Yoré Déa | יורה דעה

Des menstrues | הלכות נדה

R. Abel Neviasky (1912)


Traduction du traducteur

Le dixième fascicule que je présente aujourd’hui au public est d’un grand intérêt au point de vue social: il réglemente d’une façon rigoureuse, mais sage, les rapports entre époux ; il montre aussi l’étendue de la science médicale à l’époque talmudique.

Les lois relatives à la menstruation sont de source biblique. Car on lit dans le Lévitique, XVIII, 19 : ואל־אשה בנדת טמאתה לא תקרב לגלות ערותה « Tu n’approcheras pas d’une femme, au moment des époques, pour découvrir sa nudité. » Le Pentateuque, dans ce chapitre consacré aux mœurs, se sert du mot קרב « approcher » (versets 6 et 19) pour exprimer les rapports sexuels ; קרב ayant également le sens d’«amitié », l’auteur du Yoreh Déah oblige le mari à la plus grande circonspection durant l’indisposition de sa femme ; selon lui, un témoignage amical, ou le simple voisinage, peut exciter la passion et faire commettre l’acte qu’interdit le Pentateuque. C’est là d’ailleurs le système général de la « haie » talmudique.

Tout le traité repose sur le mot נדה (niddah) qui lui donne son nom, et que je vais expliquer sommairement. נדה = (niddah) a un double sens, qui lui vient des deux verbes naddéh, éloigner, repousser, et nadôd, retirer, agiter. 1° L’idée d’éloignement conduit à celle de la chose impure qu’on repousse, et c’est dans ce sens que Zacharie (XIII, 1) emploie le mot quand il dit לחטאת ולנדה : pour le péché et pour la souillure (causés par l’idolâtrie, v 2). 2° L’idée de retrait, d’agitation, s’applique aux époques de la femme pendant lesquelles le sang se retire de l’intérieur du corps, est expulsé. De là אשה נדה (ichâh niddah), constamment employé dans notre traité pour désigner la femme qui a ses règles.

Il en résulte que le mot niddah exprime à la fois une notion morale (celle d’impureté) et une notion physiologique (celle de menstruation) ; et c’est pourquoi nous l’avons traduit par cette expression complète : la pureté dans le mariage, qui forme le titre du dixième fascicule.

Moïse est également sévère dans ses prescriptions sur la menstruation et dans celles ayant trait aux accouchements (voir Lévitique, XII, 2.) L’inobservance des préceptes mosaïques peut entraîner de graves désordres, provoquer une phlegmasie, dangereuse pour le mari et nuisible à la conception. Ceux qui me verront ainsi défendre et honorer la science rituelle souriront sans doute de pitié, et pourtant cette science a existé. Nul plus que moi n’admire la science et l’habileté de nos modernes praticiens. Mais l’éclat des découvertes modernes ne doit pas nous faire oublier qu’à une époque reculée, la science médicale, quoique plus modeste, a déjà brillé, et l’on pourrait lui appliquer ce qu’Aristote disait de la philosophie: « La science des temps futurs sera comme un homme qui serait monté sur nos épaules. »Les savants talmudistes, dans leur prodigieuse activité, travaillaient et enseignaient sans espoir de récompense matérielle ; ils se distinguaient particulièrement par leurs connaissances du droit et de la médecine. Ils recherchèrent dans la manière de vivre de leurs contemporains la cause des troubles pathologiques qu’ils avaient sous les yeux ; de là tant de préceptes sur l’alimentation, l’hygiène et les mœurs. Ces prescriptions sont brèves, parce qu’elles s’adressent à des natures simples ; on ne put en nier l’excellence, en présence de la rare vitalité du peuple juif, qui a triomphé des siècles.

Dans le paragraphe 197, article 1 où il est question de la purification de la femme נדה (niddah) et de celle de la femme זבה (zabhah), je n’ai pas mentionné cette dernière, me bornant à traduire le mot נדה (niddah). Le mot זבה (zabbah) désigne une phlegmasie se rencontrant aussi bien chez l’homme que chez la femme, avec différence de coloration du pus secrété (rouge chez la femme, jaunâtre chez l’homme). Il y a encore plus de danger, dans les rapports sexuels, avec la femme זבה qu’avec la femme נדה (celle qui a simplement ses règles) ; le premier de ces deux états est maladif et l’autre naturel. C’est pourquoi le Lévitique (XV, 19) précise bien ; quand il emploie le mot זבה pour désigner le flux naturel, il ajoute: בבשרה, « dans sa chair », pour indiquer la place exacte d’où vient le sang menstruel ואשה כי־תהיה זבה דם יהיה זבה בבשרה שבעת ימים תהיה בנדתה, « Quand une femme aura son flux, c’est le sang qui s’échappe de son corps, elle devra cesser la vie conjugale pendant sept jours. » Tandis que s’il s’agit d’une femme réellement זבה (zabhah), la suspension de la vie intime est prescrite pendant sept jours, après que toute tache a disparu: (Lévitique, XV, 26) ואם־טהרה מזובה וספרה לה שבעת ימים ואחר תטהר, « Lorsque la femme sera guérie de sa phlegmasie, elle comptera sept jours, et ensuite elle sera pure après immersion ».

Comme il est très difficile de nos jours de distinguer la zabhah de la niddah, la loi traditionnelle veut qu’on suive, pour la seconde, la règle qui ne s’appliquait qu’à la première ; elle prescrit donc, pour les époques menstruelles, de compter sept jours après que toute tache a disparu et de se purifier ensuite. La niddah et la zabhah étant ainsi traitées de la même façon par la loi traditionnelle, j’ai cru devoir ne pas traduire du tout le mot זבה (zabhah).

Le dixième fascicule Niddah (lois de pureté dans le mariage) et le onzième, comprenant Tebhilah (de l’Immersion purificatrice) et Miqveoth (des réservoirs destinés à l’immersion), sont en étroit rapport l’un avec l’autre ; il m’a donc semblé préférable de les faire imprimer en un seul volume. Comme dans les fascicules précédents, les renvois en chiffres correspondent à des notes traduites du texte, et ceux en lettres correspondent aux notes que j’ai cru devoir ajouter pour éclairer le lecteur, autant qu’il a été en mon pouvoir.

Rituel du judaïsme. Traduit pour la première fois sur l’original chaldéo-rabbinique et accompagné de notes et remarques de tous les commentateurs, par M. A. Neviasky. Dixième traité : Lois de pureté dans le mariage. Paris, 1912. [Version numérisée : archive.org].

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