Yoré Déa | יורה דעה
De la viande dont on ignore la provenance | הלכות בשר שנתעלם מן העין
Jean de Pavly & R. Abel Neviasky (1898)
Introduction des traducteurs
Parmi les prescriptions alimentaires, celle relative à la viande occupe la première place. Aucun aliment n’est l’objet de tant de règlements que la viande. La prohibition des animaux impurs (§ 79 et 82) et même de certains animaux purs (§ 13, art. 4), les prescriptions concernant le mode et les jours d’abatage (§ 19, art. 2; §§ 16 et 20-25), la défense des animaux atteints de certaines lésions (§§ 29-60), les nombreux règlements touchant la préparation de la viande : extraction de certaines lames graisseuses (§S 64), des veines (§§ 65-68), lavage et salage (S§ 69-78), etc, sont autant de raisons qui ont déterminé les gardiens de la loi à recommander cet aliment de façon toute particulière aux soins de la ménagère juive, et à exhorter celle-ci à en faire sa constante préoccupation.
Aussi la loi rabbinique ne veut-elle point qu’on se serve de viande dont on ignore la provenance, ou, pour employer les propres termes du texte, de viande échappée à l’oeil (בשר שנתעלם מן העין), c’est à-dire, dont on a un instant détourné les yeux. Bien qu’en vertu de la règle biblique (Exode, XXIII, 2) l’on puisse, en cas de doute, considérer comme certaine celle des suppositions en faveur de laquelle la plupart des circonstances militent — c’est ainsi que le Talmud interprète les mots bibliques: אחרי רבים להטת — les rabbins en font un exception lorsqu’il s’agit de viande dont on ignore la provenance, Ainsi, la viande trouvée dans la rue ou entre les mains d’un païen1 est défendue, alors même que la plupart des bouchers de la ville sont des Israélites. Bien plus, un morceau de viande égaré pour un moment et retrouvé dans la maison même est défendu, de crainte que quelque animal rampant nait substitué un morceau à un autre ; à moins toutefois qu’on ne reconnaisse le morceau à laide d’un signe particulier (סימן) ou à sa configuration (טביעות עין).
1 De même que d’un païen, le Talmud (traité Bekhorot, 29b et 30a) veut que l’on se méfie également d’un israélite qui n’observe point les prescriptions culinaires. V. § 119. D’après certains auteurs (v. Tossefot au traité Avoda zara, 69b, s. v. מ״ט, et traité Baba Metzia, s. v. אתלתא), il faut prendre plus de précautions quand on envoie de la viande, ou d’autres aliments, par un messager juif qui n’est pas pratiquant, que par un messager païen. V. § 118, art. 1, Glose.
Rituel du judaïsme. Traduit pour la première fois sur l’original chaldéo-rabbinique et accompagné de notes et remarques de tous les commentateurs, par Jean de Pavly avec le concours de M. A. Neviasky. Troisième traité : Des morceaux de viande percevable par les prêtres. Orléans, 1898. [Version numérisée : archive.org].