Il existe plusieurs traductions grecques du TaNaKh entreprises par des Juifs. La plus connue est la traduction dite de la Septante issue de la communauté juive d’Alexandrie. Il existe également d’autres traductions réalisées en partie en Palestine — dont la traduction d’Aquila — qui ont eu pour vocation de remplacer la Septante en proposant une version plus conforme aux textes hébreux et aux attentes des Rabbins.

Bibliographie générale


La Septante


La Septante doit son nom au soixante-dix — ou soixante-douze — traducteurs juifs qui auraient travaillé sur une traduction de la Torah en grec pour les besoins des communautés juives hellénophones d’Égypte et d’Alexandrie en particulier. L’histoire de cette traduction est rapportée par plusieurs traditions dont on retrouve les échos dans le Talmud et des auteurs juifs hellénophones. Au sens strict, la Septante ne désigne que les livres de la Torah. Dans un sens large, la Septante désigne l’ensemble des livres du TaNaKh qui ont été traduits en grec et auxquels s’ajoutent des additions (à Jérémie, à Daniel, à Esther et aux Psaumes) ainsi que des textes apocryphes qui ne font pas partie du canon juif (1 Esdras, Macchabées, Siracide, Sagesse, Judith, Tobit et Psaumes de Salomon). La datation de la traduction en grec du TanaKh échelonne du IIIe siècle jusqu’à la fin du IIe siècle avant l’ère commune.

Les éditions françaises de la Septante


L’édition de Pierre Giguet [1865-1872]

Pierre Giguet (1794-1883) est un helléniste français, traducteur de plusieurs ouvrages au XIXe siècle dont l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, les Histoires d’Hérodote et la Septante.

  • La Sainte Bible : traduction de l’Ancien Testament d’après les Septante par P. Giguet, Poussielgue (Paris) [1865-1872] :
    • Le Tome 1, 1865 : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ruth.
    • Le tome 2, 1865 : I Règnes (= 1 Samuel), II Règnes (= 2 Samuel), III Règnes (= 1 Rois), IV Règnes (= 2 Rois), I Paralipomènes (1 Chroniques), II Paralipomènes (2 Chroniques), Esdras, Néhémie, Tobit, Judith, Esther.
    • Le tome 3, 1872 : Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Sagesse de Salomon, Sagesse de Sirach, Osée, Amos, Michée, Joël, Abdias, Jonas, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.
    • Le tome 4, 1872 : Isaïe, Jérémie, Baruch, Lamentations de Jérémie, Lettre de Jérémie, Ezéchiel, Daniel, I Macchabées, II Macchabées.

L’édition du Cerf [depuis 1986]

Depuis 1986, une équipe réunie autour Marguerite Harl, Gilles Dorival, Olivier Munnich, et Cécile Dogniez travaillent sur une édition complète accompagnée de nombreuses notes de la Septante dans la collection « Bible d’Alexandrie » aux éditions du Cerf. Les auteurs et autrices tiennent un carnet en ligne où l’on peut suivre l’avancée de leurs travaux : La Bible d’Alexandrie. Version grecque des Septante. Voici une liste à jour de la publication de la Bible d’Alexandrie. Les ouvrages dont la date n’est pas indiquée n’ont pas encore été publiés :

PentateuqueLivres historiquesSagessesProphètes
1. La Genèse, par Marguerite Harl, 1986 ; 1994, 2010

2. L’Exode, par Alain Le Boulluec et Pierre Sandevoir, 1989

3. Le Lévitique, par Paul Harlé et Didier Pralon, 1988

4. Les Nombres, par Gilles Dorival, 1994

5. Le Deutéronome, par Marguerite Harl et Cécile Dogniez, 1992

Le Pentateuque d’Alexandrie : la bible des septante, texte grec et traduction Cécile Dogniez, Marguerite Harl, Monique Alexandre, Jean-Marie Auwers, Michel Casevitz, Cerf ,collection LXX , (septembre 2001)
6. Jésus (Josué), par Jacqueline Moatti-Fine, 1996

7. Les Juges, par Paul Harlé, 1999

8. Ruth, par Isabelle Assan-Dhôte et Jacqueline Fine, 2009

9.1. Premier Livre des Règnes, par Michel Lestienne et Bernard Grillet, 1997

9.2. Deuxième Livre des Règnes

9.3. Troisième Livre des Règnes, par Philippe Lefèbvre et Philippe Hugo

9.4. Quatrième Livre des Règnes, par Valérie Duval-Poujol, Matthieu Richelle

10.1. Premier Livre des Paralipomènes, par Bruno Meynadier.

10.2. Deuxième Livre des Paralipomènes, par Hugues Cousin, Philippe Abadie, Bruno Meynadier et Laurence Vianès

11.1 Esdras I, par André Canessa

11.2. Esdras II (Esdras-Néhémie), par Timothy Janz, 2010

12. Esther, par Claudine Cavalier, 2012

13. Judith, par Reinhart Ceulemans et Marie-Françoise Baslez

14. Tobit, par Jean-Marie Auwers et Madeleine Petit

15.1. Premier Livre des Maccabées, par Isabelle Assan-Dhôte, Jacqueline Moatti-Fine, Marie-Françoise Baslez

15.2. Deuxième Livre des Maccabées, par Isabelle Assan-Dhôte, Jacqueline Moatti-Fine, Marie-Françoise Baslez

15.3. Troisième Livre des Maccabées, par Joseph Mélèze Modrzejewski, 2008
16?. Job, par Dominique Mangin


17. Proverbes, par Marc d’Hamonville, 2000

18. L’Ecclésiaste, par Françoise Vinel, 2002

19. Cantique des cantiques, par Jean-Marie Auwers, 2019.

20. Les Psaumes. Vol. 1, Psaumes 1-40, par Gilles Dorival, 2021

21. La Sagesse de Salomon, par Jérôme Moreau et Alexis Leproux

22. Le Siracide, par Françoise Vinel
23.1. Les Douze Prophètes. Osée, par Jan Joosten, Eberhard Bons et Stephan Kessler, 2002

23.2-3. Les Douze Prophètes. Amos, par Eberhard Bons, Jennifer Dines, Johan Goecken et Maria-Christina Pennachio ; Michée, par Jan Joosten, Philippe Le Moigne et Riemer Roukema

23.4-9. Les Douze Prophètes. Joël, Abdiou, Jonas, Naoum, Ambakoum, Sophonie, par Marguerite Harl, Cécile Dogniez, Laurence Brottier, Michel Casevitz et Pierre Sandevoir, 1999

23.10-11. Les Douze Prophètes. Aggée, Zacharie, par Marguerite Harl, Michel Casevitz et Cécile Dogniez, 2007

23.12. Les Douze Prophètes. Malachie, par Laurence Vianès, 2011

24. Isaïe, par Alain Le Boulluec et Philippe Le Moigne

25.1. Jérémie, par Christian Amphoux, D. Rougé et Arnaud Sérandour

25.2. Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie, par Isabelle Assan-Dhôte et Jacqueline Moatti-Fine, 2005

26. Ezéchiel, par Kathrin Hauspie, Michel Petrossian

27. Daniel et ses suppléments, par Monique Alexandre et Olivier Munnich
Appendix : 15.4. Quatrième Livre des Maccabées, par Monique Alexandre, Cyrille Crepey, Raphaëlle Ziadé

Les références dans les sources rabbiniques


Plusieurs sources rabbiniques évoquent la traduction de la Septante. Les avis des rabbins semblent évoluer d’un sentiment d’approbation vers un sentiment de rejet surtout après l’appropriation de la Septante par les chrétiens. Les différentes sources rabbiniques sont données dans Gilles Dorival, Marguerite Harl, Olivier Munnich, La Bible grecque des Septante : Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, Ed. du CNRS, 1999, p.50 :

  • IIe siècle : une Baraïta du TB Megilla 9a ;
  • IIIe siècle : Sefer Torah 1, 8-9 et Mekhilta de rabbi Yishmaël sur Exode 12, 40 ;
  • Ve siècle : le TJ Megilla 1, 71d ;
  • Après 400 : Genèse Rabba 8, 11 ; 10, 9 ; 38, 10 ; 48, 17 ; 98, 5 ;
  • Entre le IVe et le IXe siècle : Tanhuma Shemot 22 et Tanhuma Buber Shemot 19 (69) ;
  • Avant le VIIIe siècle : Abot de rabbi Natan recension B chapitre 37 ;
  • Au milieu du VIIIe siècle : Massekhet Soferim 1, 7-8 et Megillat Ta’anit 13 ;
  • Avant le XIIe siècle : Exode Rabba 5, 5 ;
  • Au XIIIe siècle : Leqah Tob sur Genèse 1, 1 et Deutéronome 4, 9, ainsi que Midrash ha-Gadol sur Deutéronome 4, 19.

Les références dans les sources juives hellénophones


La traduction de la Torah en grec est rapportée par plusieurs auteurs juifs hellénophones :

  • Le pseudo-Aristée (première moitié du IIe siècle avant notre ère) dans La lettre d’Aristée à Philocrate
    • Il s’agit d’un auteur juif qui se fait passer pour un Grec. Dans ce récit très détaillé, il se livre à une véritable apologie de la traduction de la Septante. L’un des objectifs de l’auteur était peut être de défendre la Septante face à des révisions concurrentes (voir : Laurence Vianès, Naissance de la Bible grecque. Lettre d’Aristée à Philocrate. Traité des Poids et Mesures. Témoignages antiques et médiévaux, Les Belles Lettres, 2017).
  • Aristobule (philosophe juif de l’école péripatéticienne, première moitié du IIe siècle avant notre ère) cité dans : Eusèbe, Préparation évangélique XIII, 12, 1-2
  • Philon d’Alexandrie (milieu du Ier siècle de notre ère) dans La Vie de Moïse 11, 25-44.
  • Flavius Josèphe (fin du Ier siècle de notre ère) dans Antiquités juives XII, 2, 1-15

La traduction grecque d’Aquila


Les éléments biographiques concernant Aquila se retrouvent dans des sources juives et chrétiennes. Aquila est un païen originaire du Pont-Euxin — d’où le nom de Synop qui lui est souvent accolé — qui a vécu sous le règne d’Hadrien (117-138). Il s’est converti au judaïsme puis est devenu un élève de Rabbi Akiva. Les spécialistes débattent de son lien avec Onqelos, l’auteur de la traduction araméenne de la Torah : s’agit-il du même personnage, de deux personnes distinctes ou d’un nom écran derrière lequel se cache un groupe de traducteurs ayant œuvré sur les traductions « officielles » araméennes et grecques ? La traduction grecque d’Aquila est considérée comme « littéraliste » car très proche de la version hébraïque dont elle reprend plusieurs tournures grammaticales. Elle supplanta la version des Septante dans l’usage des communautés juives hellénophones.

Bibliographie générale


  • Dominique Barthélemy, Les devanciers d’Aquila : première publication intégrale du texte des fragments du Dodécapropheton, trouvés dans le désert de Juda, précédée d’une étude sur les traductions et recensions grecques de la Bible réalisées au première siècle de notre ère sous l’influence du rabbinat palestinien, Brill, 1963.
  • Gilles Dorival, Marguerite Harl, Olivier Munnich, La Bible grecque des Septante : Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, Ed. du CNRS, 1999, p.143-147.
  • Paul, André. « La Bible grecque d’Aquila et l’idéologie du judaïsme ancien », Band 20/1. Halbband Religion (Hellenistisches Judentum in römischer Zeit, ausgenommen Philon und Josephus), edited by Wolfgang Haase, Berlin, Boston: De Gruyter, 2016, pp. 221-245.

L’œuvre d’Aquila


La traduction du TaNaKh réalisée par Aquila est perdue et n’est connue que par des fragments très éparses :

  • Les Hexaples d’Origène (réalisés avant 245) qui plaçait en colonne les versions suivantes de la Bible : (1) Le texte consonantique hébreu ; (2) La translittération de l’hébreu en caractères grecs ; (2) La traduction grecque d’Aquila ; (4) La traduction grecque de Symmaque ; (5) La traduction grecque des Septante ; (6) La traduction grecque de Théodotion. L’œuvre d’Origène est perdue et n’est connue — elle aussi — qu’à travers des fragments et des citations. Il n’existe pas de compilations françaises de ces morceaux.
  • Les citations des Pères de l’Église :
  • Des fragments égyptiens : papyrus découverts dans le Fayyoum et manuscrits de la Gueniza du Caire (voir : Dorival et alii, La Bible grecque des Septante, p.144). Ces fragments n’ont pas été traduits en français.
  • Présence dans la Septante : pour certains spécialistes, Aquila aurait traduit certains des livres qui ont été compilés dans la Septante dont l’Ecclésiaste (voir : Dorival et alii, La Bible grecque des Septante, p.145).

Aquila dans les sources rabbiniques


Les sources rabbiniques comportent quelques informations sur la vie personnelle d’Aquila ainsi que des citations de son travail de traduction en grec. Nous reprenons les références données par Jenny R. Labendz, « lquila’s Bible Translation in Late Antiquity : Jewish and Christian Perspectives ». Harvard Theological Review, 102, 2009, p. 355-365.

  • Éléments sur sa vie personnelle :
    • Genèse Rabba 70:5
    • Talmud de Jérusalem Hagigah 2:1, 77a
    • Tanhuma Bereshit 5
    • Talmud de Jérusalem Megillah 1:8, 71 a–b
  • Sur son travail de traduction en grec
    • Genèse Rabba 46:3 sur Gen 17:1
    •  Talmud de Jérusalem Qiddushin 1:1, 59 a sur Lev 19:20
    • Talmud de Jérusalem Sukkah 3:5, 53d; Lévitique Rabba 30:8 sur Lev 23:40
    • Talmud de Jérusalem Shabbat 6:4, 8b sur Isa 3:20
    • Eichah Rabbah 1:1 sur Ezek 16:10
    • Lévitique Rabba 33:6 sur Ezek 23:43
    • Talmud de Jérusalem Megillah 2:4, 73b; Mashqin 3:7, 83b; Lévitique Rabba 11:9  sur Ps 48:15
    • Lévitique Rabba 33:1 sur Prov 18:21
    • Genèse Rabba 93:3 sur Prov 25:11
    • Talmud de Jérusalem Yoma 3:8, 41 a sur Dan 5:5
    • Genèse Rabba 21:1 sur Dan 8:13

La traduction de Symmaque


Un débat existe quant à l’idée de Symmaque. Eusèbe le présente comme un « ébionite », thèse qui sera reprise par la suite par de nombreux auteurs chrétiens. Depuis D. Barthélemy, il est établi que Symmaque est un Juif (plus précisément un Samaritain converti au judaïsme) et que sa traduction grecque du TaNaKh reflète l’exégèse rabbinique. Sa traduction est datée des années 150 de l’ère commune. Un débat existe quant à son identification avec Sumkhos ben Joseph, le disciple de Rabbi Méir (voir par exemple l’article suivant en anglais : Michaël N. van der Meer « Symmachus, the Septuagint and the Sages: An Examination of the References to Sumkhos ben Joseph in the Mishnah, Tosefta and Talmudim », Randall X. Gauthier, Gideon R. Kotzé, Gert J. Steyn, eds., Septuagint, Sages, and Scripture. Studies in Honour of Johann Cook, VTSup 172, Leiden: Brill, 2016, p.336-355). La traduction de Symmaque semble concilier deux aspects : le respect de l’exégèse rabbinique ainsi qu’une plus grande intelligibilté par un public grec comparée à la version d’Aquila. Le travail de Symmaque est également perdu. Il ne subsiste que de manière fragmentaire à travers les écrits des Pères de l’Eglise (voir partie sur Aquila) et à travers plusieurs fragments retrouvés en Egypte contenant une petite partie de sa traduction des Psaumes.

Bibliographie générale


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