu’il l’a deux sortes d’hérésies. L’une a sa source dans la folie humaine et dans le défaut d’intelligence de la vérité, soit que l’on se laisse induire en erreur par la littéralité des textes, soit par tout autre motif ; c’est au sujet de ceux qui sont coupables de cette hérésie-là, que le prophète a dit : « Revenez, enfants égarés ! » Ce qui veut dire : « Ils sont égarés tant qu’ils restent dans leur hérésie, mais s’ils se repentent, grâce au retour de leur intelligence à la vérité prophétique, ils délivreront leurs âmes de la perdition ».

L’autre a sa source dans la révolte ouverte d’un mauvais esprit, comme celle d’Elischa, surnommé l’autre, car elle était voulue et consentie par lui : il formulait des arguments impies pour contester la vérité, pour la nier : aussi les portes du repentir furent-elles fermées devant lui. C’est ce que nos Docteurs veulent dire par ces mots: « À l’exception d’Elischa-ben-Abouya qui, connaissant son Maître, se révoltait intentionnellement contre lui ! »

D’après cela, les enfants égarés qui nient la vérité par folie, et Elischa, surnommé l’autre, qui la niait par rébellion, sont égaux en un point: c’est que tant qu’ils persistent dans leur erreur et dans leur croyance mensongère, ils sont des hérétiques, des négateurs, et n’ont point de part au monde futur.

Mais ils diffèrent en ce sens, que les enfants égarés, l’étant par folie et par manque d’intelligence, sont aptes à réparer leur perversité par leur repentir, et à se perfectionner par une étude vraie de la Loi, tandis qu’Elischa-ben-Abonya n’avait plus cet espoir ni cette aptitude, car, son hérésie s’était enracinée en lui par la réflexion et dans la plénitude de son intelligence.

Ainsi doivent être entendues les paroles de Maïmonide, touchant ces principes.

Aussi, à la fin de son traité, recommande-t-il que l’on étudie ses paroles avec un surcroît de réflexion et de méditation, car, elles ne sont pas faciles à comprendre, et l’on ne se rend compte des principes qu’il a fixés et de leur nombre qu’après un long et profond examen.

Il ne faut donc pas les repousser légèrement ni les contester, au gré d’un raisonnement captieux et entraînant.

Réfutation de la seconde objection. — Point d’intermédiaire entre Dieu et Israël.

« Pourquoi, dit l’auteur de cette objection, Maïmonide a-t-il posé pour cinquième principe : qu’il ne convient pas que nous établissions des intermédiaires entre les hommes et le Saint-béni-soit-il ? »

À cette objection, nous répondons par notre cinquième préliminaire, à savoir : que dans ce principe sont comprises des croyances véridiques et supérieures.

La première, c’est que le Saint-béni-soit-il agit avec volonté et n’est point comme les autres êtres, tels que les anges, les sphères, les étoiles, les éléments et leurs composés, qui, tous, sont préposés à leurs œuvres, sans posséder ni le pouvoir ni l’a volonté de faire ce qu’ils font, tandis que Lui-béni-soit-il agit avec volonté et amour ; donc, à lui seul appartiennent le culte, les cantiques, les louanges et les hommages.

La seconde, c’est que son pouvoir est infini : tel est le sens de ces paroles des Docteurs : car, tous les autres êtres sont préposés à leurs œuvres ; ce qui veut dire que leurs actions sont limitées et ordonnées, que leurs forces sont finies et ne peuvent dépasser la règle qui les dirige, tandis que le Saint-béni-soit-il fait tout ce qu’il désire, selon l’expression du psalmiste (CXXXV) : « Tout ce que l’Éternel désire, il le fait dans les cieux et sur la terre ! » À lui seul donc notre culte, car, tout est dans sa main comme l’argile dans la main du potier, et il n’est personne qui puisse lui dire : Que fais-tu ?

La troisième, c’est que tous les peuples sont placés spécialement sous la conduite d’êtres supérieurs qui les protègent3, ainsi que l’on dit: le prince céleste du royaume grec, le prince céleste du royaume persan, tandis que la nation israélite, seule, n’est placée sous la direction d’aucune étoile, d’aucun chef céleste quelconque, et n’a d’autre prince que l’Éternel, selon que l’y exhorte Moïse, notre Maître : « Garde-toi, en levant les yeux vers le ciel, en voyant le soleil, la lune, les étoiles et toute la milice céleste, garde-toi de te laisser aller à te prosterner devant tous ces êtres et à les adorer, car, l’Éternel, ton Dieu, les a donnés en partage à tous les peuples qui sont sous les cieux, tandis que vous, l’Éternel vous a pris, vous a fait sortir du fourneau de fer de l’Égypte, pour que vous soyez son peuple d’héritage, comme en ce jour ! » (Deut. IV, 19-20).

C’est chose avérée, écrit le rabbin Abraham Ibn-Ezra, que chaque peuple a son étoile spéciale et sa constellation, de même que chaque ville, tandis que la grande supériorité d’Israël, c’est de n’être attaché qu’au nom divin, qu’à l’essence même de Dieu, et non point à une étoile quelconque : « Israël est l’héritage de Dieu ! » (Deut. XXXII, 9).

C’est à ce propos qu’il est dit, dans les chapitres de Rabbi Eliézer, que les soixante-dix chefs suprêmes tirèrent au sort les soixante-dix nations, et qu’à chacun d’eux échut en partage l’une d’elles, tandis que le sort du Saint-béni-soit-il tomba sur Israël, selon ce texte :

« La part de l’Éternel, c’est son peuple, Jacob forme son héritage ! » (Deut. XXXII, 9).

Par cette allégorie, nos sages ont voulu dire, que le même rapport qui existe entre chaque chef suprême et la nation qui lui est échue, qu’il conduit sans l’intermédiaire d’un autre chef, existe entre la nation d’Israël et le Saint-béni-soit-il, qui la conduit sans l’intermédiaire d’un chef quelconque, d’une étoile, d’une constellation ! De là, conséquemment pour Israël, l’éloignement de tout culte étranger.

Et quant à ces paroles adressées à Israël : « Votre chef, c’est Michaël ! » elles ne veulent point dire que Michaël leur soit préposé, mais seulement qu’il est pour eux un favorable interprète auprès de Dieu ; aussi n’est-il pas appelé le prince d’Israël, comme on appelle celui de la Grèce, le prince du royaume grec, et celui de la Perse, le prince du royaume persan ; selon que je l’ai écrit dans mon livre : De la Couronne des Vieillards (Hathereth-Zékénim).

Maïmonide a donc raison de dire, à propos du principe en question : « Que les hommes ne doivent point établir d’intermédiaire entre eux et le Saint-béni-soit-il, mais qu’ils doivent tourner directement vers lui leurs pensées, et les éloigner de tout autre, etc. »

Maïmonide ne veut pas établir ici en principe, la défense de placer des intermédiaires entre Dieu et nous, car, c’est là un précepte de la loi, un précepte négatif particulier ; il a voulu dire seulement que ce précepte découle du principe en question ; c’est comme s’il avait dit : En conséquence du principe que j’ai mentionné, il ne convient pas que l’homme place un intermédiaire entre lui et son Créateur.

Tel est le sens de ces paroles du prophète (Jérémie, VI) : « Si tu retournes, ô Israël, dit l’Éternel, c’est vers moi que tu dois revenir ! » c’est-à-dire vers moi, et non vers un intermédiaire quelconque.

C’est dans ce sens encore que nos sages ont interprété ce texte : « Quelle est la nation exaucée par son Dieu, comme nous le sommes par l’Éternel, notre Dieu, dans toutes les invocations que nous élevons vers lui ? » Vers lui, disent nos sages, et non vers Michaël, et non vers Gabriel, etc.

La prière de Jacob adressée à un ange : « L’ange qui m’a préservé de tout mal, bénira ces enfants ! » ne saurait faire objection à ce principe, car elle s’adressait à Dieu lui-même : « Le Dieu, dit Jacob, devant lequel mes pères, Abraham et Isaac, ont marché ; le Dieu qui m’a conduit depuis que j’existe jusqu’à ce jour ; l’ange qui m’a préservé de tout mal, bénira ces enfants ! … »

Il est évident que l’ange était l’envoyé de la Providence auprès de Jacob, pour le préserver, et que Jacob ne lui donne pas d’autre sens que celui de messager de Dieu ; car, l’action divine sur les choses sensibles doit nécessairement s’exercer au moyen d’intermédiaires, tout en étant une action directe de la Divinité, opérant sur les individus, selon que je l’ai expliqué dans mon livre : De la Couronne des Vieillards.

Abraham avait dit dans le même sens : « L’Éternel, le Dieu des cieux qui m’a pris de la maison de mon père… enverra son ange devant toi. »

Partout, dans l’Écriture, où une prière semble être adressée à un ange, elle ne l’est, au fond, qu’au Saint-béni-soit-il, qui envoie son ange comme messager de sa providence, pour accomplir l’acte voulu par elle.

C’est ce que précisément nos sages ont expliqué à propos de ce passage de l’Écriture : « J’envoie mon ange devant toi, ne te révolte pas contre lui ! » Ne te révolte pas contre moi, à cause de lui, ont dit nos sages, c’est-à-dire, ne lui voue pas un culte, car, le culte n’est dû qu’à Dieu, et non point à tout autre que lui.

Et si nous trouvons dans l’Écriture que Josué s’est prosterné devant un ange, nous pouvons dire, qu’il n’a voulu se prosterner que devant Dieu, dont la grâce et la fidélité ont éclaté en faveur des enfants d’Israël, par l’envoi d’un ange à leur tête pour leur faire conquérir la terre promise ; ou bien, qu’il n’a fait que s’incliner devant l’ange, pour accomplir un devoir de convenance, comme un inférieur qui s’inclinerait devant son supérieur.

Quant à l’usage israélite, encore en vigueur de nos jours et autorisé par nos sages, de s’étendre sur les tombeaux pour implorer les morts afin qu’ils sollicitent en notre faveur la miséricorde divine, usage justifié par ces paroles du prophète (Jérémie, XXXI) : « Rachel pleure sur ses enfants ! », il ne doit être compris que de l’une des deux manières suivantes : ou bien, c’est par humilité que nous nous étendons sur les tombeaux, montrant par cet acte que nous nous considérons devant Dieu aussi humbles que les morts : et c’est pour cette raison, que d’après l’opinion d’un sage, on va, à des époques de malheur, prier Dieu dans les cimetières ; ou bien, c’est pour invoquer devant Dieu, en notre faveur, le souvenir de ceux qui ne sont plus, leurs mérites et leur piété qui se continuent au-delà de la tombe, et pour les prier d’implorer pour nous la céleste miséricorde : raison sur laquelle se fonde l’opinion de cet autre sage qui prétend, que les morts demandent grâces à Dieu pour nous.

C’est à l’aide de pareilles explications, que doivent être interprétés certains dires de nos sages ; car, comment établiraient-ils dans leurs prières des intermédiaires entre eux et la Divinité, eux qui nous défendent une semblable erreur ?

Nous trouvons, en effet, au traité Ménahoth, p. CX, Rabba bar Rab Isaac, qui dit : « Depuis Tsour jusqu’à Carthage on connaît les enfants d’Israël, et leur Père qui est aux cieux ; mais depuis Tsour, du côté du couchant, et depuis Carthage du côté du levant, on ne connaît ni les enfants d’Israël, ni leur Père qui est au ciel ».

Rab Schimé fait observer à Rabba, qu’il est écrit :

«  Du lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom est grand parmi les nations, et, en tous lieux, une offrande pure est présentée et offerte à mon nom (Malachie I, 2) » ; d’où il résulte qu’en nul endroit, on ne méconnaît le Père qui est aux cieux.

« D’accord, lui répond Rabba, mais dans les dernières contrées que j’ai citées, on invoque le Père céleste sous le nom de Dieu des Dieux. »

Il ressort de cet entretien que dans une partie du monde, on reconnaissait Dieu, et que l’on avait à son égard une croyance véridique, laquelle était puisée dans les rapports que l’on avait avec les enfants d’Israël qui enseignaient la vraie connaissance du Père céleste, tandis que dans d’autres endroits, où l’on ne connaissait pas les enfants d’Israël, on ne reconnaissait pas non plus le Saint-béni-soit-il.

L’observation de Rab Schimé a pour but de prouver, par le texte qu’il cite, qu’en tous lieux et chez tous les peuples, on rend hommage à la Divinité.

Par la réponse qui lui est faite, on lui apprend que les peuples en question établissent des intermédiaires qu’ils prient d’être leurs interprètes auprès du Dieu suprême, qu’ils appellent le Dieu des Dieux.

Nul doute que ce ne soit là une ramification des sectes idolâtres, lesquelles, attribuant de l’orgueil à Dieu, adressent leurs prières à des intermédiaires pour arriver jusqu’à lui.

Cette croyance existe encore parmi les hommes ; elle est surtout manifeste dans la foi des chrétiens4.

Quant à nous, nous ne pensons point ainsi ; nous adressons exclusivement nos prières à l’Éternel, notre Dieu, dans toutes les invocations que nous élevons vers lui.

Réfutation de la troisième objection. — Devoir d’adresser notre culte à Dieu seul.

« Pourquoi Maïmonide place-t-il au nombre des principes fondamentaux de la foi, le devoir de servir Dieu, tandis que c’est là un précepte particulier de la Loi, selon ce texte : « Vous servirez l’Éternel votre Dieu ? »

Telle est l’objection faite par l’auteur du Livre des Principes.

Nous répondrons qu’Albo n’a pas compris, ici, la pensée de Maïmonide ; car, notre grand Maître n’a point voulu établir comme principe l’adoration de Dieu, puisque cette adoration, ce culte est l’objet d’un précepte positif de la Loi.

Et quand même Maïmonide penserait que ce précepte n’a d’autre sens que celui de la prière, selon l’explication de nos sages, à savoir : « Vous servirez l’Éternel, votre Dieu, de tout votre cœur » : le service du cœur, c’est la prière ! » — que ce n’en serait pas moins toujours là un précepte particulier positif. Or, nous avons déjà démontré, au sixième préliminaire, que l’on ne doit compter au nombre des principes, aucun précepte particulier de la Loi, puisque tous les principes sont des préceptes de croyance et non point des préceptes de pratique.

Ce que Maïmonide a voulu établir par le principe en question, c’est le devoir de croire que le Saint-béni-soit-il est, en raison de son élévation et de sa puissance, celui que nous devons adorer et dont nous devons exalter les louanges et la gloire.

Or, cela n’est point le précepte du culte, ni celui de la prière, qui se traduisent l’un et l’autre par des actes et des œuvres ; c’est la croyance que Dieu seul, et nul autre, a droit à notre adoration.

Aussi la défense de l’idolâtrie est-elle fondée sur cette base, ce que dit clairement notre Docteur, en expliquant le principe en question par les paroles suivantes :

« Nous déduisons ce cinquième fondement de l’ordre, que nous avons reçu, de ne pas nous vouer à un Culte étranger ; c’est-à-dire, que de la défense que nous fait la Loi de servir des dieux étrangers, nous tirons une croyance fondamentale et véridique, à savoir : que c’est le Saint-béni-soit-il seul que nous devons servir, exalter, glorifier, dont nous devons célébrer l’élévation, et non point tout autre être que Lui.

Il est donc démontré que le principe en question n’a pour objet, ni le culte pratique, ni la prière, car, l’un et l’autre sont les conséquences du principe qui établit la croyance qu’à Dieu seul appartiennent le culte et la louange ; or, une cause ne saurait être confondue avec ses conséquences.

Le principe, ici, est donc la cause, et le culte et la prière sont les préceptes particuliers qui en dérivent.


1 Nom de dédain que la tradition donne à Elischa-ben-Abouya. à cause de son hérésie.

2 Le mot Saducéen manque ici ; nous croyons pouvoir le mettre nous-même, autorisé que nous y sommes par la suite du paragraphe.

3 Croyance empruntée à la religion de Zoroastre, et admise par les Juifs, depuis l’exil de Babylone, comme croyance populaire. Les Pharisiens, dans le Thalmud, ont consacré cette croyance, et l’ont naturalisée israélite, contrairement à l’esprit des livres de Moïse. — B. M.

4 Il l’a ici un mot qui manque ; nous croyons que c’est celui de notserim : chrétien, chez lesquels le culte des saints est en honneur.

Le principe de la foi ou la discussion des croyances fondamentales du Judaïsme par Don Isaac Abarbanel. Traduit par M. le Grand Rabbin Benjamin Mossé. Impr. Amédée Gros (Avignon), 1884. [Version numérisée : Google].

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