Yoré Déa | יורה דעה
Des morceaux de viande percevables par les prêtres | הלכות מתנות כהונה
Jean de Pavly & R. Abel Neviasky (1898)
Introduction des traducteurs
À La tribu de Lévi, uniquement consacrée au service du culte et de la loi, fut exclue du partage des terres et soumise à la rigueur de ce principe « que toute possession territoriale, tout héritage lui resterait interdit ». (Nombr., XX VIII, 20 et 24, et Deuter., XVII, 1). Loin cependant de laisser au ministre sacré le souci des moyens d’existence et la préoccupation de l’avenir matériel de ses enfants, la loi sen chargeait elle-même, La tribu ayant été partagée en deux sections étroitement associées, les prêtres1 ou sacrificateurs (כהנים) et les lévites (לוים) destinés aux fonctions secondaires, les membres de chacune de ces deux sections avaient droit à certaines rétributions accordées par la loi à titre de dédommagements, telles que les dimes des produits du territoire, les oblations et prémices des fruits, certaines parties des animaux offerts en sacrifice, les produits des interdits (Nombr., X VIII, 14), les premiers-nés, le rachat du fils aîné (Exode, XXXIV, 19), le rachat du premier produit de l’âne (ib., 20), les prémices de la tonte (Deuter., XVIII, 4), ainsi que l’épaule, les mâchoires et l’estomac de tout animal saigné (ib., 3). Les rétributions dues aux prêtres sont au nombre de vingt-quatre (Tossefta traité ‘Halla, section Il, et Talmud, traité Baba Kamma, 110b), dont dix ne sont percevables que dans l’enceinte du Temple, quatre ne le sont que dans la ville de Jérusalem, et dix seulement dans tous les pays (Talmud, traité ‘Houlin, 133b).
Parmi ces dernières dix redevances, on compte celle de l’épaule (זרוע), des mâchoires (לחיים) et de la caillette (קיבה) de tout animal saigné (Deuter., XVIII, 3), excepté des animaux sauvages et des volailles (§ 61, art. 19), Selon certains auteurs cependant (Rashi au traité ‘Houlin, 136b, s. v. כרבי אלעאי, et Tossefot, ibid.), cette rétribution n’est due qu’en Palestine (art. 21).
La rétribution dont il est question dans le présent traité étant la seule que l’Écriture (Deuter., ibid.) désigne par le terme de droit des prêtres (משפט הכהנים), le Talmud (traité ‘Houlin, 134b) en déduit qu’elle à été accordée aux prêtres en récompense de l’oeuvre méritoire accomplie par leur ancêtre Phineès en poignardant la Madianite (Nombr., XXV, 7-13). Ainsi, l’épaule droite correspond au bras droit dont Phineès s’était servi pour saisir le poignard, les mâchoires correspondent aux lèvres remuées par Phineès dans sa prière à Dieu de détourner sa colère du peuple d’Israël (Psaumes, CV, 30), l’estomac, enfin, rappelle l’estomac percé par Phineès2. (V. le commentaire de Samuel Edels au Talmud, l. c.).
1Le Cohanat des Juifs n’avait que fort peu d’analogie avec le sacerdoce des religions anciennes ou modernes. Les différences de principes et de but qui les distinguent font rejeter en seconde ligne les diverses faces par lesquelles ils se rapprochent. Le mot כהן correspond au Yoghi des brahmanes. À défaut d’un terme équivalent en français, je me sers du mot prêtre.
2En Egypte, on offrait aux prêtres du dieu Osiris les mâchoires des bêtes immolées (Plutarque, De Iside et Osiride, I, 9); au Pindânwâhârya qu’on offrit dans le Srâddha (festin mensuel en l’honneur des Mânes), les brahmanes ajoutaient une caillette (Yadjour-Véda, IV, IIT, 23) ; enfin, le Chou-King (Tcheou-Chou, III, 11) raconte qu’à la cour de Vou-Vang, on offrit en sacrifice l’épaule des animaux. Le P. Gaubil traduit taï-pao avec grand morceau. Des raisons étymologiques me font croire qu’il s’agit de l’épaule : taï = grand, respectable, et pao = épaule ; pao signifie aussi soutien, protection, et correspond exactement au mot זרוע.
Rituel du judaïsme. Traduit pour la première fois sur l’original chaldéo-rabbinique et accompagné de notes et remarques de tous les commentateurs, par Jean de Pavly avec le concours de M. A. Neviasky. Troisième traité : Des morceaux de viande percevable par les prêtres. Orléans, 1898. [Version numérisée : archive.org].